• Melinda Miel / 1993



publié le 12 mars 1993 dans Live Music

Autoproclamée torch singer, se réclamant de Libby Holman comme de Juliette Gréco, Melinda Miel, jeune Anglaise de 23 printemps, sort peu à peu de l'anonymat. Forte d'une détermination qui lui fait refuser toute forme de compromis. Présentation d'une séduisante « inclassable ».

Dans la tradition des voix féminines hors normes, après Kate Bush, Elisabeth Fraser (sirène des Cocteau Twins) ou Diamanda Galas, la terre anglaise nous envoie aujourd'hui une curieuse créature : Melinda Miel.


Protégée de Marc Almond


Tout commence au Medway College of Art où elle fait la connaissance de Paul Buck, poète de son état (et auteur d'un roman culte, Les tueurs de la lune de miel, précisément). Séduit, il présente Melinda à son ami Marc Almond (pour lequel il a magnifiquement traduit les textes de Brel et Bataille, ainsi que des chansons de Barbara, Ferré et Gréco — traductions qui demeurent curieusement inédites à ce jour).


A son tour, Marc tombe sous le charme (un vrai conte de fées…), écrit une chanson pour la belle, l'accompagne en studio, allant même jusqu'à faire des voix sur un titre (Shivers in red).


Paul, pas en reste, signe tous les autres textes de l'album. Quant aux mélodies, elles sont l'œuvre de Steve Rowlands (parfois accompagné par Melinda), jeune clavier recruté par une petite annonce dans le Melody Maker.


L'album The Law of the Dream est bientôt prêt. Textes alambiqués et pleins d'humour, atmosphère musicale mi-classique, mi-contemporaine, entre la BO d'un film sombre et l'écho d'une tradition qui remonte aux fameuses torch songs des années 30, chansons réalistes ou tristesse, amour, mort et décadence se mêlent dans une même émotion.


Et bien sûr, la voix. Intense, riche en octaves, véritable corne d'abondance de vibratos, fiévreuse dans son goût de la passion extrême.


Nouvel égérie des boys anglais


Distribué par un label allemand, l'album bénéficie d'un étonnant bouche à oreille, soutenu par les apparitions régulières de Melinda sur scène dans de petites salles londoniennes (dont le Troubadour qui vit débuter Bob Dylan comme Tori Amos) ou des endroits alternatifs tels que le Torture Garden ou le Skin Two Party, hauts lieux de scène gay SM fétichiste. « Je n'ai rien fait pour séduire un public SM ou fétichiste. C'est arrivé parce que certaines de mes chansons ont ce genre de connotations. De même pour le nombre d'homosexuels dans mes concerts. C'est en rapport avec mon image, qui est très camp. Ils sont été attirés par ce côté très émotionnel, très intense et délicat. »


Sous les projecteurs, le charme de Melinda prend tout son éclat. Réincarnation des stars hollywoodiennes des années 30-40, elle scrute le public d'un regard dans lequel brille peu d'innocence, avant de le plonger dans un univers quasi baroque où sa voix, plus assurée que sur le disque, distille un bienfaisant poison. On est d'abord intrigué par ce décalage (le timbre semble trop mature pour cette peau laiteuse, ses boucles rousses et cette jeunesse affichée), puis on rit, on pleure (ou presque), on est ému (toujours).


De sous sa robe, elle tire un couteau attaché contre sa cuisse pour Madness and Gin, déguste sensuellement du raisin sur Perverted et boit du gin à grandes gorgées après chaque chanson. Le jeu de séduction fonctionne, pas d'échappatoire.


Récemment invitée en Autriche et en Allemagne, la jeune torch singer ne devrait pas tarder à nous visiter.


Laissez-vous séduire…


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