• Véronique Sanson | 2012


Salle Pleyel, Paris 
21-22 décembre 2012 

On imagine que Pleyel ne voit pas ça tous les soirs : quel feu d’artifice !
Dans cette salle qui manquait encore au palmarès de Véronique, l'alunissage de deux ans de tournée s'est effectué en beauté : bonheur d’être là, grande qualité du « jouage » des uns et des autres, osmose bien visible sur scène entre Véro et Véronique Sanson, triomphantes…
Et, surprenant mais vrai, l’événement s’est déroulé dans un silence médiatique assourdissant, couvert pour toujours pour nous par les clameurs d’un public qui nous rappelait celui des grands soirs d’un Palais des Sports ou d’un Zénith, passé pas si lointain… Ah Pleyel 2012 et son incroyable chaleur… Un transfert d’énergie salle-scène/scène-salle qui restera dans nos mémoires !

Il y a des photos (et quelques vidéos) un peu partout sur Facebook. Nul besoin d’un récit complet – d’autant que la grande majorité des gens qui me font l’honneur de lire ces chroniques étaient dans la salle. Juste quelques instantanés :

Premier spectacle Une pointe de trac palpable au début (osons dire que cela allait bien à sa voix…) sauvé par sa grande technique. À trois sièges, sur la même rangée, Line Renaud, debout, chantant avec la salle, écrasant une larme ou bien riant franchement : la spectatrice idéale ! Véronique de la scène lui dessinera un cœur et elle sortira de la loge encore impressionnée (« Quel spectacle ! La voix est intacte. »). « J’avais envie de vous jouer de la guitare » : On m’attend là-bas, le retour ! (en titre bonus, juste après Vancouver). Quelle énergie ! Bernard de Bosson, l’homme par qui tout est arrivé (un amour de type), passant les trois-quarts du spectacle à danser devant son siège. Revigorant ! Titou et ses deux filles découvrant leur drôle d’aïeule (eh oui…) pour la première fois sur scène : Véronique les présente au public, salle allumée. Également présents ce soir-là, Tony Franck, Yves Duteil et Raphaël Mezrahi qui confie avoir acheté avec son premier salaire un lecteur de laserdiscs juste pour lire celui du Symphonique Sanson et en dit un peu plus sur son projet loufoque de « Nuit de la déprime » : Véronique y chantera deux titres (location des places, ici). Véronique appelant Violaine avant Qu’on me pardonne en sifflant et attendant la réponse de l’intéressée – réponse qui semblerait ne pas être venue de « son p’tit sœur ». Première du sketch du bâton de rouge à lèvres, tiré de la poche du gilet. Présentation des musiciens avec des restes d’italien de la semaine précédente (« Allora ! ») ;-) L’intro de Bahia évolue encore : elle est maintenant chantée. Un véritable piège pour ceux qui ne savent pas ce qui vient…

Deuxième spectacle La température a encore augmenté par rapport à hier : dehors, il ferait presque tiède, mais dedans il fait chaud, très chaud ! Doux dehors, fou dedans ! Le trac semble avoir foutu le camp : la voix est libre ! La dernière note de Toute une vie sans te voir, par exemple, sera une version assez rare que mon voisin, véronicologue ô combien distingué, n’avait entendue qu’une seule fois… Véronique : « Quand je serai grande, je ferai une tournée piano-voix ». Le même voisin : « Même pas cap’ ! ». Véronique, modeste avant On m’attend là-bas : « Ne vous attendez à rien de sensationnel [pause] de ma part ! », car voici que s’avance sur la gauche Titou et sa guitare verte… Tête de la chanteuse qui va saluer avec les musiciens et voit arriver un bouquet larger than life dans un vase piqué d'étoiles rouges ! Titou l'aidera à le poser sur la scène au pied du piano, et une des étoiles, tombée dans la manœuvre, atterrira d'autorité sur sa veste ! ★★★ Invités du soir : Jean-François Copé (qui connaît le répertoire de Véronique par cœur et ne se gratte pas pour chanter), Isabelle Nanty (saluant Daniel Shick en coulisses, elle rigole : « Je peux te dire bonjour, on n’a pas de casseroles ? Parce que je sais que je dois encore 50 francs à quelqu’un…» !), Claude Wild, ancien tourneur de Véronique, et Franka Berger. Dans la loge, accompagné par Mehdi au piano, Franck Sitbon se livre à eine große Parodie de Juste pour toi en yaourt teuton. Irrésistible ! Sincère, Véro fait silence pour remercier comme il se doit Bruno Caviglia de leur avoir « sauvé la vie » (en remplaçant Basilou 48 heures avant Genève) : « Je ne peux pas mieux dire ». Applaudissements. Titou remonte sur scène, bien après le départ du public, pour un Say my last goodbye des familles qui résonne jusque dans la loge. Techniciens, musiciens et amis défilent pour dire au revoir à la chanteuse, qui trouve à chaque fois un mot, un regard, un sourire différents… 

• Véronique Sanson | 2012


Aoste, Italie 
13 décembre 2012 

La tentation d'Aoste était grande. Celle d'aller faire un tour en Italie (même si on ne se doutait pas du périple que cela allait représenter…), de la soutenir dans ce nouveau défi (jouer dans la vallée francophone d'un pays où elle est tout de même inconnue) et faire accessoirement un drôle de voyage dans le temps : Aoste, c'est un peu la Savoie dans les années 60 ! Une ville de 36 000 habitants, un peu oubliée par le temps… 


On est en avance pour la balance. La salle n'est vraiment pas grande, en pente dans le mauvais sens (quand les premiers rangs se lèveront, ils boucheront définitivement l'horizon au reste du public, à l'exception du balcon bien sûr, minuscule). Un technicien explique que l'installation électrique est assez ancienne, qu'il a fallu diviser par deux la puissance et même faire venir un câble de l'extérieur ! Ils sont sur place depuis 13 h, fabriquant une perche en bois ou grimpant au sommet d'une vertigineuse échelle pour obliquer un projecteur mal dirigé, installant les cuivres à côté des choristes (pas assez de place en fond de scène) et on réalise une fois de plus la somme de travail fournie pour deux heures de scène – qui se révéleront techniquement parfaites : chapeau les gars !
Les musiciens arrivent peu à peu, traînant leur valise. Aller de ville en ville, ça ils le connaissent bien… Véronique monte sur scène peu après, jeans, pull gris et lunettes de vue fumées à monture camouflage. Sa loge (en bonne position dans le déjà volumineux dossier des loges archi minuscules qu'elle aura connues dans sa carrière) est à 2 mètres à peine de la scène sur la gauche et elle évoquera plus tard cette première "embuscade" : entrer côté cour et se faufiler entre Rycko et Mehdi d'un côté et les cuivres de l'autre. La seconde sera la scène elle-même, penchée également, et recouverte d'une sorte de moquette difficile à pratiquer mais qui présentera l'avantage de bien prendre la lumière, en particulier le bleu, magnifique ce soir. Sur certains titres, combiné aux visuels de fond de scène (les mouvements de planètes et d'étoiles, par exemple), l'effet sera pratiquement hypnotique.


Je me fous de tout, Je veux être un homme et C'est long c'est court, que l'on découvre en version quasi-instrumentale (lors des balances, les voix et les instruments sont coupés alternativement de la console, pour régler les niveaux). Même ainsi, le titre est redoutablement efficace ! Véronique travaille ensuite ses piano-voix et on a droit à un joli Toute une vie sans te voir. Elle échange quelques mots en anglais avec Andy Scott, déclare que c'est bon pour elle et rejoint sa loge. Le trac ne l'a pas encore visitée, elle est franchement décontractée et bigrement en forme !

Peu avant 21 heures, les Valdôtains entrent sans se presser. Beaucoup d'abonnés, certains habillés pour sortir. Ils se dirigent vers leur place, et au son de la cloche, l'échangeront pour celle de leur choix ! Une tradition locale, sans doute… Le premier rang retrouvera ainsi ses habitués, lanceurs de standing ovations, bienvenus dans cette salle où tout est permis (filmer, photographier, et changer de place, donc). Quel luxe ! Et ici, pas de mauvais esprit, nul "Assis ! Assis !".  
Au bout de quelques chansons, ce qui saute aux yeux est l'extraordinaire décalage entre la qualité du spectacle (une chanteuse qui connait son affaire, des musiciens archi en place, les chorés d'Eric et Mehdi toujours au top, un son bien carré) et la taille du théâtre qui accueille le tout, alliée au fait que bon nombre des gens assis découvrent les chansons et le show en bloc.
Comme ma voisine, par exemple, charmante autochtone francophone à la retraite, venue parce qu'elle a lu dans le programme de la saison que Véronique était "fameuse en France", qui ne connaît aucun titre et va bientôt s'émerveiller comme une enfant des prouesses des uns et des autres, et même se lever à l'invitation de la chanteuse pour danser sur La nuit se fait attendre. Elle rit volontiers aux blagounettes de Véronique qui a vite mis la salle dans sa poche en ajoutant des o, des a et des i au p'tit bonheur, pour causer local ! Exemple : après avoir présenté Je me suis tellement manquée ("C'est une chanson sur la solitude des gens dans les grandes villes, dans les petites villes, dans les villages"), elle effleure sans le vouloir (?) une touche du piano et demande pardon ("Je ne l'ai pas fait expretto"). 


De temps en temps, pour varier les plaisirs, elle demandera à Mehdi de la traduire. Le contact est vite noué : les gens de la vallée sont sous le charme. Le voisin de l'ami Jéjé, juste devant, déclarera d'ailleurs d'emblée "C'est une belle femme". Ce sentiment anachronique de nouveauté pour le public se devine également côté scène : on ressentirait presque une certaine liberté, une façon de séduire différente, sans pression. Peut-être le challenge de jouer dans un petit théâtre devant un public qui ne vous connaît pas quand on plus de 40 ans de carrière, l'idée de devoir conquérir un public sans repères en une seule soirée, comme une impression de repartir de zéro…
Incident inédit et carrément fâcheux remarqué sur Qu'on me pardonne : la note do du piano résiste, sonne faux ! Le responsable serait un morceau de gaffer… Il faudra tout le talent de Véronique pour le contourner pendant le reste du spectacle…
"D'habitude je n'aime pas trop les chansons réalistes, et pourtant celle qui suit en est une" introduit Le temps est assassin auquel Bruno Caviglia apporte – en l'absence de Basilou – sa propre patte, très sympathique.
Véronique distribue ses regards, intenses ou rigolards, aux visages qu'elle reconnaît ou qu'elle distingue, en fonction des textes, au gré des chansons. Mots choisis les yeux dans les yeux. Frissons.


La fin de Bernard's song ne fonctionnera pas comme d'habitude : faute de candidats au jeu du "nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle", elle préfère l'abréger et lancer le "part" un peu plus tôt.
Arrive LE titre de la soirée, celui qui a sorti Alia Soûza : C'est long c'est court. Véronique s'y amuse d'un bout à l'autre, les percus entraînent les cuivres à moins que ce ne soit l'inverse, les chœurs se décalent de la ligne de voix et la partie finale, a capella, fournit l'occasion de saluer un beau travail d'adaptation à la scène et à ce groupe. En un mot comme en cent, ce titre est une tuerie, prêt à être mis en boite et commercialisé tel quel !
Sortie en dansant escortée par Mehdi et Rycko, Véronique revient pour Vancouver qu'elle termine, avant le "Et je rêve" final, non pas les poings contre le piano, mais les mains claquant à plat dessus. En la regardant évoquer une fois encore ce soir ses démons d'antan, on ressentira comme une impression de distance chez elle : elle les attend, qu'ils viennent…


Vient la présentation des musiciens, autre grand moment de culture bilingue, voire trilingue (y a de vrais morceaux d'espagnol dedans !) avec les noms à consonance latine vainqueurs haut la main à l'applaudimètre (Thierry Farrugia et Bruno Caviglia) ! Voir la vidéo ici.


Véronique est ensuite obligée, revenue à son piano, de faire signe de se rasseoir à ceux qui, au balcon, pensent que c'est déjà terminé et enfilent déjà leur doudoune ! "Vous ne vous débarrasserez pas de moi comme ça !". Ils se rassoient aussi sec sans se faire prier.
Endormie au premier rang depuis un bon moment, une dame d'un âge certain (et à l'audition contrariée), se réveille soudain et s'accoude à la scène pour tenter de rattraper ce qui ne se rattrape, ne se rattrape plus… Elle aura tout de même eu droit aux trois titres piano solo…
Avant Bahia, Véronique explique en italien de cuisine qu'elle va juste nous accompagner, qu'il faudra qu'on chante "sinon ça va pas l'faire" (en français, et en aparté).


Joli détail pour les initiés, la fin de Visiteur et voyageur cache ce soir pour la première fois une nouvelle et excellente trouvaille : un petit claquement de langue en rythme, façon tic-tac, sur les dernières notes de piano. Bravo !

Comme au joli temps jadis, et contrairement aux grandes villes où le public est prié de sortir manu militari, il est question ici de faire attendre les gens de la nuit dans le hall, en laissant à leur disposition des affichettes promo du spectacle. En général, l'artiste vient à leur rencontre et offre ses dédicaces. Dans le cas qui nous intéresse, l'attente ne sera pas trop longue, rythmée par le passage des roadies qui démontent la scène et pour qui c'est pratiquement l'unique passage.
Véronique prendra le temps d'un petit mot et d'un sourire à chacun(e), les remerciant d'avoir suivi sa musique jusque dans cette vallée éloignée (et bientôt balayée par la neige), avant de regagner à pied son hôtel, un peu plus bas dans la même rue…