• Véronique Sanson | 2023

 

Véronique Sanson
Zénith de Rouen,
26 février 2023


La rumeur bruissait de louanges sur la voix et le tonus de Véronique lors des 3 jours de répétitions pour la reprise de la tournée. Mais si... Véronique Sanson, vous savez bien, celle qui “se confie sur…”, qui “révèle…”, qui “dévoile…”, qui “revient sur…”, qui “réagit sans tabou” si l’on en croit les accroches éculées, pièges à clics suscitant ces dernières semaines des commentaires plus ubuesques les uns que les autres sur Twitter, YouTube et les chaînes d’info en continu ad nauseam, de la part de gens à qui on a envie de rappeler qu’elle fait aussi de la musique. Et vachement bien, en plus !…
Départ immédiat pour la première date de la tournée Hasta luego version 2023.
 
Balances © LC
 
Le vent glacial n’a pas empêché les Rouennais (et les autres) de sortir de chez eux pour s’engouffrer dans ce beau Zénith planté aux abords de la ville, facile d’accès avec cet immense espace tout autour, plutôt labyrinthique à l’intérieur avec toutes ces portes coupe-feu.

Véronique sur scène à 19 h ? Même pas en rêve… Voici donc Laura Cahen en vedette américaine, seule avec sa guitare. Ne marquant même pas la surprise, le public, incroyablement patient et attentif, l’accueille chaleureusement. Une petite demie-heure plus tard, les accords de Vole, Vole, Vole (anciennement Celui qui n’essaie pas) explosent la scène, comblant une attente paresseusement trompée sur les petits écrans à lumière bleue.
 
Entrée sur scène filmée par Christopher
 

Comme aux balances un peu plus tôt, Véronique tient la forme et les Rouennais vont se charger de l’électriser davantage, massés à ses pieds dès la deuxième chanson : du jamais vu depuis des années en ce qui me concerne, mais de l’inacceptable pour ceux qui n’envisagent pas de se lever (ou qui ne peuvent tout simplement pas, pour raisons physiques). D’où les “Assis, assis !” qui fusent au milieu des “Véro on t’aime !”, particulièrement nombreux ce soir. Assis juste devant la régie, on assistera en effet au départ de quelques personnes avec béquille ou canne…

Sur scène, le niveau, déjà élevé à la fin de l’année dernière, a encore gagné une marche : toujours plus de fignolage dans le jouage – autant de travail bientôt consacré par une captation de rigueur. L’acoustique de la salle, subtile, restitue parfaitement les nuances dans le chant de Véronique et les textes dont on distingue chaque mot (surtout quand le micro est ouvert…).
 
Au rayon des nouveautés, on note une intro différente, signée Mehdi Benjelloun, pour sa composition Et je l’appelle encore (très bien), et la disparition des gimmicks de cuivres sur Une nuit sur son épaule (moins bien). Les “pizz” dans le pont du Maudit sont toujours là, sans la voix de Véronique. Côté visuel, on note aussi de jolies petites trouvailles.
 
Juste avant Drôle de vie, Véronique tente de remettre un peu d’ordre dans les franges de sa tenue de scène, inspirant à Frédéric Gaillardet les premiers accords de You can leave your hat on (from “9 semaines 1/2”, une composition de… Randy Newman) qu’il plaque sur ses claviers pendant qu’elle prend des poses de star, assise au piano. Bravo ! 

La cerise sur le gâteau, la chemise (hawaïenne) sur le plateau, c’est bien sûr Christopher, guest star surprise – pas en première partie (comme on l’a vu), mais en guitariste de luxe. Pendant les balances, on ne se retenait pas de filmer ce moment où il enluminait les riffs archi connus de Bernard’s Song et On m’attend là-bas. La vidéo est à voir ici.

Passer de On m’attend là-bas au Temps est assassin n’est pas forcément sans risque et Véronique l’a expérimenté ce soir-là, ayant attaqué plus vite que la musique, dérangée dans ses Ears par des conversations qui n’y avaient clairement pas leur place. Pas de panique, on arrête tout et on recommence. Joueuse, elle avoue être “inconveniencée” et propose de repartir du milieu, de là où elle s’est arrêtée, du début… Les premiers rangs gourmands tranchent : ce sera du début !

Comme toujours, et surtout en cette période où on lit tout et (le pire du) rien sur un net pas net du tout, on éprouve une jubilation intérieure à entendre sa voix égrener des mots aussi fiers que “On dit aussi que mon regard est déjà flou / Que c’est une chance que je tienne debout / Que ma chandelle est presque à bout”… Rock’n’roll is here to stay!

En coulisses, on la retrouve un peu lasse de ces éternels problèmes techniques, mais radieuse de l’accueil fait à son spectacle, à ses musiciens, à sa vie… la musique.

La setlist est en ligne ici.

• Véronique Sanson | 2023

Véronique Sanson
“De l’autre côté de mon rêve”
Édition remasterisée
50e anniversaire


L’album “De l’autre côté de mon rêve” fête son demi-siècle et refait pour l’occasion un joli tour de piste, enrichi de maquettes inédites et rhabillé au goût du jour (son Dolby Atmos, pochette relookée). L’occasion de se replonger dans le contexte de sa sortie.

En 1972, tout va très vite pour Véronique. Son premier album sort au mois de mars, celui-ci début décembre. Elle enchaine la promo (presse, radios, télés en France, Suisse et Belgique) et découvre la scène (quelques chansons chaque soir pendant un mois au cabaret de la Tour Eiffel avant d’attaquer les choses sérieuses : la première partie de Polnareff en mai et surtout une grande tournée d’été avec Julien Clerc et Pierre Vassiliu – chez qui seront d’ailleurs prises les photos de la pochette originale de “De l’autre côté de mon rêve” dont Véronique ne raffole pas…).
 
Une chose est frappante avec ce disque, Véronique prend de l’assurance vocalement. La différence avec son premier album saute aux oreilles. Et plutôt que d’utiliser des titres déjà maquettés l'année précédente (Clapotis de soleil, la nuit se fait attendre… qu’elle utilisera plus tard), elle enregistre ce qu’elle vient d’écrire et de composer : des textes au plus près de ce qu’elle vit.
 
On ne peut en effet pas décemment évoquer cet album sans parler de Michel Berger, dont il est accessoirement le producteur et directeur artistique. Sa conception, son enregistrement coïncident avec LE grand tournant dans la vie de Véronique, celui qui va générer cette “drôle de vie” qu’elle pressent, ce virage non négocié au préalable. Prise entre deux feux (de l’amour), elle n’a pas encore choisi entre une histoire française un peu trop calme d’un côté (Michel Berger, alors inconnu du grand public) et une histoire américaine qui s’annonce largement trop rock’n’roll de l’autre (Stephen Stills, guitariste américain superstar). Elle se décidera plus tard.
 
Été 1972, Michel et Véronique photographiés par France Gall.
 
Début octobre 1972, une des séances studio pour cet album est d'ailleurs le théâtre de la rencontre des deux hommes que tout oppose – sauf leur amour pour Véronique. De très rares photos prises par Dominic Lamblin (qui travaille chez WEA) en témoignent et une rumeur tenace (mais que Véronique dément catégoriquement aujourd’hui) voudrait que Stills ait enregistré ce jour-là quelques accords. Elle se souvient en revanche que le guitariste américain échangeait avec elle en espagnol, langue que Michel Berger ne parlait pas. Les dés étaient lancés… 
 
Une fois ses voix enregistrées, Véronique disparaît quelques jours avec Stills, laissant Michel Berger terminer le mixage de l’album sans elle. On a longtemps cru qu’elle avait pris là ce fameux aller-simple pour New York mais de nombreux éléments nous incitent à réécrire la temporalité de l’événement. De fait, après cette courte fugue, elle revient auprès de Michel. Ils iront même ensemble au mariage de sa sœur Violaine mi-décembre 1972 et elle verra naître la plupart des titres qui formeront le premier album de Michel, Cœur brisé. Des bandes de travail en studio inédites en attestent.
 
Une chanson de Véronique est rarement intégralement dédiée à quelqu’un – même s’il y a de belles exceptions dans son répertoire, comme Mortelles pensées mais on peut remarquer que, alors qu’ils sont encore ensemble, Véronique Sanson et Michel Berger se parlent déjà par chansons interposées. Elle lui dit de se méfier quand s’allumera l’étincelle de l’infidèle (Toute seule), lui tend le portrait idéal d’un autre homme (Comme je l’imagine) alors que lui envisage déjà son départ (Attends-moi), implore son aide (Donne-moi du courage) mais a déjà tout compris (Si tu t’en vas). Il avouera plus tard en interview avoir songé un temps sortir son premier album et celui de Véronique dans un même coffret… Le destin en décidera autrement : après moult hésitations, elle répondra finalement à l’appel du large juste avant la sortie de ce Cœur brisé et leur dialogue s’intensifiera au fil des années alors même qu’ils seront séparés géographiquement, heureux et malheureux “l’un sans l’autre”. 
 

Variation autour de la photo de la pochette de 1972, avantageusement remplacée, pour cette nouvelle édition, par une photo de Jean-Marie Périer prise à la même époque.
 
Je garderai – le plus longtemps possible j’espère – en mémoire un moment précieux : Véronique printemps 2022 penchée sur un iPad, réécoutant pour la première fois les maquettes insérées dans cette réédition et s’adressant à la jeune Véronique automne 1972 : “Mais ralentis un peu... Va moins vite...”. Dialogue dans les couloirs du temps…
Ce même jour, elle qui a un penchant certain pour les accidents, les choses imparfaites, sélectionnera la maquette de Morale séance tenante (”Celle-là, faut la mettre !”) à cause du moment où elle s’arrête et reprend, avant de donner son accord pour d’autres.
 
Parce qu’elle est à l’époque incroyablement prolifique, on a retrouvé sur la même bande quelques instrumentaux parfaitement inédits, oubliés derrière elle dans la précipitation de son départ mais fort heureusement conservés par Michel Bernholc, qui faisait tourner les magnétos dès qu’elle mettait un pied en studio. En 2020, elle a écrit un texte plutôt sombre sur l’une de ces musiques, qu’on a pu découvrir sur scène sous le titre de Signes. Les autres pourraient également faire l’objet de quelques travaux de remaniement dans le futur et voir le jour une fois leurs paroles écrites – ce qui justifie leur absence dans cette réédition.
 
On n’est pas encore tous appareillés mais il faudra y songer (je ne parle pas de surdité mais de nouvelles technologies)… “De l’autre côté de mon rêve”, album-clé pré-“années américaines”, mérite amplement d’être écouté dans les conditions Dolby Atmos. C’est un peu comme si l’on était en studio avec elle, avec les musiciens. La spatialisation du son déroute d’abord : on se retourne pour savoir si le guitariste n’est pas réellement dans la pièce ! Une expérience qui fait penser à celle de nos aînés découvrant le son stéréo… Hautement recommandée !

Disponibles depuis le 8 décembre 2022 :
Versions digitales 16 & 24 bits de l’album remasterisé
Version digitale Dolby Atmos sur Apple avec une exclusivité de 14 jours
 
Disponibles depuis le 20 janvier 2023 :
Vinyle translucide & édition Deluxe CD + Blu-ray audio Dolby Atmos
 
 
Variation autour d’une photo de la même série que celle de la nouvelle édition, également signée Jean-Marie Périer