• The Divine Comedy (2) | 2022

 

The Divine Comedy,
Cité de la Musique,
19 septembre 2022

 

Soirée d’exception. Loin du chaos de l’actualité internationale, la belle salle de la Cité de la Musique respire calme et sérénité dans une entente cordiale de rigueur en ce jour d’obsèques nationales au Royaume désuni. Il doit y avoir autant de Britanniques que de Frenchies ce soir et Neil Hannon, alias The Divine Comedy, aura le bon goût de ne faire aucune allusion à la royale disparition, estimant sans doute que chacun souffre déjà d’overdose sur le sujet (de sa Majesté, bien sûr).
 


Rétrospective est un programme exigeant. Qu’on en juge : l’idée (archi dingue) est de reprendre sur scène l’intégralité de ses albums studio (soit 113 chansons au total) à raison de deux par concert. Tant d’heures de travail, de répétitions, d’exigence… pour ne les jouer qu’un seul soir chacun à Londres et à Paris. On applaudit.

Entrée en scène classique : les musiciens s’installent, suivi de Neil Hannon dans un costume un peu terne, un début de petit ventre menaçant de dépasser de sa ceinture, annonçant dans un français parfait qu’on ne doit pas s’attendre à de grands gestes ce soir, qu’ils vont juste essayer de jouer les chansons dans l’ordre et correctement.
Soudain on est saisi : et si on allait s’ennuyer ? S’il est vrai qu’il ne viendrait plus à personne l’idée d’écouter un album dans son intégralité, que dire de deux à la suite, même (et surtout) confortablement assis ? 
Surprise, c’est lui qui au bout de 2-3 chansons s’étonnera de nous voir si calmes... La salle est pourtant réceptive à toute ses saillies (drolatiques, comme d’habitude), mais effectivement plutôt sage et pleine de ferveur pendant les interprétations.

Neil Hannon est fier de sa formation et il ne le cache pas : il y a effectivement du beau monde sur scène, parfaitement en place et impliqué dans chaque chanson (on pense en particulier à une violoniste qui chante tous les textes dès qu’elle n’a pas à intervenir).
On vérifie d’un coup d’œil en fond de scène que le fidèle Simon Little est toujours là, dansant même lorsque le tempo d’un titre est plutôt calme. Comme souvent sur scène, Neil Hannon a un verre et une bouteille de vin rouge à disposition derrière lui. On repense à ce que martèle une blonde amie : un homme qui boit, c’est un bon vivant ; une femme qui boit, c’est une pochtronne… Il annoncera quand même boire de l’eau de temps en temps pour « diluer le vin », évoquant le difficile passage du temps…

Liberation est donc son premier album officiel (Fanfare For The Comic Muse comptant pour du beurre), avec déjà de sérieux beaux morceaux (Death Of A Supernaturalist, I Was Born Yesterday et Your Daddy’s Car) dont on vérifie encore ce soir l’efficacité, quand des titres comme Europop ou Lucy, même revisités avec une rythmique plus disco que l’original, épatent un peu moins.

Vient la trilogie écrite pour une même fille dont Neil Hannon était très amoureux (“Ce n’était pas réciproque mais au moins j’en ai tiré trois chansons”) : Queen Of The South, Victoria Falls (“Le titre vous donne un indice sur son prénom…”) et Three Sisters. Puis, sans vergogne, il s’assoit, son verre à la main, pendant les 4 minutes de l’instrumental Europe by Train. Sacré Neil…
 


On ne va pas se mentir : c’est pour Promenade qu’on est là ce soir. Promenade est pour moi l’album parfait. Je ne l’ai jamais écouté que dans son intégralité et il figure dans le Top 3 des albums que j’ai le plus écoutés dans ma vie. Tout se tient, et le fait qu’on laisse ce soir la place aux applaudissements entre chaque chanson a presque de quoi surprendre. Ces espaces ne seront toutefois pas perdus pour tout le monde : le chanteur en profitera pour faire de Promenade une sorte de concept-album racontant l’histoire d’un même couple tout au long des 12 titres. (vidéo intro Bath ici)

Un spectateur juste derrière moi s’enhardit : “We love you Neil!”. Réponse laconique de l’intéressé : “I don’t care.” avant de se rattraper d’un “That’s not true. What’s your name?” Il s’appelle Éric et se fera applaudir par la salle entière. 
Une fille s’est levée et danse seule devant la scène, sur le côté droit. Elle nous représente tous autant que nous sommes.

Les cordes qui résonnent parfaitement dans le bel écrin qu’est cette salle, la voix parfaite de Neil Hannon, l’énorme travail des guitaristes-choristes aux voix qui reproduisent au plus près les subtilités présentes sur l’album, le délicat piano sur Neptune’s Daughter… tout est parfait. Trop parfait ? Peut-être… d’où un petit plantage à la fin du premier couplet de Neptune’s Daughter justement, qu’il préfèrera reprendre du début (tant mieux, ça me permettra de la filmer entièrement, vidéo ici).
 
The Booklovers est un autre challenge et c’est peut-être la première fois qu’il la chante sur scène. Il doit en effet glisser les noms d’auteurs avant chaque enregistrement correspondant à leurs imitations. Il en profitera pour révéler que certains de ceux qui ponctuent ce long namedropping sont dans la salle ce soir et même s’il refuse de “name and shame”, il désignera un des violonistes assis derrière lui comme un de ses complices sur ce coup-là.

Après avoir désannoncé When the Lights Go Out All Over Europe en le dédiant à Jean-Luc Godard, récemment disparu, vient logiquement le chef-d’œuvre absolu qu’est Summerhouse, n’ayons pas peur des mots (vidéo ici). Et Neil de tenir encore et toujours la note finale, comme il y a presque 30 maintenant… 

On applaudit après Ten Seconds To Midnight et il avoue trouver curieux cette coupure, sachant bien qu’on attend tous l’intro au galop de Tonight We Fly... Clap de fin sur une réussite totale, sur un pari gagné haut la main.

Rallumer les lumières d’ores et déjà ? Vous n’y pensez pas… Même s’il doit dès demain assurer 4 shows différents au même endroit, nous serons gratifiés de deux bonus : Absent Friends et Generation Sex (à défaut de National Express dont il pense que le sujet n’intéresse pas vraiment Les Français).
 
« Merci beaucoup tout le monde, à bientôt ! » (en français). Dommage de ne pas assister aux shows suivants : il y a tant d’autres merveilles dans le reste de sa discographie…