• Chris Stills + Angela McCluskey feat. Véronique Sanson | 2013

Silencio, Paris 
27 octobre 2013


Dehors le vent est fantastique. En météo, on parle d'un avis de tempête. L'idée d'aller s'abriter dans les profondeurs de Paris paraît d'autant plus séduisante, surtout pour y écouter de la bonne musique...
 
Le Silencio, rue Montmartre, un dédale de caves transformé en club sélect par un cinéaste avec un univers (David Lynch). L'entrée ne paye pas de mine, on s'engouffre. Sur nos talons, deux grands et beaux yeux sous un casque de moto, avec un air de famille : l'ainée, toujours attirée par la douceur du danger physique. L'escalier est vaste et sombre et on le descend en songeant à ce qu'a pu être ce lieu au siècle dernier (une imprimerie d'où est sortie la première édition du "J'accuse" de Zola et où Jean Jaurès installa L'Humanité, dixit le site du Silencio).
Un vestiaire chic, des loups en carton vert avec des moustaches de chat à discrétion, une voûte couverte de feuilles d'or... Oubliés, les grands boulevards !
L'endroit est privé (la carte de membre à l'année coûte 840 euros !). Il y a du beau linge, quelques têtes connues, de la famille, des amis d'Ibiza, Daniel Schick, Raphaël Mezrahi... Celui qui n'a pas donné son nom à Véronique est assis dans un coin, il dit qu'il n'est encore jamais venu ici. On visite, avec l'impression étrange d'être sur un plateau de cinéma. On cherche les caméras...

Petit à petit, chacun se presse vers la minuscule salle de concert, ça bouchonne. La chaleur est étouffante et les places sont chères. Tant pis, on restera debout. La silhouette d'Angela McCluskey se découpe devant les lumières du fond de scène. Sa chevelure est curieusement mise en forme mais on n'en verra pas plus : son visage ne sera jamais éclairé de face. La voix, rugueuse et chaude, caresse l'oreille agréablement. On l'écoute avec une attention telle qu'on ne reconnaît pas tout de suite le guitariste à sa droite, Christopher en personne, qui assure aussi les chœurs, parfois juste chuchotés. C'est beau, c'est sensuel. Et drôle lorsqu'elle prend la parole (une vraie gouaille avec le juron facile) et qu'elle invite par exemple ses copines à venir du fond de la salle en leur disant que la chanson suivante est pour elles – avant de se raviser "Ah non, celle-là c'est sur l'amour lesbien" !
6-7 titres sans rappel et le rideau champagne rosé se referme. Les premiers rangs se vident, on va pouvoir s'approcher. Deux places se libèrent au pied de la scène, on se rue. Un peu d'agitation sur la droite, c'est l'arrivée de Véronique. Le copain de Pierre lui cède sa place. Les consignes "Photo and video not allowed" un peu partout sur les murs sont respectées. Elles le seront moins lorsqu'elle rejoindra la scène mais nous n'en sommes pas là.
Pour le quart d'heure (comme disait Colette Sanson), le rideau s'ouvre sur un batteur, un bassiste, Pierre Jaconelli à la guitare, deux très jeunes choristes (davantage là pour la déco qu'autre chose, soyons honnêtes les filles !) et Chris Stills, veste noire, chemise noire et pantalon noir. Il attaque doucement avec Hellfire Baby Jane, guitare d'intro qui rappelle un autre Chris (Isaak). Disons-le tout de suite parce que ça nous brûle le clavier : la performance de Christopher ce soir sera mo-nu-men-ta-le. Christopher n'a jamais été le "fils de" que pour la presse, un handicap sans doute plus qu'un passe-droit. Il n'est plus non plus Titou (il aura 40 ans en avril prochain), sauf dans les yeux de sa maman et, curieusement, il n'a jamais l'air de considérer comme une injustice le fait de jouer comme ce soir dans un petit club (même s'il est prestigieux) alors qu'il est de taille à remplir des Olympia, des Zénith... Au Silencio, charismatique en diable, il déploiera une énergie monstrueuse, et pourtant il annonce au micro que ça ne va pas fort : il a d'abord raté son avion au départ de LA, il a la crève... Mais de tout cela, on ne verra rien : agilité vocale, maîtrise rythmique et mélodique, Christopher puise ses forces aux mêmes sources que ses parents (zut, j'y fais référence aussi !). Il sera un jour, à son tour, une influence pour des musiciens à venir.

 Quelques commentaires sous une vidéo sur YouTube

Calling the underground ("The Underground", c'est la Résistance) est bien plus pêchu que sur l'ep "Let it rain". De façon générale, ce sera le cas pour tous les titres, qu'il interprétera pratiquement dans l'ordre. On remarque au passage que "When my father and mother are gone / And there's nobody left to remind me / Of that crazy old tempest where I come from" (au singulier dans une version de travail) est devenu plus fédérateur : "When our fathers and mothers are gone / And there's nobody left to remind us / Of that great big old bang where we all come from".

"I heard a sad news tonight... Lou Reed... I'd like to dedicate this next song to him. I wrote it for my daughters... When I divorced... I had to leave the house. Just wanted to tell them 'I'll see ya when I'll see ya’" sont les mots de Christopher pour introduire le magnifique Leaving you behind – morceau dans lequel sa voix fait toutes sortes d'acrobaties.

Il rejoint le piano droit, installé à gauche (il est contrariant) de la petite scène pour un Say my last goodbye qui balance bien et ne déparerait pas dans un récital d'Elton John. Là encore, il donne tout, termine en sueur. Il tombe la veste et enchaîne. 
"In the meantime / the hell am I supposed to do? / In the meantime / I'm still in love with you". Ce titre, qu'on l'a vu chanter plusieurs fois sur scène en première partie de Véronique, est lui aussi plus fougueux ce soir que la belle et ténébreuse langueur de la version studio.

Il annonce maintenant une surprise et appelle "Mom" à le rejoindre sur scène, pensant qu'elle va venir des coulisses... Mais Véronique est dans la salle, le scène est haute et elle y sera hissée par Christian. Belle comme tout, tee-shirt rayé sur jeans, foulard gris à étoiles blanches, elle va vers le piano, met ses lunettes et se retourne vers la salle en lançant un "Aaaaahhh" bien sonore. Image rare de Véronique à un piano droit qu'on immortalise mentalement à défaut de pouvoir la prendre en photo. Christopher parle anglais au micro, Véronique le reprend "Parle en français !". Pour rire, il vérifie dans la salle le nombre de langues parlées, en appelant les noms de pays. Des mains se lèvent pour la France et l'Angleterre bien sûr, et même pour l'Equateur. Mais, sorry Chris, aucun Américain dans la salle... 

 © Claire Sergent (merci à elle)

Le batteur et les deux choristes sont restés, c'est peu dire qu'on se régale à l'avance de la version de Full tilt frog qui nous attend. Ces gens de la nuit-là ne savent pas tous de quoi Véronique est capable et on en verra certains lever les sourcils devant cette authentique blueswoman qui dépote sa race ! (Bon y a bien eu un morceau de couplet en yaourt, mais c'était pour voir si ceux qui connaissent la chanson suivaient bien.)

  © Christian Meilhan

Elle ressort par les coulisses sous les applaudissements et Christopher enchaîne avec le sombre et magnifique Don't be afraid au piano, avant de faire le coup du faux rappel (après tout, pourquoi sortir de scène pour y revenir si vite ?) : pour gagner du temps, il recule de deux pas et on l'ovationne comme s'il était parti 10 minutes. Il empoigne sa célèbre guitare verte, et annonce un titre de son premier album, 100 year thing (qu’il avait déjà remanié l'année dernière, vidéo ici). Version particulièrement fougueuse d'un vrai guitar hero. Puis, cette fois-ci, il sort pour de bon.

Chris and Angie, © Kevin Abosch

Dernier rappel. On aperçoit du monde dans la minuscule loge au loin. Angela McCluskey en sort, suivie de Chris, et de Véronique qui va directement au piano. Debout devant son pupitre, Angela dispose des feuillets : les textes d'une chanson qu'un ami lui a fait écouter il y a longtemps et dont elle connaît maintenant l'auteure... "Strands of light upon a bedroom floor / Change the light through an open door / I’m awake but this is not my home"... Véronique la rattrape au piano, Christopher ponctue à la guitare, joue un accord là où Véronique aurait rejeté ses cheveux en arrière. Ça fait plaisir d'entendre Amoureuse en anglais et de pouvoir la chanter avec eux (pensent en chœur les deux véronicologues). Toute la salle est debout. Les feuillets n'arrêtent pas de tomber (la faute à la clim'), on n'est pas loin du running gag ! Peu importe, elle connaît les textes par cœur, tend juste le micro vers la salle pour les fins de couplets. Applaudissements... et voici que Véronique, assise sur un coin de tabouret façon Tori Amos, enchaîne un couplet et un refrain en français, le tout avec une énergie nouvelle, comme pour faire écho à ce qu'elle vient de voir sur scène. Plus tard, elle avouera qu'elle s'est surprise elle-même à le faire ("La version d'Angela était tellement différente, j'ai voulu faire entendre la mienne !"). C'est Angela qui conclura : "They're f***ing talented!".

 © Christian Meilhan

Pas encore trouvé trace de vidéos du concert sur internet – car certains ont bien échappé à la vigilance de Kanou ;-)
On peut se consoler avec ce concert unplugged "One on One" (NY, 14 octobre 2013) et cette vidéo (NY, août 2012) dans laquelle on aperçoit Angela McCluskey.

• Crosby, Stills & Nash | 2013

Olympia, Paris 
5 juillet 2013


Pas de quoi pavoiser : jamais vu CSN sur scène ! Ni même CN. Ni même S tout seul ! Une seule petite fois qui a pourtant été un choc : Old man trouble à la Tour Eiffel en 2005, dans le cadre d'une émission que Nostalgie consacrait à celle qui fût son épouse entre 1973 et 1979. Il avait posé sa grosse patte sur le piano et là... frissons. Un guitar hero devant un piano... un piano hero !? Un authentique bluesman, en tous les cas. Assise derrière lui, Véronique avait d'ailleurs émis un petit râle appréciateur et sensuel en reconnaissant l'intro de la chanson et, s'installant elle-même au piano juste après lui, avait fait mine d'être "imprégnée". (la vidéo est là)

© Tony Frank

Voir Stephen Stills sur scène, voir CSN sur scène, c'est aussi visiter son environnement musical américain à elle. Les années Colorado, Hawaï, Los Angeles et San Francisco. Sans se cacher une seule seconde le côté "mythique" de l'affaire : aller le voir sur scène dans la salle-même (à peu de choses près) où a démarré leur aventure il y a plus de 40 ans : le concert de Manassas en mars 1972. Véronique et Michel dans le public. Craquage en direct pour le beau guitariste, qu'elle croise le lendemain dans les bureaux de leur maison de disques commune. Un destin qui se joue en très peu de temps...
On avait tout cela en tête en se rendant à l'Olympia... Sauf que toute espèce de nostalgie a volé en éclat dès qu'ils ont débarqué sur scène : c'est encore dans les vieux pots...




La surprise, c'est d'abord le boulevard des Capucines et ses allures de souk. Les revendeurs à la sauvette n'ont pas de pitié, et pas de mémoire. Celui qui vous demande pour la 3e fois en dix minutes si vous n'avez pas une place à vendre finira par lâcher "On est là pour faire du trafic ; on fait du business mais on ne regarde pas les gens, désolé"...

On retrouve Christopher devant l'entrée des artistes. Il confirme qu'il jouera bien ce soir. Chic ! "Ça tombe bien, on est quand même venus pour ça", rigole son cousin.

Se dépêcher de rejoindre le hall car les rockers sont pile à l'heure : on s'assoit dans le noir. La salle est pleine (les deux shows sont complets) et bien chaleureuse comme il faut. Des "papys" bien sûr, mais aussi leurs fistons, et même des jeunes femmes qui connaissent les textes par cœur. Une, deux... allez go !  

Carry on questions, Marrakesh Express, Long time gone... Le son est carré, les éclairages au poil, tout le monde est très en place et les fameuses harmonies vocales sont là. Le temps ne fait rien à l'affaire : quand on est bon, on est bon ! À un bémol près : quelques légers couacs sur la droite qui écorchent les oreilles de mon véronicologue distingué de voisin...

Les morceaux mettent en lumière les uns et les autres, et surtout une évidence : ce n'est pas pour rien qu'en 40 ans de carrière ils n'ont jamais abandonné leur carrière solo respective. Ce groupe n'en sera finalement jamais tout à fait un. Davantage addition que fusion, un talent succèdant à un autre, et on différenciera toujours à la première note une composition de Nash (tendance post-Beatles ou pré-Supertramp) d'une de Stills.
Mondialement connus pour leur jalousie, leurs excès, le nombre de fois où ils ont dissous et reformé le groupe, les 3 "vieux" surprennent leur monde. De droite à gauche : David Crosby, mains dans les poches, cheveux blancs au vent, ressemble à un barde gaulois ou – mieux – au "capitaine d'un navire fantôme" (dixit ma célébrissime voisine de gauche). Il a toujours un truc drôle à dire (ou émouvant lorsqu'il présente une chanson dédiée à sa femme "depuis 35 ou 36 ans"). Graham Nash, l'Anglais à la gestuelle évasive, s'efface souvent – parfait gentleman – pour mettre en valeur ses deux compères, montre du doigt tel ou tel musicien au moment d'un solo. Quant au redoutable Steve, aminci, lunettes sur le nez, il est tout bonnement un des plus grands guitaristes rock au monde et il exhibe son talent sans artifice, avec une forme d'humilité. Les trois sont finalement parfaitement courtois les uns envers les autres, tellement fréquentables
en apparence...

Nash présente
le jeune homme au clavier à droite, compositeur du prochain titre, Lay me down : "James Raymond, le fils de David" – "Un des...", rigole ma voisine, dont les "Yeah !" bien sonores ponctueront la présentation de chaque musicien, un peu plus tard.

Les guitares se succèdent sur les épaules de Stills, il en change pratiquement à chaque titre. Ses solos, toujours subtils, joués en bord de scène, sont attendus par tout le monde, et en particulier par Véronique qui le pointe à chaque fois du doigt, archi-admirative : "On ne peut pas lutter". Il les termine toujours – légende oblige – par un jeter de médiator. Instantané qui fonctionne toujours...

On annonce 20 minutes d'entracte. Notre voisine tenterait bien d'aller s'en griller une... On la suit en coulisses. Patte blanche montrée, on est devant une porte dont le code d'accès n'a pas changé depuis la dernière fois, note Christian. Au mur, l'empreinte des mains de ceux et celles qui ont fait vibrer le temple. À côté d'Alain Souchon, une petite main – mais qui fait le maximum ! – qu'on photographie sans vergogne.



En coulisses, juste à l'entrée du bar, une affiche géante de notre trio du soir. On croit apercevoir quelque chose à côté du visage de Stills. Mais oui, c'est bien Véronique in person qui l'a dédicacée la veille : "You are all the Best!".


Retour dans la salle. Préoccupations sociales et internationales : Stills déclare, à propos de Teach your children que "les profs devraient gagner plus que les hommes politiques" (applaudissements). Et Graham Nash annonce un nouveau titre, Burning for the Buddha, écrit au sujet des quelques 120 moines tibétains qui se sont immolés par le feu depuis 2009 pour protester contre l'emprise chinoise. 

Puis la scène se vide. Restent un guitariste et un clavier. Et Stephen Stills qui présente son fils en prononçant
"Véronique" avec son best french accent et presque "Christophe" à la place de Christopher. C'est Treetop flyer (voir lien vidéo plus bas). Et les guitares se répondent, éclatante transmission père-fils. 
David Crosby, de retour sur scène, commente, fataliste : "Que voulez-vous... Le fils de Steve et de Véronique Sanson...". Il ajoute : "Nous on fait deux soirs, mais Véronique en fait beaucoup plus !". 

Ces types-là ont joué à Woodstock et dans tous les festivals de la planète mais l'Olympia aura toujours une place spéciale dans leurs cœurs.


Un seul rappel, Suite: Judy blue eyes. Christopher revient saluer pour le final. Juste avant de partir, son père tente un "Hip hip hip hourrah" mais il est trop loin du micro. Son fils s'en saisit et lance les "hourrah" avec un joli succès. Une fois sorti de scène, il plaisantera à ce sujet : "Ça ressemblait un peu à "je vais te montrer comment on fait, Dad" !".

En coulisses, on croise Dodo Bertram, lui aussi là pour son premier concert du groupe. Steve Stills fait une apparition, reste peu de temps, prend la pose pour des amis aux côtés de Véronique et Titou. David Crosby lance un "Adieu les amis" en v.f. en direction du bar. Véronique veut savoir ce qu'on en a pensé. Elle précise que "c'était différent hier". Il est vrai qu'elle n'écoute ni ne regarde un concert tout à fait comme tout le monde... 



Quelques vidéos déjà en ligne
4 juillet :
– Treetop flyer avec Christopher (sur YouTube)
Treetop flyer avec Christopher (sur facebook)

5 juillet :
Our house
– Long time gone

– Chicago
– Just a song before I go
– Lay me down
– Teach your children 
– Treetop flyer avec Christopher

Des photos ici

• La 1re Nuit de la déprime | 2013

 Folies Bergère, Paris 
18 février 2013

On se souvient d'avoir croisé Raphaël Mezrahi alors qu'on se perdait dans l'invraisemblable dédale des coulisses de Pleyel, le 21 décembre dernier. Chemin faisant, ce drôle d'oiseau donnait quelques détails sur son projet de Nuit de la déprime. Arrivés dans la loge de Véronique, il exhibait sur son iPhone une photo dont il était très fier : Jacques Dutronc chez lui, en Corse, lumière fin de journée, son chat sur les genoux. Il avait dit oui pour un sketch vidéo. Raphaël tenait déjà un bon concept mais, avec son carnet d'adresses bien rempli, ça allait être le raz-de-marée côté résas. S'il avait su, il aurait bien pu louer le Zénith...

Deux mois plus tard, aux Folies Bergère, un lundi après-midi, jour de la saint Bernadette Soubirous. Pas tout à fait 18 h et déjà la queue devant l'entrée. Passée l'entrée des artistes, derrière des tentures noires, le hall apparaît revisité façon lounge (canapés, buffet, bar, écran…). Deux sacrés larrons à l'entrée : Hugues Aufray et Georges Augier de Moussac. Véronique leur tombe dans les bras. "Ça fait combien de temps qu'on s'est pas vus ?" lui dit Hugues. Sourires francs, bonne humeur, ceux-là sont de sa famille de cœur.
Un escalier d'époque sur la gauche et, au premier étage, un couloir de loges dans lequel la température avoisine celle d'un bon hammam.
Son nom est sur la porte juste en face. À droite, sur une petite table, des paquets, des paquets et encore des paquets de Kleenex, cadeaux du principal sponsor. Et pas l'ombre d'un pot de Nutella... :(
Une joyeuse armée de coiffeurs et de maquilleuses propose ses services. Des assistants passent voir si tout se passe bien : bonne organisation, bon esprit et sourire à tous les étages.
Nicoletta, déjà maquillée et coiffée, cherche sa loge. Elle a l'air particulièrement en forme. 
On frappe, c'est Catherine Lara (avec Samantha). Sa loge est à deux pas. Évocation d'hilarants souvenirs de vacances au bout du monde devant Michel Jonasz qui vient de débarquer.
Ce soir, Véronique sera à la scène comme à la ville : "Je suis en tenue de guerre (veste camouflage kaki) et la guerre, c'est déprimant" ! Ou encore : "La déprime, c'est pire que tout : c'est ne pas être heureux bien sûr, mais c'est aussi ne même pas être malheureux".
Raphaël Mezrahi, maître des lieux d'un soir entre à son tour, déclare fièrement qu'il a attribué la plus grande loge à Véronique. Il semble la décontraction même : on serait bien en peine de déceler chez lui le quart d'une once de stress. Il raconte comment il a choisi cet endroit pour son acoustique et comment il s'est occupé de tout, finançant lui-même la captation. Avec son "plateau de stars" (expression de la presse), la vente auprès d'une chaîne télé ne devrait pas poser de problème. "Et s'il y a des bénéfices, on pourra les reverser à une association". "Aux vieux !", lance Catherine Lara, assise dans un petit fauteuil. "Pas qu'on soit vieux nous-mêmes, mais faut penser à eux", ajoute-t-elle devant les éclats de rire. 
Elle sort bientôt : elle doit passer de bonne heure et va boire "un p'tit café (dans sa culotte)", bien sûr ! Une cigarette ? Non, elle préfère ne pas fumer avant de chanter. Véronique, elle, annonce qu'elle va tâcher d'en fumer le plus possible ! Mais comme il y a un bon Dieu pour ces choses-là (et surtout parce qu'on ne peut pas fumer dans le hall), elle ne pourra pas mener à bien (si on ose dire) son sinistre projet...
Allez, on descend pour la répète. Le piano est juste en bord de scène. Chouchou dans les cheveux, veste de combat, Véronique attaque Ma révérence dans sa tonalité d'origine, sans filet. La voix est bien là, l'intensité aussi mais Véronique cherche la sortie, comme si elle n'entendait plus au fond d'elle même cette "petite voix qui sourd et gronde"... "On peut la refaire ? Je peux la jouer plus vite si vous voulez". Tout va bien et la 2e version est juste une merveille de fougue et de désespoir mêlés. Et toujours cette  facilité instantanée à revivre pour de vrai l'émotion des textes...
Assis non loin, Christophe hésite encore sur ce qu'il va chanter : Les mots bleus ou Les marionnettes ? "Tu en fait combien toi, Véronique ?".
Des micros se tendent et des projecteurs s'allument mais Kanou veille : on remonte à la loge passer d'abord par la case maquillage-coiffage. Et, comme rien n'est jamais hasard, voici qu'arrive Jocelyne, "la meilleure maquilleuse du monde", qui connaît parfaitement les lieux puisqu'elle y a maquillé la troupe de "Salut les copains".
 
Il doit être 19 h et Véronique a faim. C'est bon signe. On descend lui chercher des sashimis au saumon avec lesquels elle fera de mini-sandwichs : deux tranches de poisson cru avec du wasibi entre les deux !
La voici bientôt prête à descendre dans l'arène. Et bien sûr prête à faire des détours : dans la loge d'à côté, c'est Enrico Macias qu'elle entendait gratter la guitare. Il l'accueille de son sourire chaleureux et elle le félicite d'emblée pour son "jouage" avant de lui rappeler que si elle est dans ce métier, il y est un peu pour quelque chose. "Tu ne te souviens peut-être pas mais il doit y avoir 45 ans, tu nous avais donné des contacts de maisons de disques...". Il lui embrasse la main, visiblement très ému de la voir.
Le hall est bien rempli, on y entend des "Ça m'fait tellement plaisir de te voir !" dans tous les coins. Une femme sourit à l'envi, déguisée en bonne sœur. Raphaël Mezrahi la présentera sur scène d'un "C'est le directrice du musée Grévin, elle est folle, c'est mon amie". Nolwenn Leroy quitte quelqu'un en lui disant "Je te laisse, il y a mon idole qui est là", se dirigeant droit sur Véronique, qui est vite devenue un pôle d'attraction : quiconque passant près d'elle la détecte comme un aimant, s'arrête et vient l'embrasser. L'occasion pour elle de croiser des gens qu'elle n'a pas vus depuis longtemps, ou d'en rencontrer de nouveaux. Se succèderont à peu près tous les participants : Alain Chamfort, Alice Dona, Gérard Lenorman, Chantal Ladesou et plus tard Amel Bent, Dani, Arielle Dombasle, Jean-Félix Lalane et Thomas Dutronc. Et même Jean-Luc Lahaye ou Phil Barney. Toujours prête à dégainer son sourire, ses yeux s'allument, ses mains volent : photos ! (avec Gérard Lenorman, Alain Chamfort, Alice Dona et un des coiffeurs)
On suit sur un écran le passage des uns et des autres. Chaque fois qu'il passe, et aussi pour faire nos "gros relous", on arrête le jeune assistant chargé d'aller chercher les artistes qui vont monter sur scène : "C'est quand le tour de la dame ?". Et chaque fois, il affiche le même sourire placide : on le sait depuis le début, elle est programmée assez tard et il faudra remonter d'abord en loge : à force de faire la bise à tout le monde, elle n'a plus de rouge à lèvres !

Retour dans le hall et, bientôt, c'est elle que l'assistant susnommé cherche : passage dans 5 minutes ! On approche de la scène, dans la pénombre de la coulisse. Si peu d'espace la sépare de la lumière... On aperçoit les spectateurs du balcon. Sous les projecteurs, Frédéric Zeitoun, dans son fauteuil roulant, reprend une chanson d'Aznavour. Véronique suit sa prestation avec attention. Lorsqu'il rejoint la coulisse, elle prend le temps de le féliciter vraiment, une main sur son épaule. Et on sait qu'elle le fait par sincérité, certainement pas pour se distraire de son trac.

Petit sketch de présentation vidéo (Raphaël en compagnie de Michel Sardou) et Véronique fait quelques pas, s'installe au piano. L'instant est sacré, redoutable : il s'agit de rassembler toute son énergie, de tout donner en moins 3 minutes. Mais ça, elle a toujours su faire... 
"Bonsoir les déprimés". On suit sa prestation sur le côté, puis derrière l'écran d'ordinateur d'un technicien dont on se demande comment il fait pour travailler avec autant de monde autour de lui et surtout un tel passage. 
La chanson est si courte, immédiatement bissée (la seule de la soirée ?). Véronique sort assez vite, trop vite pour Raphaël Mezrahi qui revient la chercher. Il sait qu'elle est bel(le) et bien la star de la soirée, que des gens ne se sont déplacés ce soir que pour la voir. Elle salue donc plus longuement, et en direction du balcon, puis traverse à nouveau les rideaux sombres.
Quelqu'un la prévient qu'il faudra revenir tout à l'heure pour la minute de silence – qui n'en sera pas tout à fait une côté public puisque défilent sur l'écran derrière la scène les produits qu'on ne trouve plus en France (les triscottes d'Heudebert, par exemple - mais aussi Gérard Depardieu !)...
 
Revenue à nouveau parmi nous, Véronique parle un moment avec Dani et Amel Bent (filmée pour les bonus ?) puis participe franchement à l'atmosphère de plus en plus potache en cherchant avec Thomas Dutronc des couteaux en plastique pour s'entre-tuer au moment du final ! Hélas, ils ne trouveront que des cure-dents... Qu'à cela ne tienne : elle en sortira un de sa poche sur scène pour occire Thomas Dutronc, déjà à terre ! 
Un projecteur s'allume encore, et Véronique dit un petit mot face caméra pour Raphaël, le remercie et termine en prenant une mine de circonstance : bien déprimée.

Le titre choisi pour le final n'est évidemment pas dû au hasard : Mourir sur scène ! Véronique, qui a pris Dani par la main, rejoint la scène avec l'ensemble des artistes présents. C'est Amel Bent qui a commencé seule – et assez superbement, il faut le souligner – le titre de Dalida, que Véronique ne connaît pas. Ce qui ne l'empêche pas de piger illico sa structure musicale pour improviser une chute dantesque et correcte sur le plan de la mélodie, mais avec ses mots à elle : "Je t'aimais avec mes bras" !
Applaudissements de folie. Raphaël remercie chaque artiste et – on est obligé de le souligner en toute impartialité – c'est le "Merci Véronique Sanson" qui remporte la victoire à l'applaudimètre. Laurent Baffie enchaîne en allumant Jean-Luc Lahaye ("Désolé de gâcher la soirée avec une bonne nouvelle, mais sa femme passe en CM2" !) qui non seulement ne le prend pas mal mais le racontera, un peu plus tard, avec un grand sourire. 
 
Les artistes sortent les uns après les autres sous l'œil d'une caméra, embrassant Raphaël, poussant des cris. "Merci pour ces moments merveilleux".
Non loin, un autre projecteur s'allume : Annie Lemoine photographie Véro avec son iPhone, puis aimerait bien aussi être prise en photo avec elle. 
Vivement la diffusion télé (et/ou la sortie en dvd) qu'on puisse apprécier pleinement les prestations des uns et des autres : Avec le temps (Catherine Lara), Manureva (piano solo par Alain Chamfort) ou le crépusculaire Les mots bleus (Christophe).

Photos © Laurent Calut.
Reportage vidéo CultureBox (sans Véronique)
"Ma révérence" (vidéo de Florence Bartolomé) 
"Ma révérence" (vidéo sur YT)