7 janvier 2018
Mort de France Gall
Ce titre me choque encore en l’écrivant. La mort n’est pas une surprise dans nos destinées. On sait depuis le début qu’il y aura une fin mais celle des autres, et des artistes en particulier, fait immanquablement remonter nos souvenirs en donnant l’impression de sonner la fin d’une époque – ce qui est absurde en soi puisque ladite époque est de toute façon révolue, artistes encore en vie ou pas – mais ça, on ne veut pas le savoir. La mort des autres ou le révélateur de notre temps qui passe.
France Gall disparaît et bizarrement, si vous avez une alerte Google au nom de Véronique Sanson, votre boite mail a dû récemment frôler l’implosion. Et si vous êtes allé taper son nom sur Twitter ou pire sur YouTube, vous n’avez pu échapper à la diarrhée de titres plus extravagants et répétitifs les uns que les autres au point que l’on doute qu’il y ait une origine humaine derrière tout cela. Mais alors quoi ? Pas d’intelligence artificielle en tous les cas, le premier mot est de trop.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Alors que répondre à ceux – pas nombreux, mais très visibles sur Internet – qui s’indignent et réclament (de quel droit ?) une réaction officielle de la part de Véronique ? (elle qui ne s’exprime jamais sur l’actualité). Que lorsqu’elle twitte c’est pour relayer des pétitions contre la maltraitance animale ou en faveur de l’environnement et que sa page officielle sur FaceBook est principalement destinée à la promo, dans un premier temps. A-t-elle le droit – comme elle l’a exprimé dans des messages privés – d’être “triste dans son coin, dans son cœur mais pas sur Facebook” ?
“Et pour Johnny alors ?” s’insurgent les esprits échauffés. Pour Johnny, c’est un peu différent : son téléphone a sonné dès l’annonce de sa mort, très tôt le matin (les journalistes pensaient qu’ils étaient intimes). Elle a donc écrit un court texte qui a été transmis à l’AFP. Et si elle n’est pas allée aux obsèques (puisque qu’aujourd’hui il faudrait se justifier de tout), c’est parce qu’elle était en tournée (à Nantes, pour être précis). Point.
Une chance que les réseaux sociaux – asociaux ou aso(ts)ciaux comme l’a joliment écrit Kamel Daoud – n’existaient pas en 1992 à la mort de Michel Berger !
France Gall disparaît et bizarrement, si vous avez une alerte Google au nom de Véronique Sanson, votre boite mail a dû récemment frôler l’implosion. Et si vous êtes allé taper son nom sur Twitter ou pire sur YouTube, vous n’avez pu échapper à la diarrhée de titres plus extravagants et répétitifs les uns que les autres au point que l’on doute qu’il y ait une origine humaine derrière tout cela. Mais alors quoi ? Pas d’intelligence artificielle en tous les cas, le premier mot est de trop.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
(petit aperçu des "vidéos" postées récemment sur YouTube)
Update du 2 février : ces "vidéos" ont pratiquement toutes disparu, comme par enchantement…
Update du 2 février : ces "vidéos" ont pratiquement toutes disparu, comme par enchantement…
Alors que répondre à ceux – pas nombreux, mais très visibles sur Internet – qui s’indignent et réclament (de quel droit ?) une réaction officielle de la part de Véronique ? (elle qui ne s’exprime jamais sur l’actualité). Que lorsqu’elle twitte c’est pour relayer des pétitions contre la maltraitance animale ou en faveur de l’environnement et que sa page officielle sur FaceBook est principalement destinée à la promo, dans un premier temps. A-t-elle le droit – comme elle l’a exprimé dans des messages privés – d’être “triste dans son coin, dans son cœur mais pas sur Facebook” ?
“Et pour Johnny alors ?” s’insurgent les esprits échauffés. Pour Johnny, c’est un peu différent : son téléphone a sonné dès l’annonce de sa mort, très tôt le matin (les journalistes pensaient qu’ils étaient intimes). Elle a donc écrit un court texte qui a été transmis à l’AFP. Et si elle n’est pas allée aux obsèques (puisque qu’aujourd’hui il faudrait se justifier de tout), c’est parce qu’elle était en tournée (à Nantes, pour être précis). Point.
Une chance que les réseaux sociaux – asociaux ou aso(ts)ciaux comme l’a joliment écrit Kamel Daoud – n’existaient pas en 1992 à la mort de Michel Berger !
Si les gens (ou du moins une certaine catégorie de gens) veulent tant qu’elle réagisse, c’est bien sûr à cause de cette histoire de “rivalité” montée de toute pièce par la presse people du début des années 1990, pourtant bien moins agressive que celle d’aujourd'hui. Remontons un peu le temps.
Lorsqu’elle a épousé Michel Berger, France Gall connaissait très bien la situation : il avait le cœur brisé et n’allait pas oublier de sitôt “le nuage rose et gris de celle qui ne l’a pas suivi”. Et toutes les biographies s’accordent à dire qu’elle a su trouver son équilibre dans cette histoire-là : elle vivait au quotidien avec l’homme qu’elle aimait et qui l’aimait. De cette union est née de la musique, beaucoup de musique, ainsi que deux enfants. Le chef de famille était quelque peu hanté par sa première histoire d’amour, truffant ses chansons de références et de messages plus ou moins codés, mais n’était-ce pas là une manière finalement assez saine de chasser ses souvenirs pour mieux vivre le quotidien ? On ne parle ici ni d’entretenir la flamme d’un amour enfui, ni de tourner la page : la page était tournée par la force des choses, mais aussi du destin. Et puis c’est tout de même lui qui avait traîné Véronique au concert de Stephen Stills en mars 1972…
Destins croisés remarquablement facétieux puisque, lors de leur tournée d’été en 1972, Véronique faisait la première partie de Julien Clerc. Or il vivait avec France Gall et elle avec Michel… En témoignent les photos ci-dessous.
Julien Clerc, Pierre Vassiliu et Michel Berger face à France Gall, été 1972
Véronique et Michel, été 1972 – Photos prises par France Gall
Il n’y a pourtant jamais eu de “rivalité”, comme l’a rappelé Daniel Schick à la radio cette semaine (à écouter ici, à partir de la 21e minute) et c’est très triste de voir aujourd’hui quelques fans, souvent très jeunes (nés même parfois après la mort de Michel), juger et condamner sans savoir, manipulés par une presse people délirante et inconséquente. Triste aussi de les voir toujours brandir les mots “épouse” et “mère de ses enfants” comme autant de garants d’une sacro-sainte honnêteté conjugale, de remparts contre toute infidélité – même en pensée. Si cela était le cas, le mot même d’infidélité n’existerait pas…
Dans cette histoire, il ne faudrait pas non plus prendre France Gall pour une idiote (comme on le fait communément à propos de sa prétendue incompréhension des paroles de la chanson de Gainsbourg, Les Sucettes…*). Michel lui faisait forcément écouter ses chansons au fur et à mesure. Elle pouvait donc parfaitement décoder certains passages avant tout le monde et cela devait bien créer quelques tensions internes. Pour ne prendre qu’un seul exemple, lorsqu’il lui a fait écouter L’un sans l’autre comment a-t-elle pu réagir ? Et pour n’en prendre qu’un second, qu’a-t-elle pensé la première fois qu’elle a entendu Tant d’amour perdu avec cet explicite “Et tu chantes ton remords / Moi c’est mon regret qui me poursuit” ?… Lire à ce sujet l’analyse par Yann Morvan de la correspondance en chansons entre Michel et Véronique ici.
Peut-être de façon naïve, j’aurais tendance à penser qu’elle savait passer bien au-dessus de tout cela. Question de caractère. Même si, bien des années plus tard, elle dira : “Je défie quiconque de trouver une interview dans laquelle Michel déclare qu’il communiquait par chansons interposées avec elle [Véronique].” (VSD, 30 novembre 2005). Là, soyons honnêtes, elle est parfaitement dans son rôle mais surtout elle joue sur du velours : Michel a toujours renvoyé aux paroles de ses chansons les journalistes aux questions trop pressantes**. Mais cela ne veut pas dire pour autant que ce n’était pas le cas…
© Jean-Marie Périer
Une chose est certaine : il y a une phrase que Véronique n’a jamais prononcée et qui se retrouve pourtant (au conditionnel) dans un article de Gala en ligne, histoire d’ajouter un peu plus d’huile sur le feu : Elle aurait aussi taxé d’“amour de substitution” son mariage avec France Gall. Même au conditionnel, c’est inadmissible. Véronique n’a JAMAIS parlé de cette façon de l’histoire d’amour entre Michel et France. Et si Daniel Schick peut en témoigner (voir plus haut), je le peux également.
En fait, pour être tout à fait exact, c’est France Gall qui a utilisé cette expression, toujours dans cet article de novembre 2005 (repris dans le livre d’Yves Bigot, Quelque chose en nous de Michel Berger) : “[…] elle laisse penser que Michel était quelqu’un de malsain et que notre relation était un amour de substitution !”
On répète : à aucun moment, Véronique n’a prononcé cette phrase.
Pour terminer, je voudrais dire mon étonnement de lire partout que “France Gall est partie rejoindre Michel Berger dans son Paradis Blanc”. Même si elle a semble-t-il tout fait pour verrouiller l’image d’Épinal de son couple pour l’éternité, il ne faudrait pas oublier qu’elle a survécu de 25 ans à Michel, ce qui laisse le temps de retomber amoureuse et même de créer une œuvre artistique (la comédie musicale Résiste) avec un autre partenaire. Alors, même si Bruck Dawit n’a jamais cherché à être dans la lumière, ne l’oublions pas complètement dans cette histoire… et que se passera-t-il le jour (que l’on souhaite le plus tard possible) où il passera lui aussi “de l’autre côté des fleurs” ?…
Update de janvier 2023 à propos de cette tentative de polémique à propos d’un article du Parisien signé Grégory Plouviez : Nul ne sait si cet appel entre Véronique et France a réellement eu lieu “vers 4 heures du matin” en 1974, mais s’il a bien eu lieu, la réponse de Véronique lui ressemble bien et n'est nullement offensante. En revanche, le “avant de raccrocher aussi sec” qui intéresse les vautours ne lui ressemble en rien et s’apparente plutôt à de la pure fiction…
* Même Michel Onfray conteste cette version d’une France Gall “nunuche”, à voir ici. Étant donné son âge à l’époque, on comprend toutefois qu’ait été mise en avant une version officielle clamant son innocence. Toutefois, Grégoire Colard confirme qu’elle n’a compris que trop tard le double sens des textes et en a voulu à Gainsbourg et à son père…
** Il existe néanmoins une interview dans laquelle Michel est suffisamment en confiance face à Marie-Laure Bouly pour répondre ainsi à la question “À qui vous adressez-vous dans vos chansons d’amour ?” : “À qui je m'adresse ? Pas à France, non ! J’ai chanté pour Véro (Véronique Sanson). Plus maintenant. Mais un lien entre elle et moi demeurera toujours. Chacun de notre côté, nous essayons de le briser. Nous nous en débrouillons mal. C’est un passé commun. Impossible à décrire. Vous me violez. Non, je le refuse.” (Elle n° 1868 du 26 octobre 1981)
Update avec cet extrait de l’interview donnée par Véronique au Progrès du 1er février 2018
Johnny Hallyday parti en décembre, France Gall en janvier, n’est-ce pas une époque qui s’en va ?
« Vous
oubliez Jean d’Ormesson, Simone Veil. Johnny était un personnage
extraordinaire, gentil, généreux. Il avait une puissance de feu
extraordinaire. France Gall a su à merveille véhiculer les chansons de
Michel Berger. Tout le monde pensait qu’on se détestait mais c’est faux.
C’est un coup dégueulasse de la presse. Sa disparition m’a rendue très
triste, elle était encore jeune, je ne m’y attendais pas. »…et cet extrait de l’interview donnée par Véronique au Courrier Picard du 2 février 2018 :
France Gall était votre alter ego de la pop-rock à la française…
« Non, elle n’a jamais été mon alter ego. Mon alter ego, c’était Michel Berger. On nous a toujours présentées, France et moi, comme des ennemies jurées, alors que ça n’est pas vrai du tout. Elle a tellement bien véhiculé les chansons de Michel, peut-être mieux qu’il ne l’aurait fait lui-même… Rien que pour ça, je lui tire mon chapeau. Cela m’a fait énormément de peine qu’elle meure à 70 ans… Je me suis fait insulter sur Facebook parce que je n’avais pas fait de commentaires au moment de sa mort. Je ne savais pas que Facebook était un site de condoléances ! À l’annonce de la mort de Johnny, on m’a appelée toutes les heures pour avoir une réaction. Pour France, personne ne m’a appelée pour réagir. Forcément, j’aurais dit quelque chose. » > À lire aussi :
• Chronique du livre de Grégoire Colard et Alain Morel, écrite à sa sortie en 2009
• Chronique de Résiste
> À (re)voir :
L’interview du Taratata de février 1994 : Véronique et France Gall face à Nagui