• Christopher Stills | 2010


Sentier des Halles
2 novembre 2010

Mises à part ses apparitions dans les concerts de Véronique, la dernière fois que j'ai vu Christopher Stills sur scène, c'était à la Maroquinerie à Paris, en 1995. Aujourd'hui plus à l'aise, plus chaleureux, il a une vraie présence sur scène. Et on se dit qu'un artiste de sa trempe, s'il est un bonheur pour ceux qui assistent à ses concerts, relève quand même du casse-tête pour une maison de disque française des années 2010 qui pense forcément en terme d'étiquette, de format. Nous ne sommes pas en Angleterre, aurait-on pu lancer un Jeff Buckley ou un Thom Yorke ?

Tout est pourtant si simple, si évident : donnez-lui de l'espace, du temps, de la liberté. Il se charge d'apporter la lumière, le charisme, son mélange de force et de grâce (on resterait des minutes entières à l'écouter sortir des sons bizarres de sa guitare comme il le fait parfois au début d'un titre). On le rêverait en leader de groupe. On veut ses chansons hors format, sa voix en apesanteur ou en colère, toute en harmonies
– héritage de ses parents – modulant chaque syllabe.

« Ce soir, c'est notre premier show », prévient-il, souriant, chemise noire et jeans. Et instantanément il nous transmet son envie d'être là, son impatience à jouer, et nous celle de se laisser porter par ses vibrations, tranquilles ou électriques. Son album, Double vie ne sortira qu'au printemps : il est donc là pour nous faire découvrir ses nouveaux titres en live (Louisiana, Le masque, Elle et moi, Les mots roses, Double vie...), bien encadré par les excellents Pierre Jaconelli à la basse et Matthieu Rabaté à la batterie. On souhaiterait presque que les séances studio ne soient pas encore terminées pour que les trouvailles de ce soir nourrissent encore l'enregistrement des morceaux.

Campé sur ses deux jambes, la guitare en bandoulière, il "envoie le bois"
dès les premiers titres, comme dirait un critique rock franchouillard qui ne quitte pas ses lunettes noires sur les plateaux télé. On a beau avoir une bonne idée de sa puissance vocale, on est bluffé lorsqu'il se lance, voltigeur virtuose, sous nos yeux, à deux mètres à peine. La chaleur monte vite (et pas seulement parce qu'il n'y a pas de clim' dans cette cave) parce que Christopher ne craint pas d'aller au charbon : ça chante, ça joue, ça mouille sa chemise. Et cette façon d'étendre une syllabe, un mot, de lancer sa voix à 100 à l'heure...

Dans son sang coule le meilleur de la musique des années '70, avec l'apport de la technologie d'aujourd'hui. Et les versions jouées ce soir sont déjà des versions d'anthologie. Il en est presque surpris lui-même après un titre particulièrement chaud : “C'est la première fois qu'on le joue comme ça.”
A un moment, il demande un peu plus de retour voix et, de la salle, sa mère lui lance en rigolant “T'as qu'à enlever ton chapeau !”. Et mon voisin de commenter “Ça me fait penser à son père à elle lui criant "Eteins ta cigarette
" pendant les rappels à l'Olympia”. Dans un coin, près de la scène, sa tante préfère rester debout pour mieux bouger sur les titres forts. D'ailleurs, on finit bientôt tous debout. Le sacro-saint rituel des rappels est simplement supprimé : “Normalement, on devrait quitter la scène et revenir, mais comme on a commencé en retard, on va enchaîner.
A retrouver dans cette même salle les 1er et 15 décembre prochain. Il faut voir Christopher Stills sur scène.

• Laurie Anderson | 2010

Cité de la musique
30 mars 2010

D'un spectacle de Laurie Anderson, surtout un soir de pleine lune comme celui-là, on ressort toujours sous l'hypnose du timbre de sa voix. Avec l'irrésistible envie de parler comme elle tout le reste de la soirée : en marquant des pauses, en isolant un adjectif pour lui donner plus de poids (à ce propos, petit bémol propre à l'exercice, sa prestation est desservie ici par les sous-titres qui affichent souvent le mot traduit avant qu'il ne sorte de sa bouche).

Pendant que la salle se remplit, un petit canapé au devant de la scène attrape notre regard. Y est projetée l'image vidéo de cristaux en mouvements circulaires – hypnotiques là encore – alors qu'une boucle sonore évoque discrètement quelque chose d'industriel.

Le grand écran s'allume, deux autres encadrent la scène et l'on aimerait avoir des yeux sur le côté pour ne pas rater une miette des petits homemade films qui vont y défiler, feuilles mortes qui virevoltent, paysage lunaire à perte de vue, ombres diverses parfois difficiles à identifier, propices à la rêverie poétique.

Les fumigènes sentent la vanille. Elle s'avance sur scène, 63 ans, la tignasse toujours ébouriffée, la silhouette inchangée. Et surtout ce maintien, cette colonne vertébrale... Il le faut pour un spectacle qui ne laisse aucune place à l'improvisation.

Elle place son violon (au design impeccable) dans le creux de son cou et nous voilà embarqués pour un voyage d'une heure et demie. Ce sont de courts récits loufoques et graves, un peu à la manière de The Ugly One with the Jewels (1995). Il sera question en vrac du plus grand accélérateur de particules du monde, de la mort de sa mère, de ses origines irlandaises et - en français - de sa chienne qui lui est présentée dans une couverture rose alors qu'elle vient d'en accoucher...

On l'aura compris, Un délire (Delusion) n'est pas un long monologue ennuyeux. Et pour ceux qui pourraient se lasser de sa voix, un personnage masculin intervient de temps à autre lorsqu'elle utilise son fameux micro-vocoder qui ralentit la sortie de sa voix. Nouveauté - en ce qui me concerne - elle branche ce soir pour quelques jolis effets les deux micros simultanément, assurant ainsi ses propres chœurs version masculin-féminin.

Joli moment également lorsqu'une caméra la filme en direct, produisant une image qui vient s'incruster dans le film en arrière-plan, la faisant apparaître dans le noir de son ombre géante, sous une pluie graphique, comme sortie d'un clip des années 80.

Le public est attentif, silencieux. Pas un applaudissement avant son "Merci, bonne nuit".

Au total, une seule chanson, One Night of Sword, qui figurera sans doute sur son cd Homeland, annoncé pour le 15 juin prochain...

• Véronique Sanson | 2010

Paris
22 février 2010

Lundi dernier, à deux pas de l'Etoile, avait lieu la projection de presse du film "Véronique Sanson, une fée sur son épaule", co-écrit par Julien Tricard (neveu de son illustre tante) et Claude Ardid (également réalisateur dudit film) pour la collection "Empreintes" sur France 5.

Malgré la contrainte – le
délai extrêmement court dans lequel il a été réalisé – le résultat est une vraie réussite, film d'hiver très chaleureux, à la fois drôle et émouvant qui nous entraîne dans des lieux où on a peu vu Véronique filmée auparavant : la maison qu'elle loue à Ibiza depuis 35 ans, la "petite maison d'ouvrier de Mémé Lucas" où elle n'était pas retournée depuis l'enfance et bien sûr Triel (sous la neige – une bénédiction pour la beauté des images) où on (re)découvre "Véro en vrai" – pour reprendre le titre de la bio de son intégrale. La caméra suit Véronique au plus près, regard toujours tendre qui s'attarde sur un détail, un objet, habillage élégant et jamais purement décoratif.

Parce que "La douceur du danger" est passée par là, le film prend des libertés avec la narration et peut faire l'impasse sur les tourments passés de Véronique, déjà suffisamment médiatisés, pour nous montrer une Véronique plus sereine, apaisée (même si elle confesse, assise aux côtés de son compagnon Christian, être "violente"). On retiendra pourtant son doux sourire lorsqu'elle écoute les intervenants lui tresser de beaux lauriers (Bernard de Bosson, sa sœur Violaine, François Bernheim et Yann Morvan – tous présents dans la salle). Et surtout un vrai moment fort, face caméra à Ibiza, où Véronique parle du temps qui passe...

Et puis il y a cette "relation à l'invisible" qu'elle semble avoir développée depuis quelques temps : on la voit ici, les yeux tournés vers le ciel, invoquer sa grand-mère dans ce qui fut son jardin, la caméra – c'est-à-dire nous – restant derrière une porte vitrée qui se referme, devinant sur ses lèvres les mots qu'elle lui adresse...

Et la musique dans tout ça ? Elle est omniprésente et bien utilisée en fonction des propos du film, sans compter les extraits live filmés à Triel (avec les fidèles Dominique Bertram, Mehdi Benjelloun et Eric Filet, préalablement maquillés par Véro elle-même dans sa cuisine !) – et on restera songeur en pensant qu'une fois les caméras posées, l'équipe a eu droit à des versions live de cinq titres du prochain album (à paraître en octobre/novembre).

Pour les spécialistes, il y a quelques images d'archives à ne pas rater : de courts extraits d'une émission d'octobre 1972 jamais rediffusée, des images de "De l'autre côté de son rêve" injustement mais nécessairement coupées pour le dvd de l'intégrale et quelques superbes clichés inédits, photos de famille pour la plupart.

Après la diffusion, Véronique en anorak rose ("je suis mal habillée, je viens de la campagne") s'est assise sur la scène aux côtés de Claude Ardid, prête à répondre aux questions des journalistes. Détendue, très en forme, elle a
chaleureusement remercié toute l'équipe et évoqué la difficulté de se voir sur un grand écran, "surtout lorsque l'image passe de 1972 à 40 ans après en une seconde", tandis que Claude a, quant à lui, raconté la première fois où il l'a vue sur scène (à Toulon en 1972, en première partie de Julien Clerc, "qu'elle a éclipsé")...

Pas mal de presse sur l'événement (ci-dessous Le Monde, Direct Soir, Gala et La Croix pour une certaine pluralité...)




Diffusion : vendredi 5 mars à 20:35.
Séance de rattrapage : dimanche 7 mars à 07:55
+ 1 semaine en ligne sur le site de France 5.