• Véronique Sanson | 2023

 

Véronique Sanson
Zénith de Rouen,
26 février 2023


La rumeur bruissait de louanges sur la voix et le tonus de Véronique lors des 3 jours de répétitions pour la reprise de la tournée. Mais si... Véronique Sanson, vous savez bien, celle qui “se confie sur…”, qui “révèle…”, qui “dévoile…”, qui “revient sur…”, qui “réagit sans tabou” si l’on en croit les accroches éculées, pièges à clics suscitant ces dernières semaines des commentaires plus ubuesques les uns que les autres sur Twitter, YouTube et les chaînes d’info en continu ad nauseam, de la part de gens à qui on a envie de rappeler qu’elle fait aussi de la musique. Et vachement bien, en plus !…
Départ immédiat pour la première date de la tournée Hasta luego version 2023.
 
Balances © LC
 
Le vent glacial n’a pas empêché les Rouennais (et les autres) de sortir de chez eux pour s’engouffrer dans ce beau Zénith planté aux abords de la ville, facile d’accès avec cet immense espace tout autour, plutôt labyrinthique à l’intérieur avec toutes ces portes coupe-feu.

Véronique sur scène à 19 h ? Même pas en rêve… Voici donc Laura Cahen en vedette américaine, seule avec sa guitare. Ne marquant même pas la surprise, le public, incroyablement patient et attentif, l’accueille chaleureusement. Une petite demie-heure plus tard, les accords de Vole, Vole, Vole (anciennement Celui qui n’essaie pas) explosent la scène, comblant une attente paresseusement trompée sur les petits écrans à lumière bleue.
 
Entrée sur scène filmée par Christopher
 

Comme aux balances un peu plus tôt, Véronique tient la forme et les Rouennais vont se charger de l’électriser davantage, massés à ses pieds dès la deuxième chanson : du jamais vu depuis des années en ce qui me concerne, mais de l’inacceptable pour ceux qui n’envisagent pas de se lever (ou qui ne peuvent tout simplement pas, pour raisons physiques). D’où les “Assis, assis !” qui fusent au milieu des “Véro on t’aime !”, particulièrement nombreux ce soir. Assis juste devant la régie, on assistera en effet au départ de quelques personnes avec béquille ou canne…

Sur scène, le niveau, déjà élevé à la fin de l’année dernière, a encore gagné une marche : toujours plus de fignolage dans le jouage – autant de travail bientôt consacré par une captation de rigueur. L’acoustique de la salle, subtile, restitue parfaitement les nuances dans le chant de Véronique et les textes dont on distingue chaque mot (surtout quand le micro est ouvert…).
 
Au rayon des nouveautés, on note une intro différente, signée Mehdi Benjelloun, pour sa composition Et je l’appelle encore (très bien), et la disparition des gimmicks de cuivres sur Une nuit sur son épaule (moins bien). Les “pizz” dans le pont du Maudit sont toujours là, sans la voix de Véronique. Côté visuel, on note aussi de jolies petites trouvailles.
 
Juste avant Drôle de vie, Véronique tente de remettre un peu d’ordre dans les franges de sa tenue de scène, inspirant à Frédéric Gaillardet les premiers accords de You can leave your hat on (from “9 semaines 1/2”, une composition de… Randy Newman) qu’il plaque sur ses claviers pendant qu’elle prend des poses de star, assise au piano. Bravo ! 

La cerise sur le gâteau, la chemise (hawaïenne) sur le plateau, c’est bien sûr Christopher, guest star surprise – pas en première partie (comme on l’a vu), mais en guitariste de luxe. Pendant les balances, on ne se retenait pas de filmer ce moment où il enluminait les riffs archi connus de Bernard’s Song et On m’attend là-bas. La vidéo est à voir ici.

Passer de On m’attend là-bas au Temps est assassin n’est pas forcément sans risque et Véronique l’a expérimenté ce soir-là, ayant attaqué plus vite que la musique, dérangée dans ses Ears par des conversations qui n’y avaient clairement pas leur place. Pas de panique, on arrête tout et on recommence. Joueuse, elle avoue être “inconveniencée” et propose de repartir du milieu, de là où elle s’est arrêtée, du début… Les premiers rangs gourmands tranchent : ce sera du début !

Comme toujours, et surtout en cette période où on lit tout et (le pire du) rien sur un net pas net du tout, on éprouve une jubilation intérieure à entendre sa voix égrener des mots aussi fiers que “On dit aussi que mon regard est déjà flou / Que c’est une chance que je tienne debout / Que ma chandelle est presque à bout”… Rock’n’roll is here to stay!

En coulisses, on la retrouve un peu lasse de ces éternels problèmes techniques, mais radieuse de l’accueil fait à son spectacle, à ses musiciens, à sa vie… la musique.

La setlist est en ligne ici.

• Véronique Sanson | 2023

Véronique Sanson
“De l’autre côté de mon rêve”
Édition remasterisée
50e anniversaire


L’album “De l’autre côté de mon rêve” fête son demi-siècle et refait pour l’occasion un joli tour de piste, enrichi de maquettes inédites et rhabillé au goût du jour (son Dolby Atmos, pochette relookée). L’occasion de se replonger dans le contexte de sa sortie.

En 1972, tout va très vite pour Véronique. Son premier album sort au mois de mars, celui-ci début décembre. Elle enchaine la promo (presse, radios, télés en France, Suisse et Belgique) et découvre la scène (quelques chansons chaque soir pendant un mois au cabaret de la Tour Eiffel avant d’attaquer les choses sérieuses : la première partie de Polnareff en mai et surtout une grande tournée d’été avec Julien Clerc et Pierre Vassiliu – chez qui seront d’ailleurs prises les photos de la pochette originale de “De l’autre côté de mon rêve” dont Véronique ne raffole pas…).
 
Une chose est frappante avec ce disque, Véronique prend de l’assurance vocalement. La différence avec son premier album saute aux oreilles. Et plutôt que d’utiliser des titres déjà maquettés l'année précédente (Clapotis de soleil, la nuit se fait attendre… qu’elle utilisera plus tard), elle enregistre ce qu’elle vient d’écrire et de composer : des textes au plus près de ce qu’elle vit.
 
On ne peut en effet pas décemment évoquer cet album sans parler de Michel Berger, dont il est accessoirement le producteur et directeur artistique. Sa conception, son enregistrement coïncident avec LE grand tournant dans la vie de Véronique, celui qui va générer cette “drôle de vie” qu’elle pressent, ce virage non négocié au préalable. Prise entre deux feux (de l’amour), elle n’a pas encore choisi entre une histoire française un peu trop calme d’un côté (Michel Berger, alors inconnu du grand public) et une histoire américaine qui s’annonce largement trop rock’n’roll de l’autre (Stephen Stills, guitariste américain superstar). Elle se décidera plus tard.
 
Été 1972, Michel et Véronique photographiés par France Gall.
 
Début octobre 1972, une des séances studio pour cet album est d'ailleurs le théâtre de la rencontre des deux hommes que tout oppose – sauf leur amour pour Véronique. De très rares photos prises par Dominic Lamblin (qui travaille chez WEA) en témoignent et une rumeur tenace (mais que Véronique dément catégoriquement aujourd’hui) voudrait que Stills ait enregistré ce jour-là quelques accords. Elle se souvient en revanche que le guitariste américain échangeait avec elle en espagnol, langue que Michel Berger ne parlait pas. Les dés étaient lancés… 
 
Une fois ses voix enregistrées, Véronique disparaît quelques jours avec Stills, laissant Michel Berger terminer le mixage de l’album sans elle. On a longtemps cru qu’elle avait pris là ce fameux aller-simple pour New York mais de nombreux éléments nous incitent à réécrire la temporalité de l’événement. De fait, après cette courte fugue, elle revient auprès de Michel. Ils iront même ensemble au mariage de sa sœur Violaine mi-décembre 1972 et elle verra naître la plupart des titres qui formeront le premier album de Michel, Cœur brisé. Des bandes de travail en studio inédites en attestent.
 
Une chanson de Véronique est rarement intégralement dédiée à quelqu’un – même s’il y a de belles exceptions dans son répertoire, comme Mortelles pensées mais on peut remarquer que, alors qu’ils sont encore ensemble, Véronique Sanson et Michel Berger se parlent déjà par chansons interposées. Elle lui dit de se méfier quand s’allumera l’étincelle de l’infidèle (Toute seule), lui tend le portrait idéal d’un autre homme (Comme je l’imagine) alors que lui envisage déjà son départ (Attends-moi), implore son aide (Donne-moi du courage) mais a déjà tout compris (Si tu t’en vas). Il avouera plus tard en interview avoir songé un temps sortir son premier album et celui de Véronique dans un même coffret… Le destin en décidera autrement : après moult hésitations, elle répondra finalement à l’appel du large juste avant la sortie de ce Cœur brisé et leur dialogue s’intensifiera au fil des années alors même qu’ils seront séparés géographiquement, heureux et malheureux “l’un sans l’autre”. 
 

Variation autour de la photo de la pochette de 1972, avantageusement remplacée, pour cette nouvelle édition, par une photo de Jean-Marie Périer prise à la même époque.
 
Je garderai – le plus longtemps possible j’espère – en mémoire un moment précieux : Véronique printemps 2022 penchée sur un iPad, réécoutant pour la première fois les maquettes insérées dans cette réédition et s’adressant à la jeune Véronique automne 1972 : “Mais ralentis un peu... Va moins vite...”. Dialogue dans les couloirs du temps…
Ce même jour, elle qui a un penchant certain pour les accidents, les choses imparfaites, sélectionnera la maquette de Morale séance tenante (”Celle-là, faut la mettre !”) à cause du moment où elle s’arrête et reprend, avant de donner son accord pour d’autres.
 
Parce qu’elle est à l’époque incroyablement prolifique, on a retrouvé sur la même bande quelques instrumentaux parfaitement inédits, oubliés derrière elle dans la précipitation de son départ mais fort heureusement conservés par Michel Bernholc, qui faisait tourner les magnétos dès qu’elle mettait un pied en studio. En 2020, elle a écrit un texte plutôt sombre sur l’une de ces musiques, qu’on a pu découvrir sur scène sous le titre de Signes. Les autres pourraient également faire l’objet de quelques travaux de remaniement dans le futur et voir le jour une fois leurs paroles écrites – ce qui justifie leur absence dans cette réédition.
 
On n’est pas encore tous appareillés mais il faudra y songer (je ne parle pas de surdité mais de nouvelles technologies)… “De l’autre côté de mon rêve”, album-clé pré-“années américaines”, mérite amplement d’être écouté dans les conditions Dolby Atmos. C’est un peu comme si l’on était en studio avec elle, avec les musiciens. La spatialisation du son déroute d’abord : on se retourne pour savoir si le guitariste n’est pas réellement dans la pièce ! Une expérience qui fait penser à celle de nos aînés découvrant le son stéréo… Hautement recommandée !

Disponibles depuis le 8 décembre 2022 :
Versions digitales 16 & 24 bits de l’album remasterisé
Version digitale Dolby Atmos sur Apple avec une exclusivité de 14 jours
 
Disponibles depuis le 20 janvier 2023 :
Vinyle translucide & édition Deluxe CD + Blu-ray audio Dolby Atmos
 
 
Variation autour d’une photo de la même série que celle de la nouvelle édition, également signée Jean-Marie Périer
 

• Bastien Lucas et Julie Rousseau | 2022

 

Bastien Lucas et Julie Rousseau,
Toute une vie sans se voir,

17 décembre 2022


S’attaquer au répertoire Sanson-Berger en piano(s)-voix, imaginer un spectacle de leurs chansons entremêlées, oser afficher leurs correspondances… Le type même du concept archi casse-gueule, abyssal défi auquel Bastien Lucas et Julie Rousseau ont choisi de se confronter. Avec respect, émotion et surtout zéro caricature. 
 
Tout en habileté et finesse, ils prêtent leurs traits et leur énergie au couple formé par Véronique et Michel au début des années 70. Julie est passionnée et volontaire. Bastien est plein de charme et de second degré. Leurs sourires et leurs regards trahissent des années d’amitié.  
 

 
On évite instantanément l’écueil mental que serait la comparaison de leurs interprétations face aux versions originales. Et c’est d’autant plus facile qu’ils impriment d’emblée leur patte sur des chansons qu’on connaît pourtant par cœur (reprises trois fois par jour sur YouTube pour le meilleur et pour le pire) : une certaine façon de s’arrêter sur un mot, d’en esquiver un autre, d’alterner les rôles, de faire le choriste dans l’ombre quand le partenaire est dans la lumière, d’oser des bruitages avec la bouche (formidable Fais attention à mon amour) ou encore de fredonner les dernières notes de piano d’une chanson jusqu’à glisser subtilement dans la suivante (intro de Ma musique s’en va si ma mémoire est bonne). Sans oublier une grande prise de liberté dans le jeu de piano et les harmonies pour offrir une relecture très travaillée de certains titres – on va jusqu’à entendre du Bach chez Sanson-Berger ! Je ne connais pas bien leurs parcours respectifs, sais juste qu’ils vivent de et pour la musique H24 (et qu’ils touchent leur bille au piano), mais on est très vite comme chez soi dans leur univers, tout en imaginant l’œil bienveillant de leurs illustres aînés. 
 

Illustres aînés dont l’histoire est loin d’être ordinaire, même si elle n’est pas encore tout à fait un mythe (laissons les “couples mythiques” et autres “chansons cultes” à RTL quand on y évoque Stone et Charden). C’est peut-être pourquoi ils ont choisi de superposer celui d’Orphée et Eurydice au romanesque destin de nos chanteurs pop. Séparation, descente aux Enfers, malédiction, départ irrémédiable… Le conte est bon.

Si, dans la salle, on a l’impression de faire partie d’une secte (celle des initiés aux secrets de cette histoire), cette correspondance par chansons interposées n’est pas non plus une légende, n’en déplaise aux réécriveurs d’histoire et autres acharnés de la propagande Gall-Berger über alles. On ne parle ici ni de théories d’amour de substitution ni d’adultère fantasmé mais de quelque chose de bien plus poétique, qui d’ailleurs n’aurait sans doute pas fait long feu face aux ennemis (l’habitude, le temps qui passe…) mais a (bien) nourri ce qu’il convient d’appeler une œuvre. 
 

Comme l’a rappelé le propriétaire de la salle, d’annulations en reports, le spectacle a failli porter un nom prédestiné. Souhaitons lui maintenant longue vie dans de grandes salles avec de beaux éclairages. Le Forum Léo Ferré d’Ivy sur Seine est certes convivial mais tient du mouchoir de poche. Entre le grand piano noir et le petit piano droit, les deux musiciens-acteurs étaient un peu à l’étroit – contraste total (pour l’anecdote) avec la Seine Musicale et ses 3000 projecteurs (re)vus la veille chez Starmania en ce qui me concerne ;-)
 
Ajoutons, pour finir, que je pense pouvoir affirmer que Véronique aurait été émue et fière à Ivry ce samedi soir…
 


NB. Nulle faute dans le choix des chansons, il avait été travaillé en amont avec mon camarade en véronicologie, Yann Morvan, ami de longue date de Julie.

• Folies Bergère | 2022

Véronique Sanson
Folies Bergère, Paris
25-26-27 novembre 2022

Balances, 26 novembre 2022 © LC
 

Basse | Dominique Bertram
Guitare | Basile Leroux
Batterie | Jean-Baptiste Cortot
Percussions | François Constantin
Claviers | Franck Sitbon
Trompette | Renaud Gensane
Trombone | Bertrand Luzignant
Saxophone | Yannick Soccal
Chœurs | Mehdi Benjelloun
Chœurs | Guillaume Eyango

Création lumières | Cyril Houpelain

 
Pendant les trois shows aux Folies Bergère (surtout celui du milieu), on repensait à cette question (simpliste) qui lui a récemment été posée : “Êtes-vous heureuse, Véronique ?” pour l’excellente raison que là, sous nos yeux, elle était pleinement et réellement heureuse. Les photos – capteurs de ce qui échappe à nos rétines – ne trompent pas : ses sourires élastiques, ses regards brillants, ses gestes fluides… Le bonheur n’est pas un état stable, cher interviewer matinal, il est là et puis il ne l’est plus. Ces soirs-là, il était bien là, indéniablement.
Ce mot “bonheur”, ressenti cette fois par le public, revient d’ailleurs souvent dans les très nombreux commentaires sur les réseaux sociaux pendant que “magique”, “incandescente”, “géniale”, “merveilleuse”, “exceptionnelle” la décrivent. Une délicieuse pluie de compliments envoyés du cœur, spontanément. On attend généralement un peu de fraîcheur d’une salle parisienne (y a du people, des journalistes…), mais là on a vu ce qu’on allait voir : le tonnerre, l’embrasement.… Retour sur trois shows d’anthologie.
 
© LC
 
Au dehors, le monde ne va pas fort, l’époque est à la division. À l’intérieur, on est au chaud, à l’unisson d’une même voix, d’une même énergie qui embarque loin de tout. Véronique est enfin elle-même, du moins telle qu’elle aimerait être à chaque seconde de son existence même si elle sait – ô combien – que c’est un vœu pieux : à des moments de grâce absolue correspondent irrémédiablement des abîmes. Le prix est souvent lourd à payer mais ça vaut tellement le coup… C’est sa vie : “Rester là sans rien faire / c’est bon pour l’éternité”...
 
© LC
 
Le premier soir quand elle est montée sur scène, elle était encore la proie d’une peur panique qui lui était tombée dessus la veille. Que dire dans ces cas là sinon d’affligeantes banalités ? “Tu sais bien que dès que tu auras posé un orteil sur scène, tout ira bien...” La voix encore étranglée de trac, elle s’est lancée, trompant son angoisse dans un dialogue avec le public (“J’ai peur quand vous arrêtez d’applaudir…”) avant de se réchauffer à sa flamme, de s’abandonner corps et âme aux clameurs. Le problème, ce n’était pas Paris, c’était l’inconnu : cette scène qu’elle n’avait encore jamais foulée pour un concert entier et qui, en plus, est pentue – détail qui apparaîtra nettement quand il faudra redresser certaines photos...
 
© LC
 
Une fois le trac jeté par dessus bord, le feu de la salle a coulé dans ses veines et les images des concerts d’antan ont afflué en masse dans mon cerveau. Même énergie, même folie (au premier étage, c’était carrément chaud), longs applaudissements après chaque chanson, standing ovations à gogo et ces voix anonymes qui profitent des rares silences pour lancer des “Je t’aime”... Les gens de la nuit étaient bel et bien là.
 
Parmi eux, les irréductibles, ceux qui viennent et viendront toujours, des quatre coins de France quand ce n’est pas de Belgique… Sans les réseaux, ils ne se seraient peut-être jamais rencontrés et c’eût été dommage : les voir soudés par leur amour de Véronique est vraiment réjouissant.
 
Également, du beau monde : Charlotte Rampling (au bras de Daniel Schick), Catherine Lara, Michel Jonasz, Louis Chedid, Luc Plamondon, Franka Berger, Isabelle Nanty, Antoine Dulhéry, François-Éric Gendron, Nicole Calfan, Vianney, Christophe Maé (qui a bien failli monter sur scène pour Besoin de personne), Marc Lavoine (qui est bien monté sur scène pour Une nuit sur son épaule), Tim Dup, Mika, Yves Duteil, Didier Varrod, Marie-Pierre Planchon, Éric Jean-Jean, Raphaël Mezrahi, Marc-Olivier Fogiel, Thomas Sotto, Baptiste Vignol (auteur du livre Tout Véronique Sanson), Sophie Delassein et sans doute d’autres qu’on oublie… et même Jean-François Coppé à qui on avoue qu’on aimerait faire disparaître une certaine vidéo calamiteuse sur YouTube et qui répond placidement qu’elle ne le dérange pas…  
 
© LC
 
Venons-en aux deux nouveaux titres ! Drôle de situation qui en rappelle une autre : Olympia 1983, quand la maison de disque espérait un album et que seuls deux nouveaux titres étaient prêts. On les enregistra promptement pour sortir un 45 tours live – l’album studio arriva bien plus tard… 
Hasta luego est “une nouvelle chanson qu’on a écrite avec Vianney – surtout Vianney mais un peu moi quand même, par orgueil, simplement… et c’est super”.
“J’ai pris un nouveau départ
Telle est ma voie
C’était comme la mer à boire
Mais c’était mon choix”
Le mot vie y remplacera voie dans le premier couplet deux soirs sur les trois – sa voie n’est pas tracée, tant pis pour la rime…
Pour le second, Signes, elle annonce la couleur : “Là c’est moi qui l’ai écrit toute seule – et ça se voit, franchement !” Une musique qui vient du fin fond des âges accolée à un texte tout neuf. Une perle à l’éclat très sombre. 
 
© LC
 
Depuis le premier concert de cette tournée (Montereau, fin octobre), les balances ont fait monter chaque jour d’un cran le niveau d’excellence du “jouage” (comme dit Véronique) des uns et des autres. Ils sont au top ! On salue encore et toujours les nouveaux arrangements : Une nuit sur son épaule, cuivré et bien rock – plus vraiment adapté à la nonchalance de Marc Lavoine –, l’accordéon de Franck Sitbon sur Et je l'appelle encore, du piano dans l’intro de l’indéboulonnable Toi et moi qui a un peu vite remplacé J’ai l’honneur d’être une filleOn note de subtiles différences : une série de Ta douleur efface ta faute s’est envolée dans Le maudit (une première depuis 1974) laissant place à l’orchestration (et ça marche bien !), de petits sketchs ont fait leur apparition et puis bien sûr ces petits moments si importants qui font que chaque concert est unique, comme cet aveu du premier soir avant Amoureuse (tiens, tiens…) : “Alors là il faut que vous chantiez avec moi parce qu’après j’ai vos voix dans mon cœur… et vous vous rentrez chez vous, tranquillou, entourés de tous, aimés, câlinés… eh ben moi que pouic… rien !” ou encore ces impros d’un soir quand elle fait un petit bout de C’est bizarre (juste avant Je me suis tellement manquée le 25) ou C’est le moment (juste avant Amoureuse le 26) parce que quelque chose vient de lui faire penser à ces titres-là… À la scène comme à la ville !
 
© LC
 
Lorsqu’elle chante, superbe après 2 heures de scène sans ménagement aucun, “On dit aussi / Que mon regard est déjà flou / Que c’est une chance que je tienne debout / Que ma chandelle est presque à bout”, on savoure avec elle cette jubilation qui est la sienne, on est fier et on se dit qu’elle ne devrait plus faire de télé, qu’on devrait juste y diffuser des images de ses concerts. Pensée un peu radicale sans doute mais ce qu’on a sous les yeux et dans les oreilles est tellement aux antipodes d’une Star Ac ou d’un 20h30 chez Delahousse…
 
Le mot de la fin à Véronique : “Merci, merci, vous m’avez rendu tellement heureuse…” 

PS. Un cocktail était organisé le dernier soir dans le hall, l’occasion de quelques photos supplémentaires…
 
© LC
 
© Hélène de Voisins

Chronique de Didier Varrod sur Instagram :
C’est à chaque fois comme un rendez-vous avec moi même lorsque je vais voir Véronique Sanson puisqu’elle a tout ce que j’aime… Un dimanche aux Folies Bergère l’amoureuse fait vibrer comme personne son « piano danse », unique sensuelle rythmicité sidérante, qui met le feu à la pop, la chanson, le rock, le jazz… Une brindille incandescente soudain plus solide que nous tous, indestructible, parce que sa vie est beaucoup plus qu’entière… On repart dans la nuit humide avec le souvenir de ses mots si puissants pour parler de nos drôles de vie, on prend le métro avec la force de son étreinte si déboussolante, la frontalité abrasive de son regard érotique, les effluves de son parfum entêtant sur mon pull-over comme une caresse qui ne veut pas s’arrêter, se blottir enfin dans mon lit, une nouvelle nuit sur son épaule, toujours c’est vrai, toute une vie avec ce sentiment de la douceur du danger ancrée là profondément dans mon existence avec elle… Dans mes moments maudits comme sublimes… Very Véro pour toujours
 
Chronique d’Éric Jean-Jean sur Facebook :
Un concert de Veronique Sanson, c’est comme un rendez vous amoureux. Attention, ne vous y trompez pas, pas un rendez vous amoureux mièvre du genre gagné d’avance, pas du tout. On est plus dans le style de ‘date’ dont on ne connait pas l’issue. De ceux, dangereux, qui peuvent se finir par un vent et/ou des larmes. « Véro », comme l’appellent ses fans, n’est pas une chanteuse normale; elle est un indomptable animal sauvage, plongez vous quelques secondes dans sa biographie vous comprendrez.
Ce soir, pour la troisième fois consécutive, les folies Bergères sont remplies a craquer. Je croise le magnifique Vianney dans l’entrée puis, respectivement Marc-O Fogiel, Mika et la moitié du métier dont Benjamin Locoge (lui, il a « fait » Bono en interview, suis à la fois deg’ et admiratif !!!) et mon ami Didier Varrod avant de tomber dans les bras de Isa et Thomas Hugues. Le tout accueilli par mes grandes soeurs Vincence Stark et Cat-Bat puis celle de Véro, Violaine. Vous l’avez compris, Véro, c’est la famille. La vraie, pas le show bizz qui frime, elle s’en fout de ça Vero, c’est la plus grande rockeuse de France.
20h05, ça commence, petite chose faussement fragile, elle arrive.
Tous debout.
Un mot me vient à l’esprit : « Dévotion ». Véro est une sorcière blanche en boots rock cloutées, pantalon noir et veste de cuir à franges. Fausse fragile et vraie blonde. Fidèle équipage au complet, scène épurée, elle chante devant un demi cercle semblable à un coucher de soleil, ça me rappelle quelque chose.
Démarrage en douceur, « Vole vole vole », « Hasta Luego », une nouvelle signée… Vianney, « Le maudit », « Je me suis tellement manquée ».
Envol. Puis vitesse de croisière.
La voix est là, revenue, forte et légère à la fois, comme sortant d’un bain de jouvence. Les chansons défilent, « Vancouver » en acoustique. Dieu que c’est beau. En parlant de beau, voilà que Marc arrive, « une nuit sur son épaule », comme jadis au Francofolies ce soir de juillet 94 lors de cette délicieuse soirée « Comme ils l’imaginent ». « Le temps est assassin », « on m’attend là bas ». Puis un dernier tête à tête. A ma droite Didier à les larmes aux yeux pendant la « Révérence » que tire Vero, seule au piano. Enfin, immuable rituel nous quitterons la salle après être partis à Bahia.
La tournée se poursuit jusqu’au printemps avec, en prime, trois Dômes de Paris.
Bêtement je regarde Wikipedia… Je ne reviens pas du chiffre avant le 3 … 7 !
Quelle femme. Quelle vie. Quelle artiste.
 
Chronique d’Éric Chemouny (Je suis musique) :
Merveilleuse Véronique Sanson hier aux Folies Bergère ! Son plus beau spectacle depuis longtemps : une set list parfaite, un public en osmose totale et une artiste en état de grâce, au sommet de sa forme et de son talent ! Dans le public : Mika, Vianney, Yves Duteil, Christophe Maé ou Raphaël Mezrahi subjugués… tout comme Marc Lavoine sur scène, le temps d’une nuit sur son épaule. Vivement le Dôme de Paris en mars 2023 !
 
Chronique de Baptiste Vignol à lire sur son blog.
 

• Starmania | 2022

Starmania,
La Seine musicale,
8 novembre 2022

Manifestement la Seine Musicale était the place to be ce 8 novembre, soirée de première de Starmania nouvelle version. En sortant du métro, après avoir traversé un décor futuriste évoquant Monopolis et montré patte blanche, on était dirigé vers la première entrée à gauche si on était un invité de marque, et vers la seconde entrée si on faisait partie du reste du monde. Là, en fonction de la première lettre de son nom de famille, on avançait vers des jeunes femmes derrière de petits comptoirs ornés d’orchidées blanches, qui vous fournissaient vos précieux billets. Grand luxe. 
 

Dans les allées, de grandes photos rappellent l’histoire de Starmania. Certains font des selfies devant un grand portrait noir et blanc de Michel Berger et Luc Plamondon. D’autres lorgnent le scénographe Thomas Jolly qui vient d’apparaître dans un costume flamboyant et ne se fait pas prier pour poser devant une immense affiche aux couleurs de
Starmania 2022, bleu nuit et or. Fabienne Thibeault est happée, pose également. Renaud Hantson aussi. Le ton est donné : les people sont partout !

On s’installe dans les premiers rangs et très vite le torticolis nous guette. Derrière nous (dans le désordre le plus total) : Valérie Lemercier, Alex Beaupain, Luc Plamondon, Fogiel, Vincent Lacoste, Jean-Claude Camus, Bruce Toussaint, Lola Lafon, Charlebois, Drucker, Anne Gravoin, Anne Hidalgo, Line Renaud, Ruquier, -M-, Coppé, Élisabeth Quin, Vincent Cassel, Brigitte Macron, Yasmina Benguigui, Renaud Capuçon, Isabelle Boulay, Natasha Saint-Pier, Mathilde Seigner, Gallia
, Rachida Dati, Nicole Coullier, Nathalie Baye, Anne Gravoin, Dominique Besnehard, Jean Brousse, Franka Berger, Bernard Serf… et, discret maître de cérémonie, Raphaël Hamburger évoluant en toute liberté : de l’avantage de refuser toute apparition médiatique.


 
Une voix (celle de Thomas Jolly ?) nous demande de pas filmer ou photographier pour ne pas spoiler. Avertissement bien reçu : le service d’ordre n’aura pas à œuvrer. Le buzz a-t-il suffisamment alerté sur le gigantisme pharaonique de ce que l’on va voir pour que chacun se dise que cela ne rentrera pas dans nos petits smartphones ? Vivons le spectacle en live pour une fois, pas par écran interposé…

Un premier clin d’œil nous cueille d’entrée de jeu : un piano blanc qui tourne et sur lequel joue furtivement un homme aux cheveux bouclés, de dos… Hommage subtil, bien vu. Plus tard dans le spectacle, un autre concernera France Gall. 

On a déjà lu partout ces chiffres affolants (7 millions de budget, 500 projecteurs, 1 million de spectateurs pour rentabiliser l’aventure, etc.) et on pense aux challenges. L’un d’entre eux sera d’alterner adroitement la démesure et le dépouillement, le gros son et une guitare sèche tout en conservant la fluidité du récit. Un autre sera de remplacer lentement dans notre imaginaire les versions archi jouées des chansons que tout le monde connaît par des voix nouvelles sans doute tentées par la démonstration de puissance pour épater (ou combler un manque d’émotion), le tout en évitant l’écueil d’un karaoké géant. Assez vite, tout cela sera balayé : la première voix à s’élever (Gabrielle Lapointe alias Cristal) rassure mais interroge aussi. Elle avance avec une belle assurance, n’a pas l’air d’avoir le trac… Comment fait-elle ?

Les tableaux se succèdent, bluffants, bien pensés. Il est clair que la combinaison des talents engagés dans cette aventure liée au fait que la plupart des moyens techniques utilisés aujourd’hui n’existaient pas en 1978 ne pouvait que porter de beaux fruits. La première partie est impeccable, avec pour point d’orgue (en ce qui me concerne) Le blues du businessman par David Latulippe. Son timbre n’a rien de particulier, son impeccable technique est attendue, mais il y a autre chose. Sa voix frappe net, carré, sans fioriture et avec une justesse qui sied parfaitement à son personnage. La chanson bénéficie de surcroît du plus impressionnant déploiement de projecteurs observé dans notre galaxie… 
 

 
On pourrait aussi citer l’utilisation des silences dans Quand on arrive en ville (Côme alias Johnny Rockfort), malheureusement gâchée (toujours en ce qui me concerne) par la représentation crue d’une violence gratuite qu’on aurait préféré voir suggérée.  

La seconde partie démarre par un chef-d’œuvre, Les adieux d’un sex-symbol, dont la version live d’origine (par Diane Dufresne) semble indépassable. La note finale, attendue par une salle haletante, donne le vertige à tout point de vue : elle est exécutée du haut du 3e étage de l’escalier de Zéro Janvier par Magali Goblet (alias Stella Spotlight). Voix puissante et un peu cassée, comme retenue à chaque fois qu’elle pourrait sombrer dans l’esbroufe.

Et les musiciens dans tout ça ? On les découvre parqués de chaque côté de la scène : guitare-basse-batterie à gauche et claviers à droite. La bonne nouvelle tient dans le respect des intemporels arrangements originaux. Rien ne vaut le tandem des Michel (Berger et Bernholc). Cela dit, et surtout dans la deuxième partie, j’ai cru noter comme une prééminence de guitares un peu funky FM… La version de Ziggy en guitare-voix par Alex Montembault (alias Marie-Jeanne) est un enchantement. Et on salue la production d’avoir joué la carte de l’ouverture d’esprit envers une personne qui se définit comme non-binaire – détail qu’on a presque honte de souligner ici. La modernité de ce spectacle n’est donc pas que dans les effets spéciaux… même si on retiendra aussi la scène de l’enlèvement de Cristal par Johnny Rockfort, qui commence en live et se poursuit sur écrans dans un stylisme noir et blanc digne d’une pub pour un parfum, pas désagréable pour autant.

On parle beaucoup de dystopie, du côté prophétique et visionnaire de Starmania. Le monde a quelque peu changé en 40 ans et il ressemble hélas dangereusement à celui imaginé par Michel Berger et Luc Plamondon, avec une actualité brûlante en ce soir de première : aux États-Unis, le sort de Joe Biden est menacé par des “baby Trump”. Au vu des résultats de ces midterms, la réalité sera moins terrible que la fiction. Pour le moment…
 
Lorsque la tour est détruite, je repense à l’anecdote de Christopher Stills, ado accompagnant sa célèbre mère voir Starmania en 1989 : aveuglé par les lumières figurant l’explosion finale, il est resté quelques secondes à se demander s’il pourrait recouvrer la vue…
 

Les tableaux de la fin ramènent de la douceur et jouent la carte de l’allégorie. La fumée de l’explosion de la tour se change en nuages sur fond de ciel bleu alors que s’élève la voix angélique de Marie-Jeanne. “Stone, le monde est stone…”
 
Rituel des saluts. Standing ovation. Tout le monde est là, y compris un fragile Luc Plamondon, main sur le cœur sous un immense portrait de Michel Berger signé Dominique Issermann. On ramasse machinalement un des confettis roses jetés à la fin de la première partie avant de sortir. Je n’avais encore jamais vu Starmania, curieusement pas très intéressé par la première version et pas davantage par les deux suivantes. Celle-ci est donc une première à tout point de vue, très convaincante et qui donnerait presque envie d’y retourner… 
 
Ce qui fut fait mi-décembre (en compagnie de Véronique). Même ressenti, avec l’impression que de légers changements avaient été opérés dans la deuxième partie. Et toujours cette impression de gigantisme, d’écrasement, si puissants qu’on reste spectateur jusqu’à la toute fin où l’on s’autorise enfin à applaudir…