• Véronique Sanson | 2011

Théâtre de Longjumeau
29 janvier 2011

Aller la voir sur scène, encore et toujours. Parce que c'est elle. Parce que les amours d'adolescence durent toujours, que le temps n'est pas si assassin que ça. Parce qu'elle est toujours là – mais jamais où on l'attend. Une sirène qui ne nagerait pas en eaux tièdes, à l'appel irrésistible.
Le procédé reste immuable : on va vers elle et elle vous donne quelque chose. Joie d'offrir et plaisir de recevoir ! La qualité de l'échange dépend de votre réceptivité. La sienne est à l'image de sa générosité, totale.


Longjumeau, donc, première date d'une nouvelle tournée. Le champion part avec un handicap* mais le pronostic est bon : elle contre tous, elle à l'arrivée, elle sur le podium. La force est avec elle. Et les étoiles, et les anges et les fées.
Un théâtre, bien en vue sur une avenue tranquille. Le hall est plein. Entre une jolie femme qui disparaît bientôt derrière le stand des produits dérivés, le temps de troquer son top Paul Smith contre le tee-shirt officiel qu'elle vient d'acheter, siglé des 3 lunes et du mot Sanson. Ça tombe bien, c'est aussi son nom... Et le tee-shirt lui va magnifiquement.

La salle vibre. L'impatience, et le trac – qui existe aussi de ce côté-ci de la scène. "Véro", trois applaus, "Véro", trois applaus...
Un riff de guitare, bigrement efficace, et qui finira bien par être aussi fameux que celui d'On m'attend là-bas. On en rêvait, ils l'ont fait : la scène permet de remettre les pendules à l'heure puisque s'annonce ce qui aurait dû être – à mon sens – le premier single extrait de Plusieurs lunes, hymne décontracté mais lucide : Je me fous de tout.
Sous la lumière, la tornade blonde, bien campée sur ses jambes moulées de cuir noir, veste à paillette sur tee-shirt noir. On se pince. On est en quelle année déjà ? Véronique remonte le temps, échappe à la logique, a dû ressentir la pluie d'une autre planète...

Concession à l'air du temps, à l'image-reine, un fond de scène tout en animation. Bien sûr, on n'avait nul besoin de voir "les nuages rouges quand l'aube se lève", mais ils s'envolent si joliment derrière un arbre sans feuilles sur une colline hivernale... Plus tard, l'écran crachera des flammes, nous emmènera dans l'espace, fera danser des lunes et pleuvoir des roses. Les tableaux sont très réussis. Véronique soulignera tout de même qu'il lui faut s'habituer au défilement rapide de ces images lorsqu'elle se retourne brusquement vers ses musiciens : les animations ont été conçues pour être vues à une certaine distance...


Alternance de titres du crû 2010 avec ceux des années 70, 80 et 90. On a tous plusieurs vies en une. En paix avec ses contradictions, mais pas rangée des voitures pour autant, Véronique semble être arrivée à une période de synthèse. Elle affiche aujourd'hui ce que beaucoup recherchent : une certaine cohérence. Tendre un moment, puis, comme s'il lui fallait prouver qu'elle est bien vivante sous nos yeux, elle s'élance à l'autre bout de la scène, cherche du regard quelqu'un à qui transmettre son bonheur d'être là, cette étincelle qui reçue par l'autre, fera naître sur son visage le plus éclatant des sourires, donnera encore plus d'assurance à sa voix. Tendre et toujours violente. Ça s'appelle le partage, le don de soi. "Pour qui le feu que j'ai dans le corps". En quelques titres, elle a déjà fait oublier ces télés où il lui manque un public à qui s'adresser.



Les cuivres sont là et on réalise combien ils nous avaient manqué. Leur joyeuse arrivée sur Drôle de vie, leur ponctuation ici ou là et surtout l'irremplaçable chaleur donnée aux titres comme Rien que de l'eau ou Bernard's song.

On découvre aussi les gestes qui accompagnent ses mots, sa main qui louvoie sur "Une manière habile d'éviter les garçons" dans cette chanson qu'elle annonce "chanter sur scène pour la première fois". Sur Amoureuse, une variante assez rare : "Quand je sens qu'il entre dans ma vie"... Et un petit "Merci Vio !", glissé après Qu'on me pardonne.
La tracklist fut sans doute une des plus difficile à échafauder entre la volonté d'incorporer Plusieurs lunes tout en sauvant les golds (hormis Ma révérence, "v'lan, aux oubliettes" pour la première fois cette année) sans oublier quelques raretés repêchées, Le temps est assassin (magnifique version piano, claviers et Basilou pour le solo de guitare) ou Radio vipère (sans doute plus choisie pour ses textes que son intérêt mélodique). Seul petit bémol (pour moi) : cette façon de finir Sans regret en répétant le titre ad lib.


Deux titres en rappel et puis s'en vont. Cette fois, elle revient seule.
Quelqu'un crie "Bahia !".

– "Pas tout de suite. Avant, il faut que je vous affronte avec celle qui vient. Ce sera sans filet." Ne jamais aller vers la facilité. La scène comme un ring. J'aime bien cette idée de défi qu'elle se donne.
Et voilà que surgit du fond de sa mémoire une chanson oubliée qui mettra une bonne partie de la salle en larmes, y compris dans l'entourage proche de la chanteuse. Les tourments d'origine, ceux qui l'avaient poussée à l'écriture, sont apprivoisés. La voix, plus dense, plus basse, épouse parfaitement les mots, et l'on remarque à peine ce "tous les destins du hasard", nouveau-venu dans le refrain.


Vient ensuite un autre grand moment de la chanson-désarroi, qu'elle balança jadis sur quelques plateaux de télé et qui ce soir résonne
aussi plus sereine, comme digérée : Redoutable et ses merveilleux ponts au piano, le premier louchant vers le blues, le second, qui a ma préférence, proche des premières versions sur scène.
Un p'tit Bahia pour la route, sans excès de voix sur les "Caresse-moi", avec un couplet repris deux fois parce que la chanson est trop courte et que le théâtre tout entier a envie de chanter. Sur ma gauche, une voix féminine chante tous les aigus de la version originale, créant un bel effet de stéréo, duo inédit. Sa sœur lui dira plus tard l'avoir entendue chanter, de la scène...

Ces derniers temps, Véronique a plusieurs fois mentionné en interview qu'elle n'était là que pour donner. Pas des paroles en l'air. Elle dit aussi qu'elle va bien, qu'elle a mis du temps "à s'aimer un peu". On la croit et en plus, ça nous fait chaud au cœur.

*Rendons à César : la métaphore est de Yann M.

7 commentaires:

  1. Excellent Laurent,comme toujours,j'ai dévoré ton texte et les photos. Vivement le 14 mars plus au sud. Merci infiniment.

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  2. Laurent , mille mercis ... Quel bonheur de voir Véro à son "zénith", éclatante, rayonnante, heureuse de retrouver la scène et son public. Merci.... C superbe ,)

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  3. Merci Laurent, ton texte me fait revivre un peu ce beau moment dans l'attente de ceux à venir. Bravo à toi ! Aussi !

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  4. Magnifique, mon petit Laurent. J'ai hâte de l'entendre et de la voir le 28, à côté de toi, à L'Olympia. Mais vraiment !

    La métaphore * est de Yann Moix ? ;o)

    Bruno

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  5. What a show it must have been !!! Thanks Laurent for putting us "right there in the theatre " with this excellent article !
    Hugs...
    ...you know who

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  6. Magnifique, ça donne vraiment envie d'être à son concert. Pourvu qu'elle pense à Nice. Les quelques chansons citées me donnent sacrément envie. Merci Laurent.

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  7. Regret éternel de n'avoir pas assisté à ce concert.
    B.C.

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