• Véronique Sanson | 2011


Nevers
17 décembre 2011

Ne pas aller à la dernière ?... Never say Nevers...
Deux heures de train Corail et nous y voilà, dans la
nuit, le froid et la pluie...
Vive les tournées d'été !

La salle, Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre, est inclinée, avec de l'espace sur les côtés (où quelques-uns iront s'asseoir) et, chauffée par Mika alias Migou alias Michaël Hernandez (qui a eu droit à un rappel), prête pour une nouvelle (youpi) mais dernière (snif) fête à Véro –
du moins en ce qui concerne 2011.
Les premiers rangs se voient offrir des poignées de confettis. Des serpentins et des cœurs en papier vert circulent... Encore un (joli) coup des fidèles parmi les fidèles. D'ailleurs, on aperçoit l'une d'entre eux qui mime Véronique dansant sur Toutes les saisons pour indiquer sur quelle chanson il faudra les lancer...
La dernière de l'année, dans une "petite ville, pardon une énooooorme bourgade" (Véro dans le texte) comme Nevers n'a pas grand chose à voir avec un soir de captation dans une capitale, fût-elle belge : L'atmosphère ce soir est à la détente (mais pas au relâchement), aux blagounettes sur scène (mais pas au n'importe nawak). Véronique l'annonce d'emblée au micro : "Je voulais vous dire que ce soir c'est notre dernier concert de la saison, et qu'on est tous un petit peu tristes... mais... heureusement que vous êtes là finalement !".
Une grande partie du public semble découvrir le spectacle ce soir. La voix de Véronique est belle, malgré la fatigue d'une maladie de saison. Son énergie est au rendez-vous et certains morceaux se verront salués d'un véritable tonnerre d'applaudissements. L'enchaînement Drôle de vie / Si toutes les saisons n'aura jamais aussi bien fonctionné, rythmé par des applaudissements ininterrompus, et les quelques 40 ans qui séparent la création des deux titres voleront en éclat sous les jets de cotillons et serpentins.

Petit coup de folie après Vancouver pendant que défile sur l'écran fond de scène d'inhabituelles photos des techniciens : "Ceux qui veulent venir sur scène pour voir de ce côté-là, vous pouvez : il y a un un escalier, là !". Un volontaire, habitué du premier rang à chaque concert, ne se fait pas prier et grimpe les trois marches, bientôt suivi d'une vingtaine d'autres. Véronique improvise alors une hilarante présentation de trois ou quatre d'entre eux en leur attribuant des noms d'une loufoquerie toute sansonienne (Mlle Tapautour, Mr Georges Fourche), encourageant même le public
- un comble ! - à prendre des photos, avant de virer tous ces intrus sans ménagement d'un "Maintenant il faut que je vous présente mes musiciens et vous êtes devant !'". Ah ah ah !
Comme dans une pièce de théâtre dans laquelle elle serait la Reine des Marlous, elle présente alors – et pour la dernière fois de l'année – ses merveilleux compagnons ("Je pourrais le dire de tous... Je ne vais pas vous dire : attendez, ce sont des minables !"). Et Le one-woman-show continue : elle fait mine de se cacher dans un coin de la scène ("Vous me dites si vous me voyez toujours !"), François Constantin la prend sous son bras et file en direction des coulisses, elle chante (deux fois) ce petit bout de chanson de Michel Berger en changeant la dernière phrase, le chef Dominique Bertram ordonne à chacun de faire 25 pompes... On a beau avoir vu et revu ce moment du spectacle, on ne s'en lasse pas... La joie de Véronique y est celle des enfants, pas très éloignée de celle dont parlent les écrits sacrés : celle qui n'a pas de raison.
La surprise, pour Véronique comme pour nous tous (sauf peut-être pour mon voisin qui en avait rêvé et même soufflé l'idée via facebook à un des musiciens l'après-midi même), vient avec l'arrivée des musiciens et techniciens sur scène, autour du piano, pour un Bahia d'anthologie. Belle émotion et ambiance potache garantie lorsqu'ils joignent le geste à la parole sur les caresse-moi... Egalement, l'occasion de reconnaître la nouvelle intro dans certains refrains de la chanson.

Peu de monde en coulisses. Les musiciens partent de bonne heure et la scène se démonte bientôt sous nos yeux. La réalisatrice du futur dvd
fredonne Bahia dans les couloirs. Des techniciens viennent dire au revoir à Véronique dans sa loge et l'adorable vendeur de merchandising sera le dernier à en sortir, avec sous le bras la dédicace personnalisée d'une chanteuse pour laquelle il a adoré travailler.

Un souhait pour 2012, lancé à l'univers, aux anges et aux étoiles : qu'on offre à cette belle équipe d'autres scènes, d'autres théâtres, pour que le sourire de Véronique continue de rayonner...

Nevers, for ever, la vidéo, est ici.

• Véronique Sanson |2011

Bruxelles
9 décembre 2011

Au départ, Bruxelles n'était pas une date envisagée. Mais il est des arguments finalement persuasifs ("c'est la captation, ce n'est qu'à 1 h 20 de Paris"...). Et puis, c'est une veille de pleine lune – et même d'éclipse lunaire. Allez, en piste pour le Cirque Royal !

Bien sûr, il n'est pas question ici de tout raconter par le menu : après tout, il y a un enjeu commercial (qui explique l'absence de photos et de vidéos) et même si ce blog est relativement confidentiel, l'idée est simplement de donner l'envie de se procurer le dvd dès sa sortie !

Bruxelles donc, dans un froid glacial... Le Palais Royal, la rue Royale... et enfin le Cirque Royal !
La salle, qu'on découvre ce soir, est belle et raisonnablement pleine si l'on considère la rude et néanmoins amicale concurrence du concert annuel de l'association Make-A-Wish présenté par Maurane, à Forest National le même soir avec, entre autres, Christophe Willem, Bénabar, Christophe Maé et Catherine Lara... De toute façon, les gradins tout là-haut on été prévus pour un spectacle qui se déroulerait au centre, sur la piste, occupée ce soir par un parterre de sièges bien remplis...

Le noir se fait peu à peu. Curieusement, pas d'annonce du type "Ne filmez pas ce soir, on s'en charge". On est installé juste derrière Alain Lonchampt (avec vue sur les retours écran), perspective idéale pour avoir une vision plus globale que d'habitude de ce qui se passe sur scène – et s'extasier à nouveau sur les magnifiques tableaux qu'il a créés.

La captation, ça fait peur bien sûr, mais Véronique est - on le sait - un phénomène hors norme, et quel phénomène ! Pas une extra-terrestre, non, mais bien une "terrestre extra" – comme elle l'a dit elle-même sur scène, à Argenteuil. Le premier titre, Je me fous de tout, est un défi comme elle les aime. La voilà qui entre dans l'arène, d'un pas assuré, d'une voix forte. Après tout, elle ne voit pas les quatre caméras (de l'avantage d'être myope…). On la sent pourtant subtilement consciente de ces regards numériques posés sur elle ; certes, elle ne jouera pas différemment, mais fera tout pour les rendre témoins de ce contact précieux qu'elle ne peut nouer qu'avec une énergie humaine. Ce soir, elle sera dans sa vérité, à l'aise comme dans son salon, mais avec une dimension supplémentaire, pas seulement due aux habits de lumière mais à ce charme qu'elle sait déployer l'air de rien, et qui justifie ce qu'elle qualifie elle-même de "prétention" (le fait de monter sur scène, de dire "venez me regarder"). On n'est jamais beau ou belle par hasard, mais bien pour quelqu'un.
Et ce soir, les regards sont nombreux, aimantés. Ceux de petits voyageurs, que l'amour lui a envoyés. Serrés contre la scène,
bras tendus, ils se réchauffent à la chaleur de son sourire...

Le concert se déroulera magnifiquement : son impeccable (ah, la magie de ces vieux théâtres ronds !), public très réceptif ("Sont drôles ces Belges, qui crient Véronique, Véronique !", me lance ma voisine de derrière - ils se mettront à "Véro, Véro !" plus tard) et puis et surtout la chanteuse elle-même, entourée d'un groupe idéal à son bonheur d'être là (encore réhaussé ce soir par la présence de Jean-Jacques Evrard au violon, et Lionel Suarez au bandonéon). Bien sûr, on pourrait dire que la présentation des musiciens fut un peu longue, mais on ne la voit pas pour la première fois, et puis Véronique les a un peu présentés comme si c'était la dernière, en voulant vraiment leur rendre hommage, et d'ailleurs, faisant une digression sur l'album de Loïc Pontieux, elle a même lancé "Vous couperez au montage" !

En quelques mots, hauts faits et petits détails d'un soir :
La note d'intro de Je me suis tellement manquée doublée, suivie d'un silence égal au temps que prend le piano pour résonner, bel effet L'intro de Si toutes les saisons doublée également, installant plus confortablement la chanson, démarrée comme d'habitude sur les chapeaux de roue, sans attendre de ramasser les lauriers de Drôle de vie Doublé également ce soir le pont musical à l'intérieur de ce titre, ce qui permet aux cuivres et à Véronique de se promener tranquillement autour du piano Eclat de rire sur Rien que de l'eau : Véro fait le tour de la batterie pour aller retirer le bonnet de Loïc pendant qu'il joue. Elle a toujours dit qu'elle le préférait sans ! La chanteuse profitant de la salle éclairée pour pointer la caméra girafe, prête à filmer ceux qui ne chanteraient pas ! Ses deux poings qui entrent en collision avec le piano à la fin de Vancouver Vancouver ? "Elle est en si mineur, au début. Après, it's up to you" Son impeccable brushing de retour des coulisses, balayé d'une main pour remonter ses cheveux et les planquer sous le chapeau du soir, qu'elle essaye sous nos yeux en cabotinant pour de faux Eric Vernazobres, tel un grand reporter sur le terrain, se faufilant dans la salle pour prendre ses photos Véronique qui ne veut pas "partir comme ça" et se lance dans une version totalement improvisée et a capella de Goodnight Sweetheart, assurant elle-même les basses : un régal Le mystère du premier rappel très long (le temps de fumer au moins 3 cigarettes ?) et qu'elle dissipe en expliquant qu'elle ne trouvait plus son micro ! Cette façon qu'elle a parfois de tressauter sur son siège, parce que ça ne va pas assez vite, parce que ça manque de mouvement Et puis, ces belles images qu'on emporte avec soi : Véronique saluant debout, attrapée de toute part, cueillant les mains tendues des premiers rangs... Au final, l'impression d'avoir assisté à l'écriture d'une très grande page de l'histoire du rock.

En coulisses, on croise d'abord Gilbert Coullier, qui arbore un large sourire. Du côté des loges, il y a de l'animation : ça chante et ça danse sous l'œil des caméras et des appareils photo. De quoi alimenter le dvd, côté bonus...

• Kate Bush | 2011

Kate Bush
50 Words for Snow


Parenthèse anglaise dans ces chroniques des concerts de Véronique, avec le nouveau Kate Bush, 50 Words For Snow.
Kate Bush est cette artiste singulière qui depuis plus de 30 ans avance à son rythme, sans contraintes, et semble prendre un malin plaisir ces dernières années à semer en route ceux qui auraient envie d'un nouveau Running up that hill ou d'un autre Babooshka, gommant si consciencieusement son image de princesse pop anglaise qu'on ne peut maintenant plus décemment l'y associer... Comme s'il lui fallait se démarquer des "héritières" (Tori Amos, Emilie Simon...), échapper à toute comparaison avec leurs productions en allant toujours plus loin, et surtout dans une autre direction.
On se souvient bien sûr l'avoir vue sur scène, lors de son unique tournée, en mars 1979
, au Théâtre des Champs-Elysées, mais c'est comme dans une autre vie...

50 Words For Snow a été écrit et enregistré rapidement – surtout si l'on considère les habitudes de la dame –, après la sortie discutable d'un autre cd, Director's cut (avril de cette année) dans lequel elle retravaillait des titres de deux de ses albums, Sensual World (1989) et The Red Shoes (1993), sur lequel figurait l'incomparable Moments of pleasure.
Intros démultipliées, piano omniprésent, nocturne... ce n'est pas un album facile d'accès. Il lui faut du temps, de l'espace, pour être apprivoisé, devenir familier. La première semaine, on renoue avec le délicieux plaisir de ces moments où l'on ne connaît pas encore bien un disque, où l'on commence à fredonner un titre pour s'apercevoir qu'on est arrivé dans un autre... Sauf que cette fois-ci, le jeu risque de durer un certain temps : subtiles et dépouillées, ce sont ici des mélodies comme inachevées, avec très peu d'arrangements. Des chansons lentes qui déambulent, prennent leur temps, longs couloirs qui conduisent vers un soudain éclat de voix ou une rare harmonie que la mélodie semble avoir cherchés en explorant toutes les ressources à sa disposition... On a parfois l'impression qu'elle chante et joue avec une mélodie en tête plus développée que celle qu'elle interprète, et dont elle a préféré laisser la colonne vertébrale. L'écoute sera attentive, avec l'envie de suivre l'artiste dans la forêt dense de son inspiration et peut-être même de poursuivre son travail de création. Après tout, on achète un disque autant pour le plaisir de l'écouter que celui de le chanter à notre tour... Et c'est un peu comme si elle avait délivré une matière brute, avec laquelle on pourrait jouer – en toute humilité.
L'album est à savourer au calme, il recentre. Si on l'écoute dehors, en marchant, on se retrouvera vite comme en apesanteur au milieu de nos contemporains. Et d'accord avec Kate Bush : "The world is so loud"...
Aucun des titres qui composent l'album ne fait moins de 7 minutes et Misty (extrait vidéo ici), chef-d'œuvre absolu, culmine à près de 14 minutes.

L'album s'ouvre avec la voix de son fils, 13 ans (lead vocal : Albert McIntosh). Et on imagine sa mère le coachant, lui demandant de bien détacher chaque syllabe. Le résultat est impressionnant ; l'adulte qu'il deviendra aura un souvenir magnifique de sa voix d'enfant. Et lorsque sa voix à elle arrive pour les deux phrases du refrain, on réalise seulement qu'on est maintenant en présence du rare duo d'une mère avec son fils.
La chanson qui donne son titre à l'album est l'énumération de 50 mots en rapports avec la neige, parmi lesquels les notables "creaky-creaky" et "sorbetdeluge" (en un mot), doctement récités par Stephen Fry. Kate Bush les compte d'une voix sensuelle et encourage son champion "Come on man, you've got 44 to go" ! Ce qui nous donne l'occasion de ré-entendre sa voix finir les o en ooooo, comme du temps où ses chansons débordaient de chœurs...
Le duo avec Elton John ? Rien de bien commercial dans cette entreprise, pourraient se lamenter les radios que l'affiche aurait alléché : Kate Bush embarque la star dans l'histoire d'un homme et d'une femme qui se croisent dans chacune de leurs incarnations, qui s'aiment depuis toujours... Particularité : chaque phrase a un nombre de pieds plus important que ne le voudrait la mélodie et pourtant, ça passe bien. Et la voix d'Elton, profonde, plausible, s'épanouit dans une superbe note finale, "Not again". 50 Words For Snow, album aussi ambitieux que l'était The Ninth Wave auquel on pense parfois, tient tout au long de ses 7 titres son climat d'intimité, de grande sensibilité. Didier Varrod ne s'y est d'ailleurs pas trompé l'autre matin dans sa chronique sur France Inter (à réécouter ici).

• Véronique Sanson | 2011

Argenteuil
15 novembre 2011

Après Le Touquet et son Palais des Congrès (sorte de grand hangar peint en blanc, avec rangées de chaises austères, sono bas de gamme et les plus petites loges du monde - mais un public en or !), voici Argenteuil et son drôle d'accueil : ici, le public n'attend pas dans le hall (à moins de pouvoir fournir une carte d'invalidité), il attend dehors, dans le froid, jusqu'au moment de l'ouverture des portes de la salle !
A l'intérieur, grand avantage, de la place entre la scène et les premiers rangs, ce qui évitera bien des "Assis !" lorsque les uns répondront à l'appel de Véronique tandis que les autres resteront sur leur siège. "Véro !" (clap-clap-clap), "Véro !" (clap-clap-clap) : une chauffeuse de salle, auto-propulsée devant la scène, sortie on ne sait d'où, s'époumone avec plus au moins de succès...

Le fond de scène rouge, les projecteurs jaunes, les musiciens en ombres chinoises et la fameuse intro de Je me fous de tout.

Confirmation de la tenue de scène encore ce soir : adieu la veste et les boucles d'oreille des premiers concerts, bienvenue au gilet et au pantalon de cuir, "Cap au sud" : Véronique est là – et même bien là !
Soyons francs, on arrive maintenant à un point où ce show doit être filmé ! Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voir débarquer le gros camion rouge dans leur ville, pour ceux qui veulent revivre tranquillement chez eux ces moments vraiment magiques et aussi bien sûr parce que les dernières dates de l'année approchent...
Et puis, tout est maintenant parfaitement rôdé, et même si rien n'a jamais été scénarisé, le déroulement du concert fourmille des petites trouvailles ajoutées au fur et à mesure : des joyeux duettistes sur le côté, en parodie déjantée de Saturday Night Fever, à l'arrivée des cuivres sur Toutes les saisons ; de la présentation des musiciens (François Constantin qui soulève Véro, Dominique Bertram "ô notre chef", le couplet de Pour me comprendre pour Loïc Pontieux - ce soir remplacé par Thierry Chauvet) au sketch de fin de Bernard's song ; de la nouvelle intro de Bahia aux portables et appareils photos qui s'invitent sur scène – ce soir, c'est François Constantin qui filme les copains pendant la présentation des musiciens, avant de filer son appareil à l'un d'entre eux quand viendra son tour.
Pour autant,
ici, nulle routine, plutôt l'envie d'ajouter chaque soir un petit quelque chose qui, s'il fonctionne, sera repris la prochaine fois et surtout et toujours, cette joyeuse liberté qui fait qu'ils ne pourront jamais donner deux fois le même concert !


Ce soir, de toute façon, il y a du chamboulement dans l'air puisque Véronique annonce "un bon plan", "quelqu'un qui était de passage en ville"... Et voilà le fiston, Mr Christopher Stills, guest star d'un soir, qui débarque l'air de rien et vous scotche instantanément avec sa voix qui se balade dans les graves, dans les aigus, et son jeu de guitare qui vous incite à vérifier le nombre de ses doigts – le tout avec tellement de décontraction...
Il fallait s'y attendre, c'est l'ovation. Et le deuxième titre, non répété, sera Say my last goodbye... au piano et seul – il ne chante pas dans la même tonalité que Véronique. Un régal !


Retour de Véronique et des siens, pour un concert tout en nuances et en force. Avec une chanteuse au top de sa voix, de sa forme, de son bonheur d'être là. A l'exception peut-être de Juste pour toi dans lequel elle semble revivre chaque mot, chaque scène qui ont entraîné sa composition : on la voit baisser la tête, puis la relever brusquement à se l'arracher pour jeter ses "entre toi, entre moi" à la face de celui qu'elle visualise et qui semble les mériter. Les applaudissements, comme cela a toujours été le cas, la ramèneront parmi nous. L'occasion de prendre conscience qu'elle s'absente de moins en moins sur scène, qu'elle doit y être bien finalement... pendant ces moments où les secondes tournent à l'endroit et où le ciel lui répond...
En tous les cas, s'il y avait des acheteurs de spectacles ce soir dans la salle, ils doivent à l'heure qu'il est, préparer leur carnet de commande et aider à allonger le calendrier de la tournée ! Quel show !
Visiteur et voyageur arrive bien vite avec ces petits mots énigmatiques en guise d'introduction : "Cette chanson est d'une actualité brûlante et pourtant je pourrai la chanter encore dans 25 ou 30 ans". Véronique, comme toujours, prend le temps d'aller chercher les mots qui vont traduire sa pensée au plus près, ceux qui vont faire mouche. Elle connaît parfaitement le pouvoir des mots. Sur scène et dans la vie. C'est aussi un clown : elle pourrait un jour envisager de faire un one-woman-show rien qu'avec ce dialogue qu'elle aime improviser avec le public. Ou bien enfin inspirer un metteur en scène pour un grand rôle à l'écran ?
Toujours pas de Redoutable... Saura-t-on la convaincre de l'ajouter le soir de la captation ?


Il y a du (beau) monde backstage ce soir, et sa loge fascinera par son étonnante promiscuité. : il y a là, dans une pièce d'environ 20 m2, outre Christian bien entendu, pas moins de trois des hommes de sa vie. L'un qu'on est personnellement ravi de revoir après bientôt 30 ans, qui voit le spectacle de cette tournée pour la première fois et ne cache pas son enthousiasme. Un autre, qui fut un temps son mari même si elle n'a pas voulu porter son nom (elle restera toujours Sanson). Un autre enfin, qui tourne pour le cinéma et la télé, et partira de bonne heure. Si l'on y ajoute l'évocation par Titou de son père au cours d'une conversation, et la présence de la sœur du premier grand amour de Véronique, la pièce prend des allures de drôle de vie... Et ce n'est que plus tard, en y songeant, qu'on rendra grâce au pouvoir du temps qui aura bientôt raison de nous – sans doute – mais qui fait parfois si bien son office, lissant les contours, arrondissant ce qui pouvait blesser et ainsi permettre de joyeuses cohabitations.
Véronique n'est pas fatiguée. Souriante, très belle, elle parle avec les uns, avec les autres. On lui montre un texto venu du parking qui annonce pour bientôt la perte d'un doigt pour cause de grand froid. Elle sourit, promet de sortir rapidement. Puis elle ajuste l'étoile rouge qui ferme son poncho noir, explique qu'il ne lui en reste qu'une, pin's vintage qu'elle a elle-même peint avec du vernis à ongles.
Il est grand temps de s'éclipser. Le départ pour Roubaix
demain se fera de bonne heure...

• Véronique Sanson | 2011

Évry
18 octobre 2011

Chic, un nouvel épisode de la tournée pas loin de Paris !
Un mardi soir, sorties de bureaux, le périph' bloqué... Une arrivée juste à temps, sur l'intro de Je me fous de tout.
Évry sous la pluie, dehors.
Évry si chaleureux, dedans.

D'emblée, d'un regard circulaire, un immense sentiment de liberté. Le service d'ordre est plutôt cool ici : on se déplace, on filme, on prend des photos comme on veut. Le public, pas muselé, est bien vivant ; il bouge, chante, enchante Véronique qui le félicitera plusieurs fois et mettra ses lunettes, demandant d'un geste à éclairer la salle, pour découvrir ces sourires d'amour qu'elle devine qu'on lui envoie.
Envie de se lever, d'aller rejoindre les fidèles autour d'elle, comme en 1978 ou en 81. De répondre à son appel. On est en quelle année au fait ?! Et pourquoi résister ? Même cette femme brune au 5e rang applaudit en rythme, debout, alors qu'elle a été élevée avec la blonde chanteuse qui est sur scène...



Pourquoi vient-on la voir encore et encore ? encore et toujours ? Sans aucun doute pour qu'elle souffle un peu de rock'n'roll dans nos vies un peu trop bien rangées. Mais aussi pour sourire dans l'ombre, en la regardant sourire en pleine lumière. Pour s'apercevoir que notre tête penche lentement de côté quand elle nous émeut. Parce qu'elle nous représente, parce qu'elle nous venge. Parce que son extraordinaire générosité fédératrice nous libère de nos tracas du jour. Un regard, un sourire, et nous voilà attachés à elle à tout jamais.
C'est confortable les gens qui ne trichent pas, ni sur scène, ni dans la vie. On est peut-être déstabilisé au début - pour notre bien - mais peu à peu, on se sent libéré
de ce qui nous encombre encore dans notre relation à l'autre.



Avec Véronique, chaque concert a toujours été, est et sera toujours unique. Pour la simple raison qu'elle vit dans le présent. Uniquement dans le présent. Un concert est-il meilleur que tel autre ? Ou moins bien ? Qu'importe... Comparer n'est jamais une bonne idée.
Ce soir, il y a les nuances des derniers mots de chansons, modulés sans excès, dans le souffle. Il y a la voix claire qui ne fait pas de détour par la gorge pour se faire entendre. Des versions live qui enterrent les versions studio (Juste pour toi, Qu'on me pardonne).
Il y a les regards, il y a les sourires.
Il y a la malice, l'envie de rigoler.
La scène est large et elle y cavale d'un bout à l'autre
(sans talons, c'est plus facile), sans s'attarder lorsqu'elle approche d'un objectif, toujours à la recherche d'un sourire vrai, d'une énergie de bonne qualité à échanger avec la sienne.

Et il y toujours ce son,
ce bon gros son qui tourne bien, assise confortable pour sa voix. Il y a aussi les petites trouvailles supplémentaires des uns et des autres pour aller jusqu'au cd live idéal, qui donnera – c'est fatal – un bon coup de vieux à ses prédécesseurs.
Il y a cette nouvelle intro de Bahia, la fin de Sans regrets que je commence vraiment à bien apprécier et puis, ce soir, une petite "plantitude" inédite sur Amoureuse, histoire de prouver qu'un concert idéal est un concert vivant, pas un concert parfait. Et qu'il n'y a pas qu'au théâtre qu'on voit des fous rires difficiles à réprimer sur une scène.

Le temps passe très vite à Évry. Au point qu'on se demande si certains titres n'ont pas été retirés...

Plus tard, Véro sort de sa loge hilare dans les bras de Vio, telle la jeune mariée portée par son époux. "Elle n'osait pas venir, elle est un peu timide", rigole la grande sœur. Elle tend autour d'elle le magnifique bouquet de lys blancs que lui a donné "une si adorable petite fille", veut faire partager son odeur subtile. Elle évoque encore ce micro dans la salle qui lui arrive droit dans les oreillettes ! On lui parle de sa voix claire, de son allure, en ajoutant qu'on s'est vraiment demandé en quelle année on était.
– Oh dis-le moi encore une fois... !
Évry(body) loves Véro, la vidéo, c'est ici.

• Véronique Sanson | 2011


Olympia, Paris

du 28 février au 4 mars 2011

S'il est une réalité pour chacun d'entre nous, la sienne est de monter sur scène. De chanter sa vie, pleurer ses peines, partager ses doutes, réveiller d'anciens tourments, rouvrir d'anciennes plaies, les refaire saigner un peu, vérifier si la douleur est toujours vive ou bien si ses mots collent maintenant à un autre tourment, plus actuel. Confronter le passé avec le présent sous nos yeux, le temps d'une chanson. Son interprétation dépendra de ce kaléidoscope d'émotions, au souffle près.
Certains soirs, une phrase ne sort plus de sa gorge, qui trouve encore un peu trop d'écho dans les pensées qui traversent son esprit. D'autres soirs, le tourment est balayé et la phrase sortira presque dans un sourire...

Louis Jouvet a dit que le théâtre était le seul art pratiqué à heure fixe. Pour la scène, et pour Véronique en particulier, c'est ce qui rendra toujours chaque soir différent du précédent.

Un concert, c'est une alchimie. Entre Véro et Véronique Sanson tout d'abord – même si elle n'a pas pris de pseudonyme, ces deux-là ne font pas toujours qu'une. Entre la salle et la scène, ensuite.

Le public est un savant pêle-mêle, un grand écart qui va des gens qui ont vu de la lumière et sont entrés à ceux qui ont rêvé devant leur billet depuis qu'ils l'ont acheté.
Certains la suivent depuis des lunes, d'autres la découvrent tout juste. Certains acceptent le passage du temps, d'autres le regrettent. Certains jouent le jeu, d'autres voudraient en fixer les règles. Aux derniers, elle dit "J'ai de la peine de vous voir / Avoir de la peine pour moi aussi".



Si la jauge indique une petite baisse, si la flamme vacille d'un côté de la scène ou de l'autre, l'équilibre se refait naturellement : soit elle va puiser au plus profond de sa réserve d'énergie, va chercher la salle, sort ses sourires-killer, interpelle ("Vous êtes bizarres ce soir") ; soit, à l'inverse, la salle entière, touchée par sa fragilité, crie son nom, veut la réchauffer, la rassurer. Tout le monde a bien compris la nature de son carburant : les sourires, les gens qui bougent, les vibrations qui parviennent jusqu'à son cerveau.

Aimer quelqu'un ou quelque chose, c'est en sentir en soi l'écho, le reconnaître, et même si notre relation au spectacle vivant a changé, tout n'est pas cassé, tout n'est pas mort.

Jadis, il y a bien longtemps, un artiste se produisait des semaines d'affilée dans la même salle. C'était le temps où les distractions n'étaient pas si nombreuses et surtout pas si individualisées. Le temps d'avant les soirées passées à répondre à ses mails en retard, à partir à la recherche de vidéos, de contacts, de photos... Notre rapport à la musique aussi a changé. On l'écoute plus distraitement, un peu partout, et pas forcément dans des conditions sonores optimales. Mais c'est une autre histoire...




D'une semaine d'Olympia, remonte en vrac un bouquet d'images son sonore et américain "B. de B." lancé depuis la scène lorsqu'elle a aperçu Bernard de Bosson dansant debout devant son siège son "Je vais mourir un peu... et je reviens !", lancé le dernier soir avant les derniers rappels Tous les titres de Christopher et en particulier son sublime Don't be afraid le "yeahhh" sonore de sa mère, à gauche de la scène, le dernier soir quand il a annoncé Bethleem Bruno, voisin du premier soir, évoquant un mélange de Piaf et de The Rose pour résumer la soirée la surprise et le sourire d'enfant de Mehdi ouvrant les cadeaux de la chanteuse le soir de son anniversaire l'étincelant sourire de Véronique posant inlassablement avec chacun des invités backstage, écoutant leurs compliments, regardant chacun droit dans les yeux la mère et le fils échangeant leur Borsalino sur scène pendant Bernard's song jeudi soir François Bernheim criant "Bravo Titou" à la fin de son set Didier Varrod bluffé, avouant : "Après Omar m'a tuer, c'est Véro m'a tuer" ! le groove entêtant des refrains d'Annecy qu'on rapporte jusque chez soi et beaucoup d'autres encore...

• Véronique Sanson | 2011

Théâtre de Longjumeau
29 janvier 2011

Aller la voir sur scène, encore et toujours. Parce que c'est elle. Parce que les amours d'adolescence durent toujours, que le temps n'est pas si assassin que ça. Parce qu'elle est toujours là – mais jamais où on l'attend. Une sirène qui ne nagerait pas en eaux tièdes, à l'appel irrésistible.
Le procédé reste immuable : on va vers elle et elle vous donne quelque chose. Joie d'offrir et plaisir de recevoir ! La qualité de l'échange dépend de votre réceptivité. La sienne est à l'image de sa générosité, totale.


Longjumeau, donc, première date d'une nouvelle tournée. Le champion part avec un handicap* mais le pronostic est bon : elle contre tous, elle à l'arrivée, elle sur le podium. La force est avec elle. Et les étoiles, et les anges et les fées.
Un théâtre, bien en vue sur une avenue tranquille. Le hall est plein. Entre une jolie femme qui disparaît bientôt derrière le stand des produits dérivés, le temps de troquer son top Paul Smith contre le tee-shirt officiel qu'elle vient d'acheter, siglé des 3 lunes et du mot Sanson. Ça tombe bien, c'est aussi son nom... Et le tee-shirt lui va magnifiquement.

La salle vibre. L'impatience, et le trac – qui existe aussi de ce côté-ci de la scène. "Véro", trois applaus, "Véro", trois applaus...
Un riff de guitare, bigrement efficace, et qui finira bien par être aussi fameux que celui d'On m'attend là-bas. On en rêvait, ils l'ont fait : la scène permet de remettre les pendules à l'heure puisque s'annonce ce qui aurait dû être – à mon sens – le premier single extrait de Plusieurs lunes, hymne décontracté mais lucide : Je me fous de tout.
Sous la lumière, la tornade blonde, bien campée sur ses jambes moulées de cuir noir, veste à paillette sur tee-shirt noir. On se pince. On est en quelle année déjà ? Véronique remonte le temps, échappe à la logique, a dû ressentir la pluie d'une autre planète...

Concession à l'air du temps, à l'image-reine, un fond de scène tout en animation. Bien sûr, on n'avait nul besoin de voir "les nuages rouges quand l'aube se lève", mais ils s'envolent si joliment derrière un arbre sans feuilles sur une colline hivernale... Plus tard, l'écran crachera des flammes, nous emmènera dans l'espace, fera danser des lunes et pleuvoir des roses. Les tableaux sont très réussis. Véronique soulignera tout de même qu'il lui faut s'habituer au défilement rapide de ces images lorsqu'elle se retourne brusquement vers ses musiciens : les animations ont été conçues pour être vues à une certaine distance...


Alternance de titres du crû 2010 avec ceux des années 70, 80 et 90. On a tous plusieurs vies en une. En paix avec ses contradictions, mais pas rangée des voitures pour autant, Véronique semble être arrivée à une période de synthèse. Elle affiche aujourd'hui ce que beaucoup recherchent : une certaine cohérence. Tendre un moment, puis, comme s'il lui fallait prouver qu'elle est bien vivante sous nos yeux, elle s'élance à l'autre bout de la scène, cherche du regard quelqu'un à qui transmettre son bonheur d'être là, cette étincelle qui reçue par l'autre, fera naître sur son visage le plus éclatant des sourires, donnera encore plus d'assurance à sa voix. Tendre et toujours violente. Ça s'appelle le partage, le don de soi. "Pour qui le feu que j'ai dans le corps". En quelques titres, elle a déjà fait oublier ces télés où il lui manque un public à qui s'adresser.



Les cuivres sont là et on réalise combien ils nous avaient manqué. Leur joyeuse arrivée sur Drôle de vie, leur ponctuation ici ou là et surtout l'irremplaçable chaleur donnée aux titres comme Rien que de l'eau ou Bernard's song.

On découvre aussi les gestes qui accompagnent ses mots, sa main qui louvoie sur "Une manière habile d'éviter les garçons" dans cette chanson qu'elle annonce "chanter sur scène pour la première fois". Sur Amoureuse, une variante assez rare : "Quand je sens qu'il entre dans ma vie"... Et un petit "Merci Vio !", glissé après Qu'on me pardonne.
La tracklist fut sans doute une des plus difficile à échafauder entre la volonté d'incorporer Plusieurs lunes tout en sauvant les golds (hormis Ma révérence, "v'lan, aux oubliettes" pour la première fois cette année) sans oublier quelques raretés repêchées, Le temps est assassin (magnifique version piano, claviers et Basilou pour le solo de guitare) ou Radio vipère (sans doute plus choisie pour ses textes que son intérêt mélodique). Seul petit bémol (pour moi) : cette façon de finir Sans regret en répétant le titre ad lib.


Deux titres en rappel et puis s'en vont. Cette fois, elle revient seule.
Quelqu'un crie "Bahia !".

– "Pas tout de suite. Avant, il faut que je vous affronte avec celle qui vient. Ce sera sans filet." Ne jamais aller vers la facilité. La scène comme un ring. J'aime bien cette idée de défi qu'elle se donne.
Et voilà que surgit du fond de sa mémoire une chanson oubliée qui mettra une bonne partie de la salle en larmes, y compris dans l'entourage proche de la chanteuse. Les tourments d'origine, ceux qui l'avaient poussée à l'écriture, sont apprivoisés. La voix, plus dense, plus basse, épouse parfaitement les mots, et l'on remarque à peine ce "tous les destins du hasard", nouveau-venu dans le refrain.


Vient ensuite un autre grand moment de la chanson-désarroi, qu'elle balança jadis sur quelques plateaux de télé et qui ce soir résonne
aussi plus sereine, comme digérée : Redoutable et ses merveilleux ponts au piano, le premier louchant vers le blues, le second, qui a ma préférence, proche des premières versions sur scène.
Un p'tit Bahia pour la route, sans excès de voix sur les "Caresse-moi", avec un couplet repris deux fois parce que la chanson est trop courte et que le théâtre tout entier a envie de chanter. Sur ma gauche, une voix féminine chante tous les aigus de la version originale, créant un bel effet de stéréo, duo inédit. Sa sœur lui dira plus tard l'avoir entendue chanter, de la scène...

Ces derniers temps, Véronique a plusieurs fois mentionné en interview qu'elle n'était là que pour donner. Pas des paroles en l'air. Elle dit aussi qu'elle va bien, qu'elle a mis du temps "à s'aimer un peu". On la croit et en plus, ça nous fait chaud au cœur.

*Rendons à César : la métaphore est de Yann M.