• Jeanne Cherhal / Véronique Sanson | 2015



Festival de Poupet
 
17 juillet 2015
 
De Véronique au Festival de Poupet 2015, on gardera au cœur le souvenir d’un concert absolument énOOOrme. Encore un de ceux qu’il aurait définitivement fallu capter. Pourtant, l’accueil sur le site avait laissé un drôle de sentiment, finalement vite dissipé.
Au guichet des invitations, pas de liste des invités de la blonde “Queen of rythm and blues”, seulement celle des invités de Jeanne Cherhal (uniquement des prénoms). On nous regarde avec une certaine suspicion. Un bon moment d’attente plus tard, la dite liste enfin arrivée, c’est la fouille à l’entrée. On n’a pas pensé à mettre son appareil photo dans sa poche comme les copains, il est immédiatement repéré dans le sac et doit être déposé, faute de pouvoir accéder au site. “Et comment faites-vous pour les téléphones que les gens vont utiliser pour photographier et filmer ?” “Ce n’est pas la même qualité”. Autant dire qu’on regrette vivement le bel accueil des Nuits de Fourvière…
Assis sur le gazon synthétique à deux pas des enceintes (plus d’autres places de libre), quelqu’un nous prévient : “Il va falloir vous lever”. Et donc tenter d’apprécier les jolis textes ciselés de Jeanne Cherhal (qui entre en scène, costume blanc immaculé, sourire grenat) debout sur un terrain légèrement en pente dans des conditions dignes d’un élevage en batterie… On y parvient malgré tout lorsque, sur l'instant fragile de la magnifique fin instrumentale de Noxolo, un jeune homme aux allures de garçon boucher (et je n’ai rien contre les garçons bouchers) décide de déranger bruyamment tout le monde pour redessiner l’issue de secours. Il récidivera un peu plus tard. Tant pis pour le joli moment, on l’appréciera un autre jour. Fera-t-il la même chose pendant Vole, vole, vole ? “Non, c’est pas nous on obéit aux ordres / Non, c’est pas nous on obéit aux normes...”

Le spectacle de Jeanne est à peu près le même que celui de Fourvière deux semaines auparavant (cette fois-ci, l’orchestre cordes/cuivres est nantais). Elle annonce au micro que c’est le dernier de sa tournée. Drôle, inventive, carrément craquante, elle met tout le monde dans sa poche, tutoyant immédiatement la salle (“je t’aime, Poupet !”). Elle aura droit à un titre supplémentaire par rapport à Lyon, Femme debout – choix judicieux quand on pense à celle qui va lui succéder sur scène…
Pendant l'entracte, c’est décidé : quitte à rester debout, autant se rapprocher, être sur du plat et éviter les mises aux normes en matière d’issues de secours forcément répétées (les festivaliers descendant des gradins s’installant là où ils trouvent de la place). En jouant des coudes, on parvient à l'équivalent du 5ème rang. Pas été debout et aussi près de la scène depuis ouhhhh… pas mal d’années ! 
Juste devant, un grand type carré, manifestement venu pour faire plaisir à sa copine – à qui il proposera régulièrement pendant le concert de faire des photos avec son portable à elle puisqu’il est mieux placé. Ou comment distraire les gens autour de soi au cas où ils auraient envie de se perdre dans les textes de Véronique… 

© Christian Meilhan

À gauche comme à droite sont postés des cameramen pour des images qui seront diffusées en direct sur les écrans de chaque côté de la scène et dont on se demande où elles iront ensuite… Espoir d’une mise en ligne un jour sur YouTube ?

© Christian Meilhan

"Véro ! Véro !”. Les festivaliers sont très très très chauds, déjà debout (voir plus haut). Il ne va pas falloir aller les chercher, ils sont déjà là ! C’est bien simple, l’entrée a capella devant une forêt de bras tendus est pratiquement couverte par les applaudissements : on n’est pas à l’Olympia un soir de première ici !
L’alchimie est parfaite, clé du mystère de son énergie. Portée par des cris et des bravos qui montent jusqu’à son cœur, Véronique arbore un sourire sans limite,
se donne sans compter. Le show se déroule comme une promenade de santé. On note la disparition d’Un peu plus de noir et, parce qu’on est très près – le regard n’embrassant qu’une partie de la scène –, on reste scotché par sa performance, sa voix, assurée, en confiance, plus forte qu’aux Francos.
Le spectacle n’est pas seulement sous les projecteurs : on note sur le côté droit de la scène le sourire tranquille de Gilbert Coullier et, à gauche, ce sont François et Florent qui reproduisent à l’unisson les chorés de Guillaume et Mehdi, tandis que juste en face, dos à Véronique, un technicien chante lui aussi, devant un micro fermé (sur Bahia, par exemple).

© Christian Meilhan

Quelle merveille encore ce soir que ce Monsieur Dupont et ces projecteurs qui pivotent en synchrone parfaite avec les cuivres ! Sur Drôle de vie, c’est toujours la grande récré (comme si la chanson avait “absorbé” Si toutes les saisons de la tournée précédente) et Véronique joue de son micro comme d’une flûte à bec (instantané qui n’échappera pas à l’œil de Christian). Pour le premier rappel, elle revient avec un brushing magnifique, le sourire redessiné au rouge à lèvres. Bouddha est bien envoyé, On m’attend là-bas impressionnant. Avis strictement perso : je ne suis pas fan du moment où Mehdi lance “Mesdames et messieurs, Véronique Sanssssoooooon” lorsqu’elle quitte la scène sur Paranoïa

Elle revient vite – après s’être débarrassée du “petit scorpion” indûment logé dans sa botte – pour les trois derniers titres, une surprise pour une bonne partie du public si l’on en croit les cris qui s’élèvent aux mythiques premières notes d’Amoureuse. Sur le titre suivant, la foule ne sera qu’un océan de “ssss” (son final du mot “révérence”).

Ramené à la réalité, et après quelques échanges avec les sympathiques habitués des premiers rangs, on se décide à passer de l’autre côté du rêve. “Où se trouvent les coulisses s’il vous plait mademoiselle ?”. Retour immédiat de la suspicion : alors qu’on avait pris soin de coller un pass sur son tee-shirt et de se mettre le collier Coullier autour du cou, la jeune femme nous montre directement la sortie !   

En coulisses, au pied de l’escalier, on tombe sur Jeanne Cherhal, sur le départ, qui envoie un baiser de loin avant de venir le matérialiser d’un peu plus près. Chic !
Plus loin, toujours à ciel ouvert, ce sont les musiciens – dont Frédéric Gaillardet que l’on aimerait voir sur facebook pour pouvoir identifier son nom dans les photos de groupe. Il n’a pas l’air convaincu, mais va en parler à sa fille.


De sa jolie loge blanche, Véronique fait signe d’entrer. Elle est en train de signer un imposant livre d’or, le deuxième de la soirée, ajoutant la date du jour en haut de la dédicace de Jeanne (“C’est important de mettre les dates”). Quand il tombe de la table basse, on ne peut s’empêcher de penser à l’hilarant “sketch” sur Canal+ en 90 avec le livre rempli des petites fioles correspondant aux différentes odeurs qu'on peut trouver dans le vin. Kanou se souvient encore de son fou rire en régie.  
On remarque que Véronique a enfilé son gilet vert à l’envers, ce qui est une chouette idée à cause des jolies coutures apparentes – et puis les cigarettes ne risquent pas de s’envoler : les poches sont intérieures, du coup ! Reste le détail de l’étiquette sur le côté et c’est à un ex-restaurateur parisien aux yeux bleus que revient l’honneur de couper la chose… 
On se dirige tranquillement vers la sortie. Toute l’équipe du festival attend le long du chemin vers la porte, prête à applaudir les sortants. Après les musiciens et les techniciens, Véronique subit à son tour une longue ovation. Garée juste devant la porte en bois, une voiture l’attend. Un sourire à l’entour et elle s’y engouffre. 
La nuit vendéenne est constellée d’étoiles. L’une d’elle brille encore dans tous les esprits. On a cependant besoin d’un peu de lumière (merci Florence) pour retrouver le champ dans lequel notre voiture est pratiquement la seule à attendre encore ses occupants. 
Prochains shows en octobre !  

© Frédéric Flaire

Un internaute a posté un CR et des photos de ce concert ici 
et le Festival de Poupet a également mis en ligne une série de photo

• Jeanne Cherhal / Véronique Sanson | 2015

Les Nuits de Fourvière 
4 juillet 2015

© Christian Meilhan
 
Il est 15 heures sur le site du parc archéologique de Fourvière. Quelques touristes errent dans le Grand Théâtre. L’air vibre d’une chaleur caniculaire. La pierre des gradins, deux fois millénaire, brûle sous les doigts. Aux pieds de la scène, ce ne sont pas de simples touristes qui se sont approchés aux premières notes d’Alia Soûza, mais des têtes déjà bien souvent croisées… C’est l’heure de la balance pour Véronique et ses musiciens, derrière une vaste tenture noire. Pas certain que ça empêche d’aucuns de photographier ou de filmer… En tous cas, le plus sûr moyen d’étouffer !
Un ventilateur tente d’ailleurs de maintenir la température de la console en-dessous des fatals 62°… En vain : elle rendra l’âme dans l’après-midi et devra être remplacée fissa avant les concerts.

Répétition de l’entrée en scène sur Vancouver, de Toi et moi, deux-trois choses à régler puis nous parviennent quelques notes de C’est long, c’est court… Un bonus ? “Non, je voulais voir si je la savais encore” avouera Véronique plus tard dans sa loge. 

L’organisation du lieu est vraiment bien faite. Après les balances de Jeanne Cherhal, on demande poliment à tout le monde d’évacuer le site, pour mieux revenir au moment propice. La file d’attente commence tout juste au dehors. D’un côté le public, debout, protégé du soleil par une toile banche, de l'autre les invités sur quelques chaises à l’ombre. Et à 18 h 30, tout le monde dedans ! On nous distribue les traditionnels coussins verts en plastique, qui se révèleront redoutablement dangereux à la fin du show… 

20 heures. Mine de rien, on est ravi de revoir Jeanne Cherhal sur scène, après cette Fête de la musique France Inter à l’Olympia l’année dernière (où elle avait déjà joué en compagnie d’un orchestre classique). Elle n’est ni une fille spirituelle de Véronique, ni une Sanson wannabe. Il n’y a pas plus de passage de relais que de compétition. Pas même une qui ouvre pour l’autre : ce sont bien deux concerts successifs. Mais les voir toutes les deux le même soir fait inévitablement ressortir leurs points communs sur scène : même envie de partager leur bonheur d’être là, même reconnaissance admirative envers leurs musiciens, même amour infini de la musique (et de l’instrument à touches blanches et noires en particulier), même audace dans la pitrerie aussiDeux belles musiciennes, deux petites filles dans des corps de femmes.

“Je suis comme une dingue !” annonce Jeanne Cherhal au micro, précisant qu’elle réalise un triple rêve : rejouer à “Fourfour” (comme elle dit), ouvrir pour sa chanteuse française préférée et être accompagnée d’un orchestre cordes/cuivres. Elle arrive pratiquement au terme de sa longue tournée avec l’album Histoire de J et, après avoir vu sa prestation et même si on sait que le marché du disque n'est plus tout à fait en fleurs, on ira lui dire qu’il serait un peu temps de songer à réaliser un DVD live ! 

Le mariage entre les cordes et les cuivres du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon avec ses excellents musiciens à elle fonctionne bien – même si ces derniers ont parfois le dessus d’après une spectatrice qui criera “C’est trop fort !” entre deux titres. Les arrangements sont tels (du niveau de ce qu’on a pu entendre chez Divine Comedy, par exemple) qu’on se surprendra à frissonner au moins à trois reprises – ce qu’on ne peut décemment pas attribuer au climat…  
Devant le public, Jeanne ose tout. Comme chanter debout face au public Cheval de feu et son texte si évocateur qu’on peut voir défiler de drôles d’images dans les yeux des dames du public, ou bien faire un “cardio” (c’est elle qui le dit) sur l’opportun Canicule, version plutôt musclée. 
À l’issue d’un sondage pour savoir si l’on préfère une chanson grivoise ou bien un titre de son répertoire plus ancien, elle nous traite de « coquinous » mais choisit son épatante mise à jour de la chanson de Colette Renard, Les nuits d’une demoiselle 2.0, qui déclenche des éclats de rire un peu partout – et quelques interrogations chez les plus jeunes… Les filles de l’orchestre rient franchement, tout comme elles se dévisseront la tête, à la fois sur scène et pourtant spectatrices, pour ne rater aucun mouvement des chorégraphies de l’artiste. 

On peut voir la captation Culturebox d’un concert datant d’avril 2014 ici.


Une fois le set terminé, un petit coup d’œil circulaire dans les gradins bien remplis permet de repérer en haut à gauche un Julien [Tricard] et sa charmante moitié, venus sans mot dire faire une surprise à Véro…

On boit encore quelques hectolitres d’eau et hop, changement de décor : exit les pupitres, bienvenue aux podiums lightshow et au piano à droite ! Welcome les années américaines !

© Laurent Calut

La nuit se fait encore attendre lorsque Véronique entre en scène. Pour l’accueillir, on retrouve instantanément une ovation semblable à celle reçue par Jeanne Cherhal, venue d’un public totalement musico-compatible qui sait même applaudir sur les “avec des rires et des bravos”. Show entier ce soir (contrairement à la version allégée attendue la semaine suivante aux Francos), un défi de plus pour celle qui n’est pas du genre à envisager les choses à l’économie sous prétexte qu’il fait un peu chaud. Enfiler un pantalon de cuir et danser sous des projecteurs… ce soir, il faut vraiment aimer son métier… ! Et ça tombe plutôt bien puisque la scène, c'est son terrain de jeu, son espace de liberté. Vaillante, une fois de plus, elle donnera tout, ne cédant à l’ennemi que le temps du Maudit (“C’est la première fois que ça m’arrive, un coup de chaud pareil…”) alors même que le reste du concert sera une incroyable fête.         
Très vite, le théâtre antique n’est plus qu’une immense chorale, « sa » chorale – peut-être uniquement silencieuse sur Je me suis tellement manquée, clouée par une implacable version. 

© Laurent Calut

Sur certains titres, les lumières illuminent les tous premiers rangs seulement, donnant à l’ensemble un petit côté Rencontres du 3e type, pas désagréable du tout. 

© Christian Meilhan

Sur Besoin de personne, Jeanne repointe son minois pour un joli moment, ponctué par Véronique d’un “I love you, hein ?!”.  

© Laurent Calut

Rycko n’est pas oublié au moment de la présentation des musiciens puisque Véronique appelle Mehdi “Éric F…” avant de rebondir avec ces noms fantaisistes dont elle a le secret : “Robert Machalou” pour Mehdi, puis, se tournant vers Guillaume : “Marinette Tapautour” !
Dominique Bertram, “le meilleur bassiste du monde, de l'univers, du cosmos”, est sommé de nous le démontrer (“Make me dance!”) et s’exécute avec le sourire. 
Pour la fin de Drôle de vie, Véronique ne rejoint pas son piano et chante les dernières notes au micro, entre Guillaume et Mehdi. Tout aussi efficace !


© Laurent Calut

Et c’est sur Paranoïa que commencent les fameux lancers de coussins. Tradition dangereuse étant donné le fait que la matière plastique peut être particulièrement tranchante dans les angles (cf. le premier reçu, pile dans l’œil droit !). 
Pendant qu’on se protège des prochains assauts, on jette un œil (le gauche, donc – en même temps, autant jeter le droit, inutilisable pour un moment) sur scène où Véronique avance pour saluer, inconsciente du danger qui ne sera peut-être pas doux. Franck Sitbon, juste à sa gauche, place ses mains devant son visage pour éviter le pire… Les coussins continuent de pleuvoir et certains musiciens font des retours à l’envoyeur. Yannick Soccal feint même de balancer son sax dans la foule en guise de représailles !  

© Christian Meilhan

Véronique quitte de nouveau la scène après un homérique On m’attend là-bas, claudiquant comme en général à ce stade du concert, à cause de “quelque chose qui bouge” dans sa chaussure (aujourd'hui, un petit scorpion !). Dernier rappel : le très attendu tryptique Amoureuse, Ma révérence et Bahia, un peu de tendresse dans ce monde de brutes. Et tout le bonheur reçu ce soir qui rejaillit dans ses sourires… 

Pendant que les gradins se vident dans le calme, des jeunes gens ramassent et empilent déjà les coussins pour de futurs lancers… On retrouve Julien. C’est bien beau de vouloir faire une surprise mais il s’agirait de ne pas oublier son pass : neveu de Véronique ou pas, la sécurité ne veut rien entendre et il devra attendre l’arrivée d’un fameux sauveur à moustache…
En l’attendant, on papote avec Michael Hernandez et Ariane, puis, enfin réunis, on passe un bon moment avec Jeanne Cherhal avant de tous descendre d’un étage jusqu’à la loge de Véronique. Dans l’étroit couloir, on se fait doubler par un technicien sortant des douches, une serviette autour des reins, sourire aux lèvres : “Qu’est-ce que vous faites dans ma chambre ?”. 
Il fait toujours un peu tiède et personne ne s’attarde dans la loge. Les régisseurs viennent dire au revoir, règlent les derniers détails pour le prochain show. On ramasse les sacs, les valises et les bouquets de fleurs. C’est l’heure de la “remballe”.  
De retour à l’air libre, au-dessus de cet étonnant décor camouflage, Véronique remarque tout de suite la lune qui, bien que “française”, n'en est pas moins de dimension respectable [elle était pleine quelques jours auparavant]…


Également sur YT, une vidéo avec des extraits des deux concerts ici