• Véronique Sanson | 2015


Yerres, 6 octobre 2015
Poissy, 7 octobre 2015
Palais des Sports, Paris,
9 et 10 octobre 2015
 
Comme l’a écrit Mathieu Rosaz sur Facebook le lendemain du premier soir au Palais des Sports, “L’une des forces de Véronique Sanson est de se réinventer, se recréer sans cesse. […] En tout cas, impossible pour moi de me lasser d’elle.” Pas mieux ! Alors, on reprend la plume, inlassablement, cette fois-ci à propos des premiers concerts de la saison 2 des “Années américaines”, quatre concerts vus la même semaine, dont ce Palais des Sports que l’on rêvait, que l’on voulait capté pour l’éternité. Ça aurait eu de la gueule sur une pochette de CD ou de DVD, clin d’œil à 1978, à 1981, à 1996, à 1998… mais les caméras n’étaient pas là et les anonymes qui filmaient avec les moyens du bord ont eu bien raison, même s’ils couraient de grands risques – du moins avant que n’arrive Drôle de vie et son embouteillage en bord de scène qui permettait de sortir un appareil photo ou une caméra dans une relative clandestinité…




Yerres, première date, fut le théâtre des surprises. On savait vaguement que deux titres devaient entrer dans la setlist, que deux autres la quittaient – brillamment défendus lors de la saison 1 mais qui n’avaient manifestement pas rempli leur contrat (“Pour Harmonies, il faudrait des chœurs plus nombreux, on n’est que trois.”), mais on ne savait pas tout… Et elle nous étonnera toujours…



Christopher a ouvert le bal dans cette petite salle trop confortable, tee-shirt fétiche gris zébré de rose (qu’il arborera dès lors chaque soir sur scène) : cinq titres bien choisis, échantillon idéal de ce qu’il sait faire sur scène, avec une info en scoop, la sortie de son mini-LP en version CD sous le titre Calling the underground. OK Titou, mais quand ?
Image marquante de ce premier soir : Véronique sautant de son tabouret à la fin de Vancouver, et lâchant un “Ah je revis…” libérateur. Tout est dit. Cette fille a besoin de la scène pour vivre, qu’on se le dise et qu’on lui donne des théâtres et des Zéniths jusqu’à son dernier souffle !
La première surprise est donc cette Étrange comédie, appelée de tous nos vœux depuis belle lurette et qui rejoint enfin une setlist à laquelle elle aurait toujours dû appartenir. Mon voisin, véronicologue mexicain d’adoption, n’y tient pas, qui fond en larmes sur les premières notes… 25 ans qu’il rêvait de réentendre ce constat lucide et sans fioritures d’un exil volontaire. La version 2015, à la belle voix orageuse, nous transporte instantanément quelques années en arrière. La trompette bouchée de Steve Madaio est une formidable trouvaille, et ces “rien n’a changé” rageurs nous plaisent beaucoup. On se renverse sur son siège de bonheur, repérés de la scène par un Mehdi complice.
La deuxième surprise (le retour de Devine-moi, chanson vénérée depuis sa sortie) dépasse nos espérances les plus folles et lorsque le tempo ralentit – le temps de présenter les musiciens – le feu savamment entretenu par la voix de Titou (“Devine, devine, devine”), on ne regrette déjà plus Tu sais que je t’aime bien – sauf peut-être pour la flûte traversière de Yannick Soccal ?
Quant à Sad Limousine, là on s’incline. OK, patronne, tu nous as eus ! L’arranger en un duo avec Christopher est la meilleure idée du monde ! Il apporte joliment sa touche américano-contemporaine à une chanson écrite quand il n’avait pas 2 ans. À partir de Poissy, Véronique dira son étonnement de pouvoir chanter une chanson aussi triste avec, à la guitare, le fils du “salaud” dont il est un peu question dans le texte. De l’importance de savoir accorder son pardon…



Le concert passe comme dans un rêve, à une vitesse de folie. Tout est impeccablement en place et une fois de plus, dans ce genre de petites salles, le décalage entre l’énergie, la qualité et les moyens déployés sur scène et le petit comité de personnes que peut contenir la salle force l’admiration. On ne joue pas au rabais ici ni nulle part ailleurs, on donne tout comme s’il y avait 3 500 personnes – ce qui arrivera quelques jours plus tard.
En coulisses, après le concert, les musiciens parlent encore de la setlist. Ne faudrait-il pas intervertir Drôle de vie et Devine-moi ? Ça se discute… 

Véronique reçoit dans sa loge le maire d’Yerres (et son épouse), un certain Dupont-Aignan qu’on connaît pour ses affiches atrocement populistes et qui ressort avec notre livre sous le bras… Du coup, on ne dira rien.

 Véronique, Marc Kraftchick et Sonia, une amie. © L. Calut



En arrivant à Poissy, une habitante indique le chemin et annonce : “Vous verrez, c’est très laid.” De fait, la place est nue et le théâtre ne déparerait pas sur une vieille carte postale soviétique. À l’intérieur, c’est autre chose. Un balcon bordé de loges, une scène toute petite et des murs trop clairs, sans aucune trace de déco. La fantaisie, absente du bâtiment, il faudra la chercher sur scène, ce qui devrait pouvoir se faire…
En première partie, Titou raconte qu’il n’a jamais joué aussi près de là où il a été élevé (Orgeval). La salle lui est acquise. On repère une fille qui siffle, deux doigts dans la bouche.
Après son dernier titre, les lumières se rallument et on décide d’aller saluer la jeune femme qui s’occupe du “merch”. Curieusement, on n’entend aucune annonce d’entracte et d’ailleurs, il n’y a pas l’ombre d’une buvette à l’horizon… Lorsqu’on retourne dans la salle, personne n’a bougé ! Il en sera ainsi pendant 20 minutes, si bien que lorsque le noir se fera, une voix
– vite conspuée – s’élèvera : “Bravo pour le respect du public”. On ne sait à qui la faute mais le malentendu est vite oublié quand tous les regards convergent sur le sourire de Véronique. Ce soir encore, sa bonne humeur est très contagieuse et elle réussira le tour de force de faire se lever la majeure partie de la salle – dont des premiers rangs pas tout à fait dans la fleur de l’âge, il faut bien le dire. 
On a changé de place, installés au balcon à gauche tels les deux vieux du Muppet Show. Un commentaire ? ;-) Christian nous rejoint vers la fin du concert, c’est une place qu’il affectionne, d’où il peut shooter tranquillement.
À noter, Titou ne quitte plus la scène après Devine-moi et se joint même à Mehdi et Guillaume sur la choré de Vole vole vole. Gros succès auprès des filles à leurs pieds !
Merci au maire de la ville pour son enthousiasme sur facebook et on est désolé d’avoir raté en coulisses Catherine Lara et sa compagne, reparties bien vite.

https://www.facebook.com/karlolivepoissy/videos/498213287023359/


 

Le Palais des Sports après Poissy, c’est un peu comme regarder un film au cinéma en dolby surround après l’avoir vu sur son iPad ! La scène est tellement vaste… les jeux de lumières vont enfin se déployer tels qu’ils ont été conçus à l’origine et l’artiste va pouvoir gambader à son aise. À Poissy, elle devait slalomer entre les musiciens dès qu’elle quittait son piano, tous au même étage – ni podiums, ni miroirs, ni écrans ronds… 
Émotion en retrouvant cette salle, on se revoit au même endroit en juin 78, descendant les allées les bras chargés de programmes. Ce soir, continuité de mon histoire avec Véronique, c’est un programme que j’ai maquetté qui est proposé à la vente… Sourire intérieur.
Télescopage pas tout à fait anodin : les écrans de pub (qui n’existaient pas en 1978…) diffusent la bande annonce de Résiste ! 
Christopher a laissé tomber 100 year thing, il attaque directement avec le groupe et retrouve sur Calling the underground (qu’il chante pour la première fois depuis le début de cette tournée) les Dove and Wolf, deux jeunes choristes qui étaient avec lui au showcase de fin 2014. Il dialogue avec le public, essuie un “On attend ta mère” rigolard lancé du fond de la salle et repart en ayant remporté un joli triomphe.
Entracte, l’occasion de saluer ceux qui ont fait des kilomètres pour être de la fête, et enfin, le concert commence… par un problème de micro au piano lorsque Véronique s’y assoit juste après l’intro a cappella. C’est un signe : fallait vraiment pas filmer ce soir !
Juste derrière nous, une femme en débardeur,
debout les bras en l’air, hurlant à pleins poumons : Romane Bohringer, qui se rassoit en commentant à voix haute “Ça y est, ça m’reprend” !


D’emblée, Véronique tord le cou à tous les Closer, PurePeople et autres vendeurs de malheur en ligne : “Bienvenue dans mes années américaines, qui étaient quand même très rigolotes”. La voix est au top et à partir de Drôle de vie, le Palais des Sports, déjà debout pour deux standing ovations soulignant l'importance du Maudit et de Je me suis tellement manquée, ne retrouvera plus la station assise. De temps en temps, on se retourne pour regarder ça d’en bas. Archi-impressionnant.
Après le show, réception en coulisses : open bar derrière la scène ! L’occasion de retrouver – entre autres – “notre” photographe, Patrick Goldschmidt, les musiciens,
la famille tout en attendant son tour pour aller féliciter Véronique dans sa loge, à l’accès barré par deux men in black. On en ressort pratiquement les derniers, comme d’hab. Avant de partir, Titou raconte encore la tête qu’il avait faite en découvrant ses musiciens lorgnant la fille en maillot de bains sur la couverture du livre (qu’il avait emporté avec lui en tournée aux États-Unis) : “Hey! That’s my mum!” 


Le lendemain soir, rebelote. Sur le trottoir, devant les impressionnantes affiches du show, on voit passer Catherine Lachens, son improbable brushing et son petit bouquet de fleurs. Derrière nous, au comptoir des invitations, une femme donne son nom à haute voix mais ses yeux lui servent partout de passeport : Julie Piétri. Derrière elle encore, Valérie Kapriski. Une soirée people ! Dans la salle, Marc Kraftchick arbore cette fois chemise, cravate et veste de costume, parce qu’à Yerres, il était en salopette et que Véro lui a demandé jusqu’à quand il allait s’habiller en clochard ! ;-)
Même scénario que la veille, le Palais des Sports se lève comme un seul homme à partir de Drôle de vie pour ne plus se rasseoir. Ma voisine de gauche, qui gigote beaucoup, me reproche gentiment de ne pas applaudir pour faire revenir Véronique pour le premier rappel (malgré son génial “Ne partez pas, c’est juste un peu de mise en scène, on revient tout de suite”). 

“Vous n’étiez pas là en 1981, moi si”, lance-t-elle. Eh si ma petite dame… ;-) 
À ma droite, un joli garçon en pince ouvertement pour Yannick Soccal. On ne résiste pas au plaisir de le faire bisquer… il demande qu’on lui fasse une bise de sa part. S’il lit ces lignes, qu’il sache que ce fût fait !
En coulisses justement, ce n’est pas tout à fait le même refrain que la veille : les techniciens démontant la scène, les invités patientent dans un long couloir qui aboutit à la loge de Véronique et sur le mur duquel figurent quelques affiches encadrées, dont celle du “Comme ils l’imaginent” de 1995. Certains comprennent que l’attente va être longue et préfèrent décamper. D’autres attendent sagement leur tour comme Julie Piétri qui postera plus tard un très joli mot sur sa page Facebook. On claque la bise à Mireille Dumas qui remarque que Véronique, campée sur ses deux jambes, lui fait penser à ces sportifs qui canalisent leur énergie avec un haka avant le match. Violaine fera sortir sa sœur de sa loge pour embrasser de tout-petits cousins. Les V se rappellent en chœur qu’elles étaient toutes les deux amoureuses de leur père “Il ressemblait à un acteur américain, James Coburn, mais vous ne devez pas savoir qui c’est” s’amuse Véronique. Quelques photos souvenirs avec les uns et les autres plus loin, on retrouve de sympathiques irréductibles pour quelques derniers éclats de rire à la sortie des artistes. “Qu’est-ce qu’on va faire de nos vies une fois que cette tournée sera terminée ?” s’interroge, faussement inquiète, l’une d’entre eux. On ne sait quoi lui répondre…


• Tempête dans un verre d’eau | 2015

Véronique Sanson vs Marina Kaye ?
 
Le 23 octobre dernier, dans un café du 8e arrondissement au Tabac des Musées avenue Pierre 1er de Serbie pour être exact Véronique Sanson discute avec deux journalistes des Inrocks, dont la rédac’chef. Comme à son habitude lorsquelle se sent en confiance, elle oublie vite quil sagit d'une interview (destinée à n’être publiée quen ligne) et fustige tranquillement, au détour d’une question, les artistes français qui chantent en anglais. C’est un des chevaux de bataille qu’elle adore enfourcher ce qu’on ne peut décemment pas reprocher à celle dont on a d’emblée salué l’incroyable talent à faire swinguer la langue française. [En revanche, on peut rester pantois devant le titre de larticle en question au moment où Véronique s’apprête à recevoir une médaille à l’Académie Française, mais c’est un autre débat…]
La veille, elle a enregistré lémission Du côté de chez Dave, avec, assise à sa droite, Marina Kaye, Marseillaise de 17 ans qu’elle a découverte à cette occasion (et elle nest pas la seule). Son nom lui revient et elle la cite tout naturellement comme un exemple concret de ce qui la choque (alors même qu’on l’a vue, du plateau, apprécier la reprise de Nina Simone par ladite Marina Kaye).
Un nom cité dans un article qui fait une page entière, on aurait pu en rester là. Mais cétait sans compter sur les grands journalistes d’investigation que sont les fines plumes de ChartsinFrance, spécialistes de la fonction copié-collé et de la tempête dans un verre deau.
Le principe est archiconnu, mais il fait encore recette : on vous tire une phrase de son contexte, on trouve un titre bien accrocheur – qui prête en l’occurrence à Véronique une intention réelle de nuire à Marina Kaye – et le buzzzzzzz est lancé ! Si on trouve une photo de Véronique l’air en colère ou méprisant, c’est encore mieux. Et surtout, en cliquant sur nos pages, n’hésitez pas à regarder nos annonceurs ! Ah, les braves gens…
À ce stade, Marina Kaye n’a peut-être pas eu vent de l’interview des Inrocks ni du gros titre on pourrait même dire grossier de ChartsinFrance. Un journaliste va se charger de la mettre au parfum (de scandale) en l’interviewant pour Le Dauphiné Libéré. Blessée, elle réagit avec précipitation – et l’arrogance de son jeune âge. En gros, elle se fiche de ce que peut dire une “chanteuse connue d’antan”.
Là encore, on aurait pu en rester là… Mais comme il n’y a pas grand chose à se mettre sous la souris en ce moment, voilà que rappliquent les Voici, Closer, Gala jusqu’au Figaro et même Paris Match. Plus de 40 occurrences au moment où j’écris ces lignes ! À ce stade, on attend avec impatience une allocution du pape François



Mais c’est sur Twitter que volent le plus bas les pires noms d’oiseau… Que dire à ceux qui sortent les armes dès qu’on leur désigne une victime sinon peut-être de rechercher la signification du mot manipulation dans un dictionnaire (même en ligne), et surtout de toujours retourner à la source d’une information avant de réagir bovinement ?
Heureusement, dans quelques temps, tout le monde sera passé à autre chose… Et surtout, Véronique et Marina Kaye pourront à nouveau se croiser et lever ensemble les yeux au ciel en pensant à toute cette énergie perdue. Parce que pendant ce temps-là, il se passe tout de même des choses infiniment plus graves


  
Update 21 novembre 2015. Sous une poussive tentative de relancer la polémique à travers la vidéo d’une interview de Marina Kaye pour une sous-chaîne en mal de buzz, trouvé avec plaisir ce commentaire du père de la chanteuse :
 

• Olympia 1975 (CD et LP, Warner)


Véronique Sanson
Olympia 1975
 
9 octobre 2015

 
Warner, maison de disque historique de Véronique, sort aujourd’hui un digipack 3 CD contenant l’enregistrement totalement inédit à ce jour de son récital à l’Olympia 1975 (du 11 au 16 février – l’enregistrement ayant été réalisé le premier soir). La question qu’on peut légitimement se poser est : mais pourquoi diantre seulement aujourd’hui ? 
On peut imaginer qu’en 1975 la sortie d’un album live ait pu paraître prématurée. L’Olympia suivant (février 1976) a, lui, bien été matérialisé sous la forme de son premier album “live”. Le succès de l’album Vancouver (sorti entre temps) et la qualité des arrangements pour la scène des titres des 4 premiers albums justifiait alors pleinement cette sortie. Mais, du coup, l’enregistrement de 1975 tombait aux oubliettes, uniquement et fort heureusement repéré par mon camarade Yann Morvan en 2008 dans sa préparation de l’intégrale – dont il fut le grand architecte. On pensait alors que les bandes correspondaient à des pistes séparées et qu’il faudrait un coûteux travail de studio préalable avant de pouvoir les écouter. Que nenni ! Fin 2014, une fois l’information dûment glissée dans l’oreille des responsables chez Warner, nous parvenait la réponse suivante : les bandes existaient toujours bel et bien, elles étaient en bon état, la numérisation était même déjà lancée ! 
Et de tomber bientôt en pâmoison à l’écoute de ce véritable trésor caché, enregistrement brut avant mixage… Hélas, trois fois hélas, il était trop tard (à cause des éternelles démarches juridiques) pour l’inclure dans le double CD Best Of prévu pour février 2015… C’est donc après toutes ces péripéties, un peu plus de 40 ans après son enregistrement, qu’on peut enfin savourer la chose !

Même si circule déjà sous le manteau l’enregistrement québécois du Jardin des Étoiles (show du 8 avril de la même année, son et image), cet Olympia 1975 méritait grandement sa place dans la discographie officielle de Véronique.

Février 1975 correspond à sa première semaine en vedette boulevard des Capucines. Elle n’y a joué qu’à deux reprises quelques mois auparavant, lors des fameux Musicoramas des 7 et 9 octobre 1974* – le second ayant été ajouté à la hâte pour cause de triomphe du premier. Et si certains avaient pu prendre leur billet à cause de la présence sur scène de Steve Stills, cette fois-ci, il n’en est rien. Et d’ailleurs Véronique – qui va bientôt claironner partout qu’elle entend bien se réinstaller en France – est accompagnée de musiciens français (à l’exception de Donnie Dacus) et de l’orchestre de l’Olympia, dirigé par Michel Bernhoc (à qui il faudra bien un jour consacrer une page Internet tant on trouve peu d’informations en ligne sur le grand musicien qu’il était).


Cent fois ouvre le bal, rare version en direct – on n'en connaît pas tant que ça – avec les cordes, précises, planquées sous les riffs de guitare avant l’arrivée des cuivres sur la fin du morceau.
La voix est assurée, agile, sans l’innocence aérienne des premières scènes. Les neiges du Colorado, éternel hiver, sont passées par là. Les désillusions, la lucidité aussi… L’énergie est bien là et Véronique est peut-être une des très rares artistes musiciennes qui, lorsqu’elle lance une note, donne l’impression qu’elle ne sait pas elle-même encore où elle va se poser ni quel chemin elle va suivre. Elle semble s’adapter à ce qu'elle entend sortir d’elle, monte, redescend, improvise, réinvente chaque soir ses chansons sur scène. Et c’est toujours vrai en 2015.

On guette les petits “plantages” et autres inversions dans les textes, parfois signifiants, toujours inventifs – elle a toujours su remplacer au mieux le mot manquant au niveau de sa sonorité. Ils seront nombreux ce soir-là. Premier repéré : “Son destin va garder mon chemin” dans Comme je l’imagine. S’il était sorti à l’époque, cet enregistrement aurait peut-être subi quelques retouches. Dieu merci, ici, il n’en est rien… 

Le 3e titre est une surprise : King Kong ! Peut-être sa dernière apparition en public – la première datant sans doute des concerts québécois de 1973. À l’évidence, un titre en forme d’exercice de style et qui fut peut-être un jeu-défi (“Tu vas voir, Michel, je suis capable d’écrire une chanson avec des rimes en -ing et en -ong !”) qui trouve ici sa place et son rythme, plus pop que brésilien.

La version d’Amoureuse – pas encore alors le classique aujourd’hui sanctionné par d’innombrables reprises plus ou moins justes dans les télé-crochets, mais déjà suffisamment rodé pour y entendre de belles audaces, des chemins buissonniers contournant la mélodie originale comme cet “Et elle me force à parler son langage”, tellement sansonnien et ce “non non" posé très haut après un “Je ne suis plus d’ici” suffisamment proche de la fin pour qu’elle ne le double pas d’une remontée dans les aigus sur le dernier mot de la chanson comme il lui arrivait de le faire à l’époque, et qui aurait forcément sonné redondante.

Belle intro au piano sur Christopher avant que les cordes glissent, ténébreuses, derrière la voix de Véronique qui va bientôt s’envoler, suivre cette mélodie sinueuse. Elles prennent ensuite le dessus, en écho avec celles de Cent fois.

Ce n’est pas encore le piège de 2011 mais un vent de nouveauté souffle déjà sur l’intro de Bahia, salué par des applaudissements. Le bonus de ce titre est particulièrement attendrissant : la voix de Véronique musardant sur le solo de guitare, l'air de rien, avec tellement de charme. “Comme c’est agréable d’entendre chanter juste avec une telle décontraction” aurait apprécié Denise Glaser.

Sur Une nuit sur son épaule, on entend déjà le pas de géant fait par rapport aux arrangements de 1972, même si les musiciens jouent un peu en retenue au regard de ce que la voix de Véronique exigerait réellement d’eux. Du coup, avec cette belle énergie qui arrive sur le tard, le morceau apparaît presque trop court mais on devine que les versions live qui vont suivre seront plutôt musclées.   

Mais voilà que s’avance une autre perle, Dis-lui de revenir (l’ordre de ce tracklist est décidément déroutant) avec son couplet doublé et surtout ce “Je l’attendrai” étiré comme il faut et qui entraîne de jolies variations – sans oublier quelques harmonies sur la dernière syllabe du dernier mot (“maison”). 
Pourquoi n’a-t-elle jamais réutilisé ces trouvailles – ne serait-ce que l’année suivante ? That is ze question. 

Alia Soûza est indiscutablement le hit de l’époque, probablement le titre qu’attendent ceux qui, parmi le public, ne sont pas forcément fans. Véronique pianote pour brouiller les pistes, avant de frapper l’intro killer. On pourra regretter le manque d’inspiration et de fantaisie du pont à la guitare, mais on se régale des ad libs et aussi de ces petites ponctuations avant les deux derniers couplets, à l’effet presque comique !

Ah Pour qui et cette fin instrumentale qui sera doublée quelques années plus tard et qu’elle amorce ici à la voix… Un véritable condensé d’énergie sansonienne. Comme dans la version studio originale, la “chaleur” le dispute à la “douceur” quand il s’agit de “mes cheveux”. ;-) 


Redoutable a valeur de véritable document puisqu’il s’agit ici d’une version enregistrée seulement 3 nuits après son accouchement (le titre n’est même pas déposé à la Sacem). C’est un peu comme si on était dans le salon de la maison d’Orgeval et qu’elle voulait absolument nous faire entendre ce qu’elle vient tout juste de composer. Précieux… et triste. 

Vient ensuite C’est le moment et ses aigus… redoutables. On est très proche de la version studio originale, à un emportement près (“Ou bien la mer de Jasmin”) et surtout avec beaucoup plus de mélancolie dans la voix. Magnifique.
  
Vert, vert, vert, chanson au format si court, piano et cordes (et sa petite harmonie vocale ajoutée vers la fin), remonte le cours de l’histoire. “Et devant moi celui que j’aime / Mais tout est trop calme” : ces mots, annonciateurs du départ brutal vers les États-Unis un peu plus de deux ans auparavant, résonnent ici d’un éclat particulier. Surtout après le “Et je reste calme / Parce que c’est important” du titre précédent.  

Retour aux titres “américains” avec Véronique. Amer constat et aveux en demi-teinte, “So I just sing / Stoned again”, qui génèrent des applaudissements. Sa lucidité l’inspire et elle attaque le dernier couplet dans les aigus, tout en douceur. Virtuose. 

Véronique a presque l’accent québécois lorsqu’elle annonce le titre suivant, When we’re together. Belle interprétation et un “When I wanna hold your body” qui deviendra “…your hand” lors de l’enregistrement studio pour l’album Vancouver. Une chanson qui n’a pas encore trouvé sa chute, très sansonienne encore dans cet enregistrement.

Explicitement dédié au fiancé abandonné (à qui elle a juste voulu reparler, rien qu’à lui), Ma musique s’en va, pièce maîtresse du Maudit, atteint ici la perfection. Voix dont chaque intonation souligne la difficulté de l’aveu (il y a un “je t’aime” quasi inaudible, dans le souffle) avant de se reprendre, combative, au-dessus des cordes mélancoliques à souhait. Un bijou. 

L’histoire continue avec Toute seule, ombre et lumière entre les couplets et les refrains. Véronique force sa voix (pas toujours pour le meilleur, on est obligé de le reconnaître) mais on peut louer sa fougue, l’énergie de ses (presque) 26 ans et la liberté qu’elle met à dépoussiérer un titre qui lui rappelle ses états d’âme d’avant son mariage avec Stills et sa vie américaine.

Le sort est bien injuste de nous faire découvrir la version 1975 de Mariavah alors qu’on connaît déjà celle, si incroyable, de 1976… Il faut essayer de l'écouter en la replaçant dans l’ordre chronologique, après sa version live de 1972. On imagine Véronique se levant, passant une guitare sur ses épaules, et le regretté Alain Salvati rejoindre le piano auquel il va imposer un rythme infernal de montées et de descentes de gamme. Ici, pas encore de choriste avec qui rivaliser d’improvisation comme l’année suivante, mais un pont suffisamment endiablé pour susciter des applaudissements pendant la chanson.

Besoin de personne déboule, à des années-lumière de sa version studio, américanisé, rythmiquement plus marqué, avec, à un moment donné, ce que l’on peut prendre pour un couplet instrumental (une bonne idée) avant de réaliser qu’elle a juste laissé passer quelques mesures. Rythm’n’blues !  

Que dire du Maudit ? C’est en entendant ce type d’exploit que l’on regrette de ne pas avoir été dans la salle ce soir-là… La progression des couplets qui accompagne celui qui marche sans savoir réellement où il va, les “Ta douleur efface ta faute” entre feulements et cris de rage, les cordes toujours là quand il faut… Un sans faute ? Ce s’rait pas drôle, alors il y a juste un p’tit pain dans le texte au début du 3e couplet ;-) 

Probablement mieux placée dans la setlist qu’en 2015, Un peu plus de noir, parfaitement électrique dans ses refrains, a ici ici toute sa place.


“Ils sont bien mes musiciens, hein ?” Leur présentation est un modèle de sobriété. Tout doit passer dans les sourires et dans les regards… Quel dommage de ne pas avoir les images.        

Cet enregistrement se clôt donc sur Bouddha, guitares et cuivres, mélange de toutes les influences qui font la musique de Véronique. On ne sait pas s’il s’agit d’un rappel (il manque peut-être On m’attend là-bas). 

À noter : le double LP vinyle, dont la photo de couverture est celle du programme vendu à l’époque, sera disponible le 13 novembre.
 
* Ces Musicorama ont fait l’objet d’un enregistrement et d’une diffusion sur Europe 1 le 12 octobre 1974, mais il semble qu’il n’y en ait plus aucune trace dans leurs archives…