• Véronique Sanson | 2024 Bxls

 

Véronique Sanson,
Cirque Royal, Bruxelles,
22 et 23 février 2024

Bulletin météo bruxellois de fin de semaine : déferlement de la tempête Louis. La nouvelle est partout alors qu’une autre tempête va décoiffer deux soirs de suite le Cirque Royal et qu’on n’en trouvera pas une ligne dans la presse locale, ni avant ni après deux concerts pourtant exceptionnels !

On aime ce Cirque, sa rondeur, son acoustique, ses sièges tout en haut qui donnent le vertige même de tout en bas. Seul inconvénient : la taille réduite de la scène – d’où le manche de la basse de Dodo qui viendra parfois chatouiller Mehdi… Le décor devra également être adapté : un des “arcs de lumière” sur la gauche dépassera de la scène et on notera l’absence de “l’auréole” qui descend habituellement  du ciel étoilé au moment des piano-voix.


Les balances de l’après-midi sont un régal. Avant l’arrivée de Véronique, le groupe répète à chaque fois un titre pas joué en ce moment (Annecy le jeudi et On m’attend là-bas le vendredi). Une explication plausible serait que ces chansons permettent de bien effectuer les balances tout en sortant un peu de la routine des titres de la setlist, mais on est en droit de suspecter du changement… Tout est en place quand Véronique arrive, s’excusant de son retard. Après avoir répété quelques titres, dont Les délices d’Hollywood, elle tient à retravailler les chœurs sur “C’est une ville de vacances…” avec Mehdi et Guillaume, facétieux duettistes, et ce jusqu’à ce que ça sonne exactement comme elle veut. Pendant la répète de la chanson Véronique (dont on entendra plusieurs variantes “Dominique, c’est mon nom” ou “Angélique, c’est mon nom”…), on chope un détail : au moment de la phrase “Je connais mes ennemis”, Guillaume prenant un air sérieux pour mettre la main sur l’épaule de Mehdi. Facétieux duettistes, on vous disait. Ce même Guillaume qui signe les arrangements de voix de la reprise de Rien que de l’eau, qu’on aime décidément vachement bien – On ne se gênera d’ailleurs pas pour le lui dire. Après le départ de la troupe, Véronique travaille ses intros piano-voix, et surtout une chanson qu’elle aimerait ajouter juste avant Bahia. Mais pas ces deux soirs-là… 

20 h dans la salle. En première partie, Chien Noir, inconnu en ce qui me concerne – à l’instar de toutes les autres premières parties de cette tournée pour être totalement honnête. La profusion de nouvelles voix nous ferait presque perdre le goût de la nouveauté, de la découverte… Chien Noir, donc, qui accroche pourtant nos oreilles dès le premier titre avec sa voix particulière. Il est de cette génération de garçons qui ne craint pas d’afficher une sensibilité non polluée par des siècles d’injonction viriliste. Son thème de prédilection est l’amour, son premier amour s’appelle Julia, et ça donne une bonne chanson qu’on peut écouter ici. On retiendra aussi son Je veux, je veux, je veux, (dans lequel s’est glissé un “Je veux que le diable m’emporte”…), à écouter ici. Avant son dernier titre, il se lâche et explique qu’il a assisté aux balances de Véronique et qu’on va “se prendre une grosse branlée”. Le deuxième soir, il sera un poil plus élégant : “Elle défonce tout, vous allez kiffer”… Quels que soient les mots employés, on ne va pas lui donner tort…


Il quitte la  scène au bout de 5 titres. Véronique ne montant sur scène qu’à 21 h, il reste environ 40 minutes… Et 40 minutes, c’est long, c’est court. Il y a les discussions avec les voisins, les visages absorbés par les smartphones, mais le ton monte régulièrement dans les rangs… “Elle a changé d’avis ou quoi ?” s’interroge ma voisine de droite tandis que celle de gauche glisse à son mari : “Mais qu’ils disent quelque chose…”. Une troisième enfin : “Elle aurait pu laisser le mec chanter plus longtemps”…

Sans être une stratégie de la production, cette impatience organisée peut être vue comme une façon (un peu risquée) de chauffer le public à blanc. Lorsque retentit la sonnerie et que les lumières s’éteignent enfin, que le public devine Véronique marchant vers le piano, c’est l’explosion, la récompense. Les minutes d’attente, le ressentiment s’envolent et l’image tant attendue que l’on a maintenant sous les yeux tranche instantanément avec tout ce qui a pu précédé, imprimant sur nos rétines la blondeur, le scintillement des strass de la veste, le piano blanc, conférant à Véronique un authentique statut d’icône. J’utilise rarement ce terme parce qu’il est tellllllement galvaudé, mais ce premier soir à Bruxelles, assez loin de la scène, a été l’occasion de mesurer en grand l’indiscutable pouvoir de Véronique Sanson – même si elle ne se donne pas la peine d’arriver en hélicoptère… Benjamin Locoge, journaliste de Paris Match croisé plus tard en coulisse, ne s’y trompera pas en parlant d’un “concert de légende” – lui qui n’en est pourtant pas à son premier strapontin (L’article est en bas de cette page).

Le reste du show est à la hauteur de cet impact initial sur le public, si ce n’est au-delà. Pour connaître Véronique, pour savoir qui elle est vraiment, il faut la voir sur scène. Les télés ne disent rien d’elle, sinon l’ennui qu’elle a parfois d’être sur un plateau sans son public, avec l’impossibilité de chanter ce qu’elle veut dans les conditions d’un concert. Le carcan de la promo-télé est trop petit pour elle. Que voulez-vous, elle est larger than life

Tout de suite après le premier titre, elle nous scotche en annonçant Comme je l’imagine d’une façon totalement inédite : “C’est l’histoire de quelqu’un qui est sur le point de se marier, et qui a le coup de foudre pour quelqu’un d’autre… Horreur !” – le premier soir, elle s’est frappée la tempe pour simuler le coup (de foudre) –, avant d’ajouter, philosophe : “C’est pas très très bien, mais enfin c’est la vie…”


 

Sinon, en bref (comme on dit aux infos) lors de ces deux soirs : Pas de battle bruxelloise entre les partisans du “Debout tout le monde !” et ceux du “Assis !” (Cf. CR de Châteauroux) Reprise-surprise des “C’est toujours, c’est toujours…” à la fin de Je suis la seule le 2e soir Le premier soir, après avoir dûment présenté chaque musicien, elle a ajouté “Et merci à vous évidemment !”, doublant très discrètement le “éviiiiidemment” sur l’air d’une chanson qui date de 1987…  Je me suis tellement manquée sera suivie les deux soirs d’une standing ovation – ce qui n’avait pas été le cas à Châteauroux.


Le premier soir, en coulisses, Plastic Bertrand (pas forcément identifié par tout le monde sous sa casquette noire), accompagné de son producteur, ne cache pas sa déconvenue devant la porte fermée de la loge de Véronique : il a un peu hâte de l’embrasser et lui proposer de se retrouver tous ensemble plus tard. Le 2e soir est plus calme. Dans la loge, on se surprend à fredonner les cuivres de Salsa. Impossible de faire autrement, on les a en tête depuis la fin du concert… On regarde Véronique rassembler ses affaires (mille milliards de produits de maquillage) et on pointe, autour de son cou, ce foulard qu’elle a depuis des âges. Elle rit : “Et ce tee-shirt ! C’est celui de “Comme on l’imagine” !”. Incroyable, il n’est pas bleu, mais mauve… Elle explique que, comme pour la veste “de dompteur” en couverture du live 93, la couleur réelle n’a rien à voir avec celle imprimée : les mystères de la quadrichromie…

Comment fait-on pour redescendre sur Terre quand on a été ovationnée par 2000 personnes ? On lui (re)dit combien les gens avaient l’air heureux et épanouis, on lui parle de ceux (et pas forcément des perdreaux de l’année) qui dansaient dans les allées, oubliant l’état du monde le temps d’une soirée. Et puis on suggère la rencontre avec Chien Noir qui n’aurait visiblement pas osé frapper à la porte. Joli moment qu’on propose de terminer en photo-souvenir pour plus tard, avant qu’il aille lui chercher un exemplaire de son CD. 

 

Il est temps de sortir. Les gens de la nuit l’attendent de chaque côté des barrières. Il fait un froid de gueux, elle regarde chacun et chacune – comme elle n’oublie jamais de le faire de la scène, se dévissant le cou pour saluer les spectateurs les plus éloignés –, sourit à ceux et celles qu’elle (re)connaît et avance jusqu’à son van étoilé. Encore une affaire rondement menée…

Photos © LC


© Denis Carpentier

Véronique Sanson, un nouveau tour de chant magistral

Benjamin Locoge – 23/02/2024

Hier soir à Bruxelles Véronique Sanson présentait une nouvelle version de sa tournée “Hasta Luego”. Un concert raccourci mais plus intense que jamais.

Elle n'a pas de nouvel album à défendre. Ni même de compilation reprenant ses plus grands tubes. Mais depuis janvier, Véronique Sanson est repartie sur les routes, prolongeant sa tournée “Hasta Luego” par pur plaisir. Après une première salve de concerts en 2022, des festivals et des Zénith en 2023, on pensait logiquement hier soir au Cirque Royal de Bruxelles retrouver un tour de chant avec lequel on commençait à se familiariser. C'était mal connaître Sanson que de penser ainsi…
 
2000 bruxellois présents
Quand la salle se plonge dans le noir à 21h, c'est pour mieux laisser la patronne s'installer derrière son piano blanc pièce central du somptueux dispositif scénique. Et c'est en solo qu'elle plaque les premiers accords de Véronique chanson tirée de l'album culte “Le Maudit” paru il y a 50 ans. Concentrée Véro fait immédiatement preuve d'une grande forme vocale, guettant l'arrivée progressive de ses sept musiciens.
Si Basile Leroux a cédé sa guitare à Michel-Yves Kochmann, on retrouve les fidèles Dominique Bertram à la basse ou François Constantin aux percussions. “Je suis tellement heureuse d'être là avec vous ce soir, lance-t-elle aux 2000 bruxellois présents (dont Plastic Bertrand), on va partager des moments de colère, des moments de joie et des moments de douceur”.
Et c'est Comme je l'imagine qui arrive, pas totalement maitrisé, qui ouvre la porte à «Indestructible », l'occasion pour le groupe de musiciens d'être rejoints par trois cuivres. Les premiers rangs -ceux des fans les plus hardis ont les yeux écarquillés : leur idole a complètement renouvelé sa setlist, leur délivrant titres rares et peu joués. Comme Un peu d'air pur et hop ! manifeste écolo de 1988 que Véronique présente “comme le constat qu'absolument rien n'a changé depuis”. « Laissez-nous vivre et laissez-nous mourir vieux, sans imbécile et sans caca dans les yeux » chante-t-elle à l'attention de ceux qui massacrent la planète sous nos yeux impuissants.

Une première demi-heure plus que parfaite
Retour ensuite à l'amour avec Je suis la seule ballade émouvante de 1979, là aussi ressurgie du passé avec délice. Que dire de Sans regrets titre d'ouverture de l'album du même nom où Véro se demande ce qu'elle peut faire “pour calmer sa colère”, elle, qui erre “comme une louve solitaire” ? Magnifique moment suspendu où le jeu tout en délicatesse de Michel Yves Kochmann s'apprécie à merveille. Visuellement, un demi-cercle de lumière permet de varier les plaisirs selon les morceaux, tous éclairés avec une poésie bienveillante. Cette première demi-heure est plus que parfaite, tout en surprise et maitrise musicale, laissant présager le meilleur pour la suite.
Je me suis tellement manquée lance le début d'une deuxième partie de concert consacrée aux tubes. Et quels tubes ! Bruxelles se lève dès les premières mesures de Besoin de personne, ovationne Chanson sur une drôle de vie, écoute religieusement Vancouver ou Amoureuse, classiques intemporels, qui procurent tous toujours une sacré ??? d'émotions dans le public comme sur scène. Entre deux, Véro a glissé Les délices d'Hollywood échappé de l'album “Hollywood”  et Bouddha plus entendu depuis quelques années...

La voix est puissante, les sourires, radieux
Avant Bernard's Song (il est de nulle part), Véronique Sanson chausse des lunettes noires pour mieux voir le public qu'elle harangue de sa frêle silhouette. Mais la puissance de sa voix, les sourires qu'elle balance montrent combien la scène est aussi pour elle une cure de jouvence, d'amour, un oxygène qui la porte. Sur la fin de Rien que de l'eau » elle annonce sortir “pour me mettre un coup de peigne, j'ai l'air d'une folle avec mes cheveux en bataille ”, rigole-t-elle, laissant ses musiciens conclure l'affaire.
Le public s'étonne quand ces derniers quittent leur poste au bout d'1h15 de concerts. Mais Véro réapparait et attaque Alia Souza qui fait swinguer le Cirque Royal. En plein milieu du titre, elle introduit un extrait de Salsa autre pépite oubliée, avant de longuement présenter les dix mecs qui l'entourent. Bruxelles croise les doigts : Sanson va-t-elle s'arrêter là ? La voilà qui s'assoit face à son instrument et envoie Ma révérence, en solo. Avant de demander à la salle de l'accompagner sur Bahia, “pour profiter de chaque micro instant de vous jusqu'au bout”.

Un concert de légende
Véro écoute Bruxelles chanter “et je t'aime, oh caresse-moi” puis semble gagnée par un orgasme pianistique, véritable leçon de communion musicale entre une artiste et son public. Un dernier regard, elle rejoint sa loge le poing levé, sans dire un mot. Bruxelles l'ovationne longuement.
Ce show 2024 fera clairement partie des concerts légendaires : aucun temps mort, une intensité immédiate et ininterrompue, une Véronique Sanson au sommet de son art et de sa puissance. On vous aura prévenu.

 

 

 

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