• Véronique Sanson | 2024

Véronique Sanson,
M.A.CH 36, Châteauroux,
16 février 2024
 
Nouvelle année. Nouvelle tournée. Alors pourquoi pas Châteauroux ? En fait la question aurait dû être : mais pourquoi diable Châteauroux ? Grève des contrôleurs SNCF, pluie torrentielle sur la route, ville grise entre cafés tristes et salons de coiffure tous les 100 m, hôtel moins 2 étoiles… Le bonheur nous attendait pourtant là-bas, au milieu de nulle part, dans une bulle au nom de rasoir posée entre un Buffalo Grill et une Pataterie – même si, et ça a l’air con de l’écrire parce que ça n’a rien à faire ici, on arrive en ce début d’après-midi le cœur brisé à l’annonce de la mort du résistant russe Alexeï Navalny. The show must go on, comme on dit…
 


Véronique n’est pas encore arrivée quand on débarque pour les balances, ce qui donne l’occasion d’entendre 2-3 versions instrumentales (sans piano) jouées par des musiciens déjà en place (dans tous les sens du terme) et de mettre en lumière le détail des nouveaux arrangements. La première qui parvient à nos oreilles est la chanson Véronique, dont on connaît finalement peu de versions live, et qui s’inscrit immédiatement et durablement dans notre imaginaire avec cette guitare lancinante qui n’est pas sans évoquer de vastes paysages américains (ça tombe bien, c’est quand même là-bas qu’elle a été composée). 
 

On s’installe dans la salle déserte sur l’un de ces affreux sièges en plastique orange et on est tout de suite saisi par la beauté du nouveau light show. La silhouette de Véronique s’y découpe bientôt. Elle attaque direct avec ce titre qui porte son prénom, puis Sans regret, avant Un peu d’air pur et hop ! et Indestructible. Elle donne énormément et on feint de s’en inquiéter en la retrouvant au pied de la scène. Elle rassure : “Ne t’en fais pas, j’ai de la réserve.” On la laisse repartir vers sa loge… pour la retrouver tout de suite après derrière la fenêtre ouverte de ladite loge qui donne sur le parking ! Toc toc. Elle lève la tête, surprise, réalisant qu’il va lui falloir baisser le store – ce qu’elle fait avec une hilarante grimace – si elle ne veut pas offrir un strip-tease aux passants de cette partie-là du parking…

Le camarade Baptiste Vignol est là. Il est l’heure de prendre des forces. Au retour, la donne a changé : le parking est bondé et, à l’intérieur de la salle, les accès aux places assises sont si embouteillés qu’on ne découvrira Coline Rio que de loin. Dommage parce qu’il semble que la jeune femme possède un univers bien à elle…  

Le public est chaud, lance des “Véro ! Véro !” dans les airs. De bonne augure. 20:40, on distingue Véronique marchant dans le noir vers son piano blanc. Un certain Mexicain avait milité pendant des années pour que Véronique soit la chanson d’ouverture, il a finalement été tardivement entendu. Véronique a beau ne pas être le titre up tempo qu’on trouve généralement en tête de setlist, il surprend et installe un certain climat. Les musiciens arrivent touche par touche. Le décalage entre la fille qui a écrit ces mots et celle qui les chante devant nos yeux est intéressant. La noirceur de cette écriture-là est derrière elle ; elle peut la convoquer sereinement. Véronique, c’est mon nom… Imparable introduction.
 


Ce concert, à la fois plein d’énergie et de nuances, a pourtant bien failli être gâché par l’éternel souci de la réaction du public aux différentes chansons : se lever ou rester assis ? Reviennent en mémoire les “Assis ! Assis !” d’antan… Depuis des lustres, le combat se joue entre les expansifs et les timides, les bien-portants et les moins en forme, les après-moi-le-déluge et les je-pense-à-ceux-qui-sont-derrière-moi, et surtout les je-veux-envoyer-de-l’énergie-à-celle-qui-est-sur-scène et les spectateurs-témoins qui intériorisent leurs émotions…  
 

Tout a commencé sur Drôle de vie quand une partie du public (qui avait déjà dû voir le film) s’est spontanément massée contre la scène. Moment de grâce vite interrompu par des mains sur les épaules : “Veuillez regagner votre place”. Retour manu militari aux petits sièges en plastique orange. Mais du haut de la scène, Véronique n’en a pas perdu une miette et jette un regard noir en direction de la salle. Le type de regard qu’on aurait aimé immortaliser. Elle laisse passer Les délices d’Hollywood et Vancouver, mais avant d’attaquer Amoureuse, elle interroge la salle, l’air de rien : “On vous empêche de vous lever ?”. Ni une, ni deux, elle se dirige vers le vigile le plus proche qui va certainement passer le plus sale moment de sa carrière, contraint de désobéir aux ordres et abdiquer face à une foule qui rapplique à la vitesse de l’éclair, encouragée par Véronique qui lâche un yes de soulagement derrière son piano. Besoin de personne / Quand je me suis fait ma loi… Dopée par les sourires et les bonnes têtes qu’elle voit maintenant de plus près, électrisée par toute cette énergie, elle va donner le meilleur d’elle-même. 
 
On voyait cette nouvelle série de concerts pour la première fois, notant mentalement au passage les étoiles piquées dans le ciel de scène qui rappellent celles du van qui l’avait conduite jusque là, le retour du sketch de l’homme le plus fort du monde (feat. François Constantin), “l’argent de tes cheveux” qui se pose maintenant sur Guillaume Eyango, la divine contribution de Renaud Gensane à Besoin de personne, la formidable reprise de Rien que de l’eau après le départ de Véronique lorsqu’elle décrète qu’elle doit avoir “une tête de folle”… et toutes ces choses, petites ou grandes, qui font qu’on retournera encore et toujours la voir sur scène…
 


Après le show et le debriefing avec les musiciens, c’est l’heure des visites et des cadeaux en loge. Des signatures aussi, sur le Grand livre de la ville cette fois-ci. On jette un regard sur les pages précédentes, les photos collées sur les pages de gauche et les écritures manuscrites des uns et des autres (Élisabeth Borne, Gabriel Attal, des rappeurs…) en belle page. Espiègle, elle est tentée de redessiner une signature au graphisme un peu trop simple. On la retient et elle finit par s’acquitter de son devoir… On la quitte devant la grille du parking. Quelques irréductibles l’attendent avec des rires et des bravos. Elle leur consacrera un moment important…

 Photos © LC

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