• Véronique Sanson | 2023

Véronique Sanson
“De l’autre côté de mon rêve”
Édition remasterisée
50e anniversaire


L’album “De l’autre côté de mon rêve” fête son demi-siècle et refait pour l’occasion un joli tour de piste, enrichi de maquettes inédites et rhabillé au goût du jour (son Dolby Atmos, pochette relookée). L’occasion de se replonger dans le contexte de sa sortie.

En 1972, tout va très vite pour Véronique. Son premier album sort au mois de mars, celui-ci début décembre. Elle enchaine la promo (presse, radios, télés en France, Suisse et Belgique) et découvre la scène (quelques chansons chaque soir pendant un mois au cabaret de la Tour Eiffel avant d’attaquer les choses sérieuses : la première partie de Polnareff en mai et surtout une grande tournée d’été avec Julien Clerc et Pierre Vassiliu – chez qui seront d’ailleurs prises les photos de la pochette originale de “De l’autre côté de mon rêve” dont Véronique ne raffole pas…).
 
Une chose est frappante avec ce disque, Véronique prend de l’assurance vocalement. La différence avec son premier album saute aux oreilles. Et plutôt que d’utiliser des titres déjà maquettés l'année précédente (Clapotis de soleil, la nuit se fait attendre… qu’elle utilisera plus tard), elle enregistre ce qu’elle vient d’écrire et de composer : des textes au plus près de ce qu’elle vit.
 
On ne peut en effet pas décemment évoquer cet album sans parler de Michel Berger, dont il est accessoirement le producteur et directeur artistique. Sa conception, son enregistrement coïncident avec LE grand tournant dans la vie de Véronique, celui qui va générer cette “drôle de vie” qu’elle pressent, ce virage non négocié au préalable. Prise entre deux feux (de l’amour), elle n’a pas encore choisi entre une histoire française un peu trop calme d’un côté (Michel Berger, alors inconnu du grand public) et une histoire américaine qui s’annonce largement trop rock’n’roll de l’autre (Stephen Stills, guitariste américain superstar). Elle se décidera plus tard.
 
Été 1972, Michel et Véronique photographiés par France Gall.
 
Début octobre 1972, une des séances studio pour cet album est d'ailleurs le théâtre de la rencontre des deux hommes que tout oppose – sauf leur amour pour Véronique. De très rares photos prises par Dominic Lamblin (qui travaille chez WEA) en témoignent et une rumeur tenace (mais que Véronique dément catégoriquement aujourd’hui) voudrait que Stills ait enregistré ce jour-là quelques accords. Elle se souvient en revanche que le guitariste américain échangeait avec elle en espagnol, langue que Michel Berger ne parlait pas. Les dés étaient lancés… 
 
Une fois ses voix enregistrées, Véronique disparaît quelques jours avec Stills, laissant Michel Berger terminer le mixage de l’album sans elle. On a longtemps cru qu’elle avait pris là ce fameux aller-simple pour New York mais de nombreux éléments nous incitent à réécrire la temporalité de l’événement. De fait, après cette courte fugue, elle revient auprès de Michel. Ils iront même ensemble au mariage de sa sœur Violaine mi-décembre 1972 et elle verra naître la plupart des titres qui formeront le premier album de Michel, Cœur brisé. Des bandes de travail en studio inédites en attestent.
 
Une chanson de Véronique est rarement intégralement dédiée à quelqu’un – même s’il y a de belles exceptions dans son répertoire, comme Mortelles pensées mais on peut remarquer que, alors qu’ils sont encore ensemble, Véronique Sanson et Michel Berger se parlent déjà par chansons interposées. Elle lui dit de se méfier quand s’allumera l’étincelle de l’infidèle (Toute seule), lui tend le portrait idéal d’un autre homme (Comme je l’imagine) alors que lui envisage déjà son départ (Attends-moi), implore son aide (Donne-moi du courage) mais a déjà tout compris (Si tu t’en vas). Il avouera plus tard en interview avoir songé un temps sortir son premier album et celui de Véronique dans un même coffret… Le destin en décidera autrement : après moult hésitations, elle répondra finalement à l’appel du large juste avant la sortie de ce Cœur brisé et leur dialogue s’intensifiera au fil des années alors même qu’ils seront séparés géographiquement, heureux et malheureux “l’un sans l’autre”. 
 

Variation autour de la photo de la pochette de 1972, avantageusement remplacée, pour cette nouvelle édition, par une photo de Jean-Marie Périer prise à la même époque.
 
Je garderai – le plus longtemps possible j’espère – en mémoire un moment précieux : Véronique printemps 2022 penchée sur un iPad, réécoutant pour la première fois les maquettes insérées dans cette réédition et s’adressant à la jeune Véronique automne 1972 : “Mais ralentis un peu... Va moins vite...”. Dialogue dans les couloirs du temps…
Ce même jour, elle qui a un penchant certain pour les accidents, les choses imparfaites, sélectionnera la maquette de Morale séance tenante (”Celle-là, faut la mettre !”) à cause du moment où elle s’arrête et reprend, avant de donner son accord pour d’autres.
 
Parce qu’elle est à l’époque incroyablement prolifique, on a retrouvé sur la même bande quelques instrumentaux parfaitement inédits, oubliés derrière elle dans la précipitation de son départ mais fort heureusement conservés par Michel Bernholc, qui faisait tourner les magnétos dès qu’elle mettait un pied en studio. En 2020, elle a écrit un texte plutôt sombre sur l’une de ces musiques, qu’on a pu découvrir sur scène sous le titre de Signes. Les autres pourraient également faire l’objet de quelques travaux de remaniement dans le futur et voir le jour une fois leurs paroles écrites – ce qui justifie leur absence dans cette réédition.
 
On n’est pas encore tous appareillés mais il faudra y songer (je ne parle pas de surdité mais de nouvelles technologies)… “De l’autre côté de mon rêve”, album-clé pré-“années américaines”, mérite amplement d’être écouté dans les conditions Dolby Atmos. C’est un peu comme si l’on était en studio avec elle, avec les musiciens. La spatialisation du son déroute d’abord : on se retourne pour savoir si le guitariste n’est pas réellement dans la pièce ! Une expérience qui fait penser à celle de nos aînés découvrant le son stéréo… Hautement recommandée !

Disponibles depuis le 8 décembre 2022 :
Versions digitales 16 & 24 bits de l’album remasterisé
Version digitale Dolby Atmos sur Apple avec une exclusivité de 14 jours
 
Disponibles depuis le 20 janvier 2023 :
Vinyle translucide & édition Deluxe CD + Blu-ray audio Dolby Atmos
 
 
Variation autour d’une photo de la même série que celle de la nouvelle édition, également signée Jean-Marie Périer
 

3 commentaires:

  1. Joli compte-rendu, merci Laurent !

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  2. Et voilà ! Je suis impatient maintenant que j'ai lu ça ! Et pressé aussi de savoir ce que vont devenir les instrumentaux inédits...
    Merci Lolo 🙏
    Domi

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  3. Qu'est ce que j'aime lire tes chroniques truffées de delicieuses anecdotes ❤ Et ces maquettes, un enchantement. Impatiente de les découvrir dans un nouvel habit ! Merci !❤🙏

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