• “Dignes, dingues, donc…” | 2016


Véronique Sanson
Dignes, dingues, donc…
 
4 novembre 2016

 
Dignes, dingues, donc… alias DDD est enfin dans les bacs… donc ! Dix titres et pas un qui ressemble à l’autre ! Un album éclectique… donc (après j’arrête) au parcours inhabituel : initié, comme son prédécesseur, par une chanson de Violaine, il a été percuté de plein fouet par la célébration des “années américaines”, sa préparation, sa promotion, une première tournée, puis une seconde… Une mise entre parenthèses d’un an et demi ! Tout ça à cause d’un livre, pas mal au demeurant… ;-)))

Décembre 2012, juste après les shows de la Salle Pleyel, on revoit Violaine derrière le Bösendorfer du salon de Triel, bientôt rejointe par sa p’tite sœur, interpréter une de ses compositions, qui ne s’appelle pas encore L’écume de ma mémoire*… La chanson va trotter dans la tête de Véronique plusieurs mois avant de subir quelques transformations, jusqu’à virer manouche l’année suivante. Germe alors l’idée d’inviter le fiston Dutronc pour un solo, mais il est un peu occupé et c’est lors des Francofolies de La Rochelle (2014) auxquelles ils participent tous les deux, que sera finalement réalisée la prise de son studio. À l’époque, on pense encore à une sortie imminente de l’album…  

En studio à Rochefort avec Thomas Dutronc,
juillet 2014 © Franck Moreau.
[Update 2017 : à noter, sur la gauche, la présence de Danièle Molko, disparue en janvier 2017]

Album qui s’ouvre sur un titre carillonnant (comme l’a écrit Éric Bureau pour Le Parisien), à l’énergie pop presque sixties (on rêve d’un remix avec force cloches !). Comme Véronique le raconte à Didier Varrod dans l’EPK, le thème vient de loin : elle la composé à l’aube des années 1970. Il s’agit de la partie flûte de son concerto toujours inédit, transposée au piano. Véronique n’écrivant pas la musique, les trois mouvements ont été consignés par trois musiciens différents. Un mouvement a été retrouvé chez la fille de Michel Bernholc, un autre chez la veuve de Christian Bellest, qui habite le même appartement depuis l’époque où y ont été déposées ces partitions et se souvient avec émotion de Véronique et Michel dans son couloir, lui dans un grand manteau de fourrure… Le troisième na pas encore été retrouvé. 
Mais revenons à la chanson : Véronique a utilisé le peps de ce thème pour partir en croisade contre tous les interdits, les religieux en première ligne bien sûr, fustigeant gentiment jusqu’à leurs costumes… Ce qui lui vaut aujourd’hui quelques misérables titres sensationnalistes sur le net, preuve s’il en était besoin, de la mauvaise foi (j’suis pas mécontent de celle-là) de certains médias racoleurs en diable (re-)**, ainsi que de se faire traiter, par des gens qui préfèrent rester anonymes, de “collabo”, elle, fille de résistants de la première heure ! (voir tweets du 5 novembre ci-dessous)


La chanson avait déjà bénéficié d’un discret éclairage en exclu dans le documentaire de Mireille Dumas (Véronique Sanson, Pierre Palmade, Drôle de vie, diffusé en janvier 2015). Elle a tout d’une locomotive pour album et, sur scène en première mondiale lors des Talents France Bleu, on a pu se rendre compte de sa puissance : une vraie tornade !  

Avec Docteur Jedi et Mister Kill, on entre dans le vif du sujet : violence, meurtre, déclaration de guerre, absence de remords… You name it! Passage à l’anglais volontaire : la musique, signée de Christopher, avait d’abord inspiré à Véronique un texte dans la langue de Jack l’Éventreur, avant qu’elle se ravise : “Je ne veux plus chanter en anglais. Les gens ne parlent plus notre langue et c’est très grave.” Dont acte. Mais elle conservera son accent américain sur les mots fatiguée et dévastée qui figuraient déjà en français dans le texte de la version originale (“so fatiguée, so dévastée”), énigmatiques vestiges semés dans un polar-blues servi par la belle noirceur des guitares.  


La recette du succès d’une chanson restera longtemps un insondable mystère ! Le choix par la maison de disque de Et je l’appelle encore comme premier single n’avait rien d’évident. On aurait pu imaginer un titre up tempo pour surfer sur la vague des concerts de 2015, et pourtant celui-ci fonctionne parfaitement. Presque classique (avec davantage de notes de piano, on frisait la ritournelle), la jolie composition de Mehdi Benjelloun s’est envolée un peu plus haut encore avec l’arrivée des cordes (Franck Monbaylet). Véronique a levé les yeux vers le grand portrait de sa mère au mur de son salon et a mis en mots ce manque d’elle, cette impossibilité de composer un numéro de téléphone pour la joindre et ce désir toujours présent de lui parler, de lui demander conseil. La chanson est arrivée très tôt dans la préparation de l’album (février 2013) et sa version live, toujours aux Talents France Bleu, nous a tout bonnement donné l’impression que Véronique interprétait là un de ses golds (comme on dit maintenant).

Si Ces moments-là vous fait penser à une petite sœur de Rien que de l’eau, c'est tout à fait légitime : Bernard Swell est l’auteur des deux. Un titre au sympathique parfum fin de siècle dernier un supplément d’éclectisme qui ne dénote pas dans l’album. Le “Dans ces” des refrains répétés avant l’arrivée de “moments-là” est assez finaud : on pense d’abord à une invitation à bouger ! Un single radio potentiel [Update janvier 2017 au moment du choix de ce titre pour 2e single, Bernard Swell à propos de ce choix : “Perfect timing pour sortir ce titre en single, il semble, vu les manifestations de Washington et d'ailleurs – ah le "fuck you!" de Madonna, trop bon, non ? Pour les images il s'agit des femmes d'Argentine bien sûr, mais c'est tout autant Pussy Riot, Femen, Simone de Beauvoir, Patti Smith, Elisabeth Badinter, les putes des boulevards, les Africaines, les Indiennes, les Saoudiennes, les infirmières, bref les femmes, les filles, ma femme, mes filles et... Vero qui ne cessent de m'inspirer le respect et l'admiration dont je parle avec enthousiasme dans cette chanson.”]

Des X et des I grecs est ce fameux “texte noir” écrit par Véronique en 2007 et qui n’a pris forme quau printemps 2016. Quand elle dit en interview : Mes amis me disaient Ne la chante surtout pas” (Le JDD), c’était bien sûr avant qu’elle le mette en musique ! Le texte, il est vrai, ne correspond en rien à la Véronique daujourdhui. Elle a pris le temps de le laisser mûrir pour mieux le transcender, et y inviter le sax de Yannick Soccal le temps d’un pont totalement ovni, mais qui s’intègre tellement bien dans la composition.


Sans foi ni loi est née en juin 2013. Textes à tiroirs, licats, sur un thème musical qui a également une histoire – elle le surnommait depuis quelques années le “sifflotis des familles : il correspond au signe de ralliement que sifflait son père lorsque la famille se perdait dans une foule. La chanson suit une belle progression rythmique, on voit presque arriver les “fumées poudrées”… Véronique, on le sait, est une amoureuse dingue des mots, mais pas forcément une spécialiste du jeu de mots dans ses textes (alors que dans la vie, oui !). Ici, l’air de rien, elle en glisse un ptit (Le sort en était gelé), discrètement, joliment. On en trouve également dans Dignes, dingues, donc… (Et des badernes austères) ou dans Lécume de ma mémoire (On na jamais pu croire à notre blague au doigt).
De manière générale, et particulièrement chez Véronique, les textes de chansons ne sont faits ni pour être lus, ni pour être disséqués. Ils ne prennent vie et sens que le temps de l’écoute d’une chanson, souvent plus subtilement qu’on veut bien l’admettre : portés par la mélodie, la voix et les instruments, leur sonorité rejoint le grand tout de la musique, fait naître des images mentales que l’on comprend d’abord de façon diffuse, puis beaucoup plus limpide. Une compréhension bien au-delà des mots 
 
Zéro de conduite est un dialogue féminin avec “une petite sœur” incarnée par Zaz, qui a enregistré ses voix pendant l’été 2014. Véronique est totalement admirative de sa voix, de son énergie.
© Christian Meilhan, 22 juin 2014

Présent à la basse sur le reste de l’album mais pas que…, Dominique Bertram signe la musique de Et s’il était une fois sur laquelle Véronique a écrit des paroles en juillet 2013. Le titre de travail était Tambours hurlants. Comment sonner sur un rythme pareil debout derrière un micro, sans public ? En studio, Véronique lancera au preneur de son : “Enregistrez-moi sur scène, je vous le fais en 2 minutes !”

Le dernier titre enregistré pour l’album est aussi le dernier de la tracklist, c’est La loi des poules ! L’idée du texte est peu banale : en plus de ses trois chiens et trois chats, Véronique a deux poules qui vivent en semi-liberté et donnent des œufs “hors de ce monde” (beaucoup de jaune). Or l’une delles a été retrouvée un après-midi se noyant dans le bassin ! Sauvetage, sèche-cheveux, installation sur le radiateur de la cuisine jusqu’à rétablissement complet… L’incident a généré un texte loufoque qui colle parfaitement à une musique héritée de l’écoute intensive des Double Six (chœurs arrangés par Tony Bonfils). On revoit Véronique fumant à la fenêtre au 1er étage du Trianon avant son passage sur scène avec Grand Corps Malade en juin dernier, débordant d’enthousiasme à l’idée de faire découvrir cette chanson quelle venait tout juste de pondre ! Elle tient bien sûr à la chanter sur scène : là où il n’y a pas de défi, il n’y a pas de plaisir…


Ayant vu naître les chansons les unes après les autres, je manque sans doute de recul pour en parler mais, lors de la toute première écoute de l’album tel qu’il existe aujourd’hui, m’est apparu cette évidence qu’elles avaient toutes trouvé leur place et formaient un magnifique album.
Sobrement habillé de noir sur fond blanc, avec ses 3 couleurs et son logo des 3D, Dignes, dingues, donc… mérite amplement l’accueil dingue qui lui est fait [update 2017 : l’album a dépassé les 75 000 exemplaires vendus]. Reste à attendre quelques mois jusqu’aux premiers concerts, nouvelles vies pour ces nouveaux titres…


* À noter, Véronique utilisera l’expression pour qualifier “les auteurs de son livre” dans sa préface manuscrite.
** Au moins, France-Dimanche qui titre cette semaine “Véronique Sanson foudroyée par une méningite” ne manque-t-il pas d’humour ! Ce n’est pas faux mais c’est arrivé quand elle avait 15 ans !!!

2 commentaires:

  1. Quest ce que j'adorerais écrire Aussi bien ! Mais cela sera Jamais le cas

    RépondreSupprimer
  2. Un album qui fera date dans la lignée de "Sans regrets" de 1992 . merci pour ce blog consacré à Véronique Sanson . Si vous aimez Catherine Lara ou encore Jean Ferrat, j'en parle actuellement.

    RépondreSupprimer