La-Frette-sur-Seine. 20h30 environ. Nuit noire, banlieue déserte. Et l’écho de mes pas qui résonnent dans les rues sinistres… Brrrr
Numéro 10. Je sonne. La porte s’ouvre seule et un grand chien noir me suit jusqu’au perron. La maison est immense. Des pièces très vastes (Véronique me dira plus tard qu’elle lui rappelle Orgeval).
Dans un couloir carrelé noir et blanc, Titou (tout content de figurer dans Rolling Stone aux côtés de son père) et Adrien (le fils d’Étienne [Chicot]) se poursuivent, juchés sur des tabourets roulants. Véronique est dans la cuisine. Cheveux bouclés, lunettes rondes, sweat-shirt et jeans, elle cherche de l’huile pour faire cuire un immense rôti de veau, avant de me préparer un pansement maison – le chien ayant par mégarde planté ses crocs dans mon pouce gauche, le transformant en un petit tas de chair sanguinolant… Bel accueil !
C’est donc dans cette maison (au sous-sol), que se prépare dans le plus grand secret, l’Album de la rentrée, celui que tout le monde attend…
Véronique est contente de la pochette. C’est un de ses amis peintre qui a fait le cliché : “On n’a pas eu besoin de faire quatre pellicules, trois clichés seulement, et puis il a peint dessus, la mèche plus blonde, les lèvres plus rouges, le visage plus blanc”.
Le résultat, à l’heure où vous lisez ces lignes, vous l’avez bien en vue sur votre pile d’albums : une pochette très féminine, un peu racoleuse. Un peu orientale aussi.
Suivez-nous maintenant à la cave – attention à éviter Titou, maintenant au volant d’une voiture à pédales… Là, changement d’ambiance total. La salle est partagée en trois, quatre pièces séparées par des portes de verre. On passe devant le grand piano noir pour aller dans la pièce du fond où Didier [Périer], le maître des lieux, effectue la prise de son des caisses claires et des toms pour un morceau plutôt boggie. Sur la bande, la voix de Véronique n’est placée qu’en voix-témoin, les textes y figureront plus tard. Le batteur, patient, reprend pour la 20e fois le même morceau de sa partition. Étienne aimerait un son très métallique, très anglais. On règle l’ampli. On recommence. Cette fois, c’est bon. On avance la bande et, petit à petit, le morceau prend forme, fruit d’un travail méticuleux.
Véronique a deux minutes. J’en profite pour l’asseoir avec Titou et un petit chat qui ronronne plus fort que le réacteur d’un Boeing au décollage dans un des fauteuils du salon. Séance de pause improvisée et… écourtée par l’instinct cuisinier de Véronique qui réalise que les frites ne doivent pas être loin d’être carbonisées…
Si vous n’avez jamais assisté à l’enregistrement d’une émission de télévision, il faut tout de même que je vous raconte !
Prenons l’exemple de Champions (sur TF1, le dimanche), enregistrée en direct du studio 102 de la Maison de la radio. Première chose : dans le courant de la semaine précédant le dimanche choisi, vous lever aux horreurs pour retirer les invitations. Puis, le grand jour enfin arrivé, vous munir d’une patience d’ange pour ne pas être tenté d’étrangler les chasseurs d’orthographe d’Annie Cordy et de Jean-Jacques Goldman (ils sont redoutables !) avec lesquels – si vous tenez à être bien placé –vous aurez à faire la queue deux heures durant… Ensuite, une fois assis, commencera l’attente. Sous vos yeux éblouis : le plateau (ses caméras, ses câbles, son décor kitch et les voix off de la régie)… et à vos côtés, votre voisine qui règle son Instamatic pour ne pas rater le sourire de Mireille Mathieu !
Apparaît alors quelqu’un qui va vous faire un long speech suivi d’une séance de répétition d’applaudissements (vous donnant le sentiment que vous allez jouer un rôle important dans ce qui va se dérouler…).
“Antenne dans une minute 15 secondes”. Votre cœur bat plus fort. L’émission commence, et vous êtes là, en direct ! Ce n’est qu’à cette seconde que vous mesurez l’étendue de votre désappointement. Non seulement il y a 30 caméras sur votre artiste préféré (et donc aucune chance de l’apercevoir), mais en plus, il chante en play-back.
Conclusion : vous seriez tout aussi bien chez vous.
Soyons sérieux et jeton plutôt un coup d’œil sur l’entrée des artistes. Là, après avoir montré patte blanche, vous vous enfilé dans un dédale de couloirs qui mène aux loges. La porte s’ouvre et Véronique sort. Déjà maquillée et habillée (T-shirt noir, pantalon à damiers black and white, hauts talons mauves), elle se dirige vers le plateau, encadrée par son attaché de presse et par Katia [Miramon]. Au bas de l’escalier, un buffet improvisé devant lequel discutent des assistants, des gens de télé… et Jean-Marie Rivière, qui salue Véronique en l’invitant à passer le soir de son choix boire un verre à l’alcazar (invitation retournée par Véronique qui lui propose de venir un soir à l’Olympia).
Conversation interrompue : Véro passe dans 10 minutes. Elle doit donc se rendre sur le plateau, en longeant (sur la pointe des pieds – c’est du direct) le dos des décors.
La voici devant un écran télé, suivant la retransmission des championnats de gymnastique, un anorak rouge jeté sur ses épaules (a rapprocher du fait qu’un courant d’air glacé nous fait tous frissonner des pieds à la tête). Willy Anderson, déjà sur le plateau, est planqué derrière un élément du décor (il n’apparaîtra qu’à la moitié de la chanson).
Sur l’écran, maintenant, Michel Denisot annonce le grand retour de Véronique Sanson avec un tout nouveau titre (l’émouvant Le temps est assassin). Véronique pose son anorak, quitte le monde des mortels pour s’avancer sous la magie des projecteurs, un large sourire aux lèvres. Face aux claviers derrière lesquels elle s’installe, quelques cameramen dont un juché sur un escabeau (pour les prises de vue en plongée).
Nous nous sommes déplacés face au plateau pour suivre la prestation. Bel effort d’imagination de la part de Véronique pour humaniser l’œil de la caméra auquel elle adresse ses textes tourmentés…
Les dernières notes envolées, elle rejoint Denisot. Juste le temps de faire deux-trois clichés et on la retrouve sur le chemin de sa loge, inquiète de savoir si elle a réussi son playback (étant donné le fait qu’elle l’interprète pour la première fois en télé).
Au dehors, quelques “piliers” des enregistrements télé attendent, armés de leur carnet et de leur Instamatic. Véronique signe et pause, adorable…
Rueil. Ce soir, c’est la toute première date du VéroTour 83. La salle est neuve, pas trop grande, et la scène est plutôt belle : blanche, tachetée de noir, avec une colonne au fond à gauche. À droite trône, sans âme, le grand piano noir qui attend sagement les accords du soir.
Dans l’après-midi, pendant les répétitions, Véronique a reçu FR3 (et ses diffusions surprise : l’émission étant finalement passé le 16 au lieu du 18 annoncé), et les gens de Chanson 83. Elle n’avait pas l’air trop traqueuse. Tout le monde est pourtant un peu tendu ce soir… Les musiciens sont nouveaux, le répertoire a été (un peu) remanié et deux titres flambant neufs sont inscrits sur la liste (à droite, du tabouret, par terre sur scène !). Être angoissé, c’est compter sans le pouvoir scénique de Véronique. Une voix qui, ce soir encore, va faire mouche, et une immense présence.
“Bonsoir ! Ça fait deux ans, et demi que je n’ai pas fait de scène, c’est vous dire si j’ai envie de jouer pour vous ce soir !”. Véronique vient de prendre place derrière le piano. Ses quelques mots ont rebondi dans la salle, qui a bien réagi. Elle attaque avec Besoin de personne. Le show de cette année est construit de la manière suivante : deux parties dont la première se termine par les titres-piano et dont la seconde est destinée à remuer le public.
Ce soir, les chansons-piano, nous montreront de façon presque cruelle la désarmante sincérité de Véronique sur scène, les mots qui blessent la gorge avant de se poser sur les notes du piano noir. L’émotion dans la salle n’en est pas moins réelle et c’est à tout rompre que Véronique se verra ovationnée pour cette performance, remerciant ces vagues de chaleur par des sourires touchants : “Vous savez, je les chante avec tout mon cœur”.
Remontant des bas fonds du pathétique, Véronique avait bien préparé sa partie fun – quelques titres bien enchaînés, certains ayant subi de nouveaux arrangements : Vancouver et sa dernière note (“et je rêve”) qui arrache des frissons, et la fin du Maudit, revisited. Également bienvenu le nouveau titre (une bonne partie de la salle connaissant déjà Le temps est assassin) : Boogie Loulou [Avec un homme comme toi]. “Oh, je sais, vous allez dire que vous n’l’aimez pas (protestation unanime), mais moi j’l’aime bien !”. Le contraste avec Le temps est assassin est total. Autant l’une à tout de la chanson-qui-tue (écoutez la deux fois de suite un soir de cafard et on vous retrouvera “le souffle en l’air”), autant l’autre est le type même de la chanson-vitamine, chanson-bonne humeur. Le rythme est totalement boogie et les textes plutôt déroutants pour du Véronique Sanson. “Ce que je peux vous dire, c’est que vous êtes les premiers à l’entendre”.
Pour une première, celle-ci est plutôt réussie (les musiciens sont un peu paralysés de trac – except Willy – mais ça ira mieux les jours suivants… Il manque tout de même une petite fausse note, quelque chose qui nous montrerait que tout n’est pas encore tout à fait au point… Et c’est Willy qui va nous l’offrir en mettant les plans de guitare de On attend là-bas dans l’intro de Bernard’s Song ! Quelques mots glissés à l’oreille par Véronique, quelques sourires dans le public, ravi, et le show a suivi son cours jusqu’à la logique des rappels, dont le dernier est un petit nouveau, It Ain’t Necessarily So, hommage de Véro à Gershwin, et véritable prouesse vocale.
Deux mots sur l’after show : Diane Tell (qui prête à Véro son clavier, Stephane [Montanaro], pour l’Olympia), venue la féliciter, et la légende sur l’affiche collée à l’entrée des loges : les organisateurs locaux ayant écrit “Bienvenue à Véronique et à son équipe”, elle a dessiné une bulle sortant des lèvres : “Merci pour cet accueil charmant”.










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