• Véronique Sanson | Asnières 2025

Les Nuits Étoilées
Asnières-sur-Seine
24 juin 2025


Par définition, on se méfiait des concerts gratuits dans le cadre de la Fête de la Musique. Souvenir d’un calamiteux Malakoff en 2008 dans un stade rempli de gamins qui courraient dans tous les sens au milieu des fumées et odeurs de barbecues de merguez improvisés et, une fois la dernière note jouée, l’arrivée de mecs cagoulés déboulant sur scène pour piquer les instruments ! L’année suivante, c’était un décevant Ivry-sur-Seine avec une Véronique en petite forme. En juin 2023, c’est la pluie qui avait saboté la fête à Vitry – même si elle avait donné lieu à des sketchs sympas (Véro et sa serviette sur la tête). Le cru 2025 allait s’avérer très réussi, à ranger plutôt au côté d’un souvenir bien plus cool que les sus-nommés : Aulnay-sous-Bois 1977 (pour les vétérans). 
 

On arrive vers 16:30. Sur le chemin, une maison avec des arbres qui sortent des fenêtres, aperçue dans une chaleur accablante. Le feu du ciel, rien de moins. Face à l’Hôtel de ville, le Basilou est attablé devant un verre avec sa moitié. On s’invite juste avant qu’il nous quitte pour cause de balances. On le rejoindra. 
 

Véronique vient d’arriver. Sa loge est l’une des tentes blanches au pied de la scène. L’ambiance est bonne. Mehdi teste le son du piano avec La groupie du pianiste – gag classique mais qui fonctionne toujours. Sur le parvis, le soleil tabasse. Malgré tout, un public amateur de bonne musique se tient déjà le long des grilles, guettant l’arrivée de celle qui vient “honorer la ville de sa présence”, comme l’annoncera le maire d’Asnières juste avant le show. De peur que mon appareil photo prenne feu, je me réfugie à l’ombre de la régie plateau. 
 

Pull confortable chouchou de sa garde-robe depuis des lustres, pantalon jaune, lunettes noires et solides chaussures lacées, Véronique rejoint le piano. Le soundcheck peut commencer. Y’a débat à propos de Marie. Dodo propose d’en sucrer un refrain – on le soutient mentalement – mais Véronique tient bon jusqu’à consentir à faire un essai qui n’a pas l’air de lui déplaire… mais qui ne sera pas transformé le soir-même puisqu’elle doublera (par habitude ?) le refrain en question…  
 
 
 
Exceptionnellement nanti d’un passe photo, je suis à ses pieds lorsqu’elle répète On m’attend là-bas, priant le dieu des vents pour qu’il souffle dans ses cheveux (coupés un peu plus courts la semaine précédente). En la regardant, on réalise qu’on pourrait très bien être dans les seventies : il faudra bien écrire la date sur le dossier du Mac…  


Le temps imparti est écoulé, elle n’a pas le temps de répéter les piano-voix (au petit nombre de deux dans la setlist format festival). Retour en loge. On s’éclipse.
 
La belle Violaine est là, casque de moto sous le bras. Attablé avec Yann, Mexicain en visite annuelle en France, on la voit débarquer en grande forme avec une copine de 30 ans, conseillère municipale qui n’est pas pour rien dans l’événement du soir et entre les mains de laquelle elle me laisse. Direction l’intérieur de la mairie pour faire des photos du premier, voire du deuxième étage. On se laisse faire. Le bâtiment est splendide, l’escalier a du cachet avec son tapis rouge classique et le plafond peint est magnifique. Fred Sitbon, sympathique photographe de la mairie, explique que si on est plein au bas des marches à gauche et tout au fond à droite, on a 10 000 personnes sous les yeux. Impressionnant. 
 

L’équipe de la mairie monte sur scène à l’heure dite. Petit discours convenu des uns et des autres avant que le micro n’atterrisse dans les mains de Violaine : “C’est ma petite sœur, elle est dans sa loge morte de trac, elle est hyper contente d’être là… alors rassurez-là”. Bien joué : le public déjà bien chaud balance “Véro, Véro !”. Chouette concert en vue. 
 
 
Les fenêtres de la mairie se garnissent de monde, et puis on a envie de voir l’animal de plus près : on sort. Dans la fosse aux lions, pas facile de jouer des coudes pour se rapprocher de la scène : on repasse côté coulisse pour réintégrer la régie plateau (en se faisant le plus petit possible pour ne pas gêner ceux qui bossent), gagnant en visibilité ce qu’on perd en qualité de son : on est à un mètre de la batterie et des guitares, mais avec la tornade blonde droit devant. La proximité avec Dodo, Basile et JB va permettre d’apprécier leur travail – le piano, la voix et les cuivres étant relégués à l’arrière-plan.  
 
© Claire Vervier

Malgré la chaleur, Véronique est à l’aise dans son élément – celui qui compte le plus à ses yeux et à ses oreilles : la musique. Quand on l’accompagne en promo, on a parfois l’impression de la conduire à l’abattoir. Ici elle respire, se nourrit, reprend des forces. 
 
 
 

Lorsqu’elle quitte le piano, déménager semble être la bonne option. Direction le public, vaste forêt de portables brandis en direction de l’idole. Tapi sur le côté, on avait sous-estimé la puissance des enceintes. Énorme pulsation mais good vibration. Impression que le cœur est sorti de sa poitrine et cogne à l’air libre.  
 
 
Voici venir les tant attendus moments piano-voix. La scène est libre, on s’enhardit et court se planquer derrière la batterie désertée. Le moment est sacré. Elle est à deux mètres, dans un angle plutôt rare sur les photos, mais voilà que le chargeur clignote sur l’écran pile à la fin de Ma révérence. Gasp ! Vite fouiller dans le sac pour chercher celui de rechange et ne pas rater la lumière bleue sur Bahia.
 

La magnifique Salle des mariages nous attend ensuite. Ce qui donne des idées à Violaine qui propose d’épouser Yann sur le champ. Les z’heureux z’époux posent avec leurs témoins devant un maire désigné pour la circonstance. On ne sablera pas le champagne ce soir : il fait très chaud et il reste juste un peu de jus d’orange au buffet, pas même une goutte d’eau…
 

Fanny Kegenne-Herlet montre ses photos du concert et enchaîne avec d’autres dans la superbe Salle des mariages : Véronique passant de mains en mains, présentée au maire et à ses différents conseillers, tous archi-fans. Il faudra surveiller le prochain bulletin municipal… Le temps d’un mot, d’une attention, d’un selfie pour chacun et on la regarde s’éloigner dans la nuit, prête pour de nouvelles aventures… 
 
 
 
Le bleu n’étant finalement pas si seyant, on tente une approche dorée…
 

• Véronique Sanson | 2025 promo

“28 minutes”, Arte
28 mai 2025


Enfin, pour une fois, quelque chose d’un peu excitant dans le calendrier promo de Véronique ! Soyons clairs, qu’elle fasse Reichmann ou Drucker, on s’en bat un peu les flancs, mais qu’elle soit reçue dans l’émission que je regarde tous les soirs, là je bloque la semaine.

28 minutes est un espace ludique de débats ouverts et bien structurés entre journalistes respectueux qui ne cherchent pas le buzz à tout crin et qui ont l’air de former une véritable famille ayant du plaisir à travailler ensemble et qu’on a, par ricochet, plaisir à retrouver. En outre, en ces temps diaboliques où être de gauche est devenu une insulte, l’émission constitue un formidable rempart face à la propagande organisée par les médias bollorisés. On soutient.

Mardi après-midi, 16:30, un immeuble moderne dans une rue tranquille du 17e arrondissement. Devant la porte, l’essayiste Isabelle Saporta sur son smartphone et un vigile qui m’indique le chemin (après vérification d’identité). Deux étages plus bas, Véronique est déjà en phase de maquillage. On pourrait glisser ici un paragraphe, que dis-je un chapitre, sur la notion du temps et Véronique : elle n’a aucune, mais vraiment aucune, idée de ce que le temps peut être, vit dans un présent perpétuel (ce qui est sans doute magique) et compte donc sur son entourage pour la ramener à la réalité quand il le faut. Entourage qui a, une fois de plus, bien fait les choses :
elle est à l’heure…

La maitresse des lieux, l’incontournable Élisabeth Quin, vient se présenter, serrer la main de tout un chacun et dire à Véronique combien elle est ravie de la voir. Elle jette un coup d’œil à la table basse, ironise sur ce qui ressemble à un “goûter d’enfants”.

La loge est grande mais sans fenêtre. Pour fumer, il faut aller à l’air libre et le détecteur de fumée n’a pas l’air sympa : si on le cherche, il se déclenchera dans une autre pièce, nous avertit-on. Solution de repli : l’étouffer sous une paire de chaussettes, ce qui sera fait sans délai mais n’empêchera pas un déclenchement tardif, juste avant de quitter les lieux…

Coiffeur, assistante, attachée de presse, tout le monde fume dans cette équipe et on les suit malgré tout dans la cour. Au retour, rencontre inopinée avec Xavier Mauduit. Au risque de passer pour un fan vaguement attardé, je ne résiste pas au plaisir de le féliciter pour ses chroniques. Fidèle à son image sur écran, il raconte trouver son idée à 5 h du matin et avoir hâte comme un gamin d’en révéler le contenu à Élisabeth le soir-même, et trouver bien sûr le jeu de mots énorme qu’il n’oublie jamais de balancer en fin de chronique.

Véronique hésite sur les tenues. Comme souvent, elle en a apporté deux : jeans et veste noire qui brille ou pantalon noir avec veste un poil plus habillée. Et comme souvent, elle préfère une solution médiane : “Je ne mets pas de veste”. Bruit de fond contre l’option choisie, elle finit par céder, enfilant la veste qui brille par endroits sur son tee-shirt et son gilet avec des pin’s étoiles au revers.
 

17:45, on vient l’équiper, elle est fin prête pour rejoindre le plateau avec un arrêt en chemin pour filmer sa sortie de loge. Le plateau est magnifique. Anna N’Diaye et Frédéric Says sont déjà autour de la table. Véronique les salue. On vérifie l’image à l’écran. Il semble que le make up soit un peu fort sur les joues, on estompe – mais globalement elle est bien mieux maquillée que chez Drucker (où elle était
trop pâle, question de lumière apparemment). On se remémore Kanou qui vérifiait tout cela à la loupe. Entre Angélique et Vincence (96B), elle a de dignes héritières aujourd’hui.

Elisabeth Quin taquine Véronique, la traite de badass mais prononce le mot à la française et se fait reprendre direct avec l’accent américain : “Ah, baaaadass!”. Elles se marrent, le courant passe. Chose très rare : de retour en loge, Véronique demandera une feuille de papier et un stylo pour lui écrire, très concentrée, un petit mot. La feuille pliée en deux, elle écrira simplement dessus “Pour Élisabeth the Queen” avant de la remettre à une assistante.
 

Le tournage peut commencer, dans les conditions du direct : il n’y aura pas de montage. Comme souvent, je reste sur le plateau, planqué derrière une des caméras. Magnéto “Profil idéal” après une définition de mots-croisés signée Georges Perec, questions, extraits live pour la promo des festivals et de la tournée, intervention d’Anna N’Diaye à propos d’un exosquelette pour aider à faire travailler ses doigts au piano et de Frédéric Says qui demande à Véronique si elle ne considère pas que la société actuelle nous infantilise… C’est déjà fini. Annonce de la suite de l’émission et pause. Véronique veut dire à Anna N’Diaye qu’elle n'a rien compris à cette histoire d’exosquelette. On est obligé de les interrompre pour faire entrer les participants au débat qui doit suivre, débat sur les loups.
 

Sur le chemin du retour en loge – merci aux dieux du Paf – on tombe sur l’épatante (et très jolie) Marie Bonnisseau. Ça a l'air d’une banalité extrême d’écrire ça mais c’est réellement gratifiant de pouvoir dire aux gens tout le bien qu’on pense d’eux. 
 
Deux jeunes gens (des stagiaires ?) viennent demander des autographes que Véronique signe de bon cœur. On remonte vers la sortie. Une dernière cigarette pour la route. À la lumière du jour, ça flashe sévère entre le manteau de cuir, le chapeau et les lunettes noires. On fait quelques photos à la volée. L’une d’elles devrait pouvoir faire le job sur les réseaux…
 

Plus tard, sur Instagram, elle partage en MP ce visuel – sans doute pas tout à fait innocemment, comme tout ce qu’elle fait…


L'émission est en replay ici.



• Schnock Sheila | 2025

“Schnock” n° 54
Grand Dossier Sheila
5 mars 2025
 
Bon on va pas se mentir, écrire pour Schnock, c’est très très cool. On peut y lâcher des infos qu’on ne lira pas ailleurs, glisser des réfs sans avoir à les expliquer, ignorer royalement le premier degré tout en restant pointu et le plus exhaustif possible. Ce préambule pour expliquer (s’il le fallait) que quand l’opportunité d’y écrire se présente, on ne dit pas non – a fortiori si c’est sur un sujet qui ne nous est pas tout à fait inconnu.

Attention, coming out : j’ai été fan de Sheila dans ma tendre enfance. J’en étais à recopier les textes de ses chansons (pas le plus important dans l’histoire, on est d’accord) dans un petit cahier cousu main. On parle d’une époque où je faisais semblant de m’endormir en attendant que ma mère vienne me chercher un peu plus tard 
sans réveiller mes deux sœurs (plus jeunes) pour pouvoir mater les guyluxeries où elle apparaissait – c’est-à-dire une semaine sur deux. Son entrain, sa perpétuelle bonne humeur, son côté hyper sain, ses 45 tours numérotés, tout était parfait pour séduire les gamins de l’époque. Elle était un peu notre Chantal Goya – en plus sportive, en moins gnangnan – mais bizarrement, à l’école, on avait un peu honte de dire qu’on l’aimait bien… 


En 1985, j'avais même accompagné Katia Miramon (ex-assistante de Véronique) au Zénith pour sa première scène parisienne depuis ses débuts si je ne m’abuse. Pas de souvenir marquant de cet épisode. Ensuite, en 2012, j’étais allé la voir à l’Olympia avec le camarade Mathieu Rosaz (chronique à lire ici), puis au Casino de Paris en 2017 avec Éric Chemouny. On s’était retrouvé en coulisses avec Didier Varrod et on avait prévenu Sheila qu’on la reverrait sous peu à l’Olympia de Véronique – ce qui fut fait (photo mythique ici).
 
Mais revenons à Schnock. La proposition portant sur Claude Carrère est tombée fin août 2024. Un peu de temps pour écrire donc, mais avec un impératif auto-imposé : ne pas trop charger la bête sachant que, de son passage sur Terre, le brave homme n’avait pas laissé que de bons souvenirs et que trouver des gens pour en dire du bien allait se révéler compliqué – à commencer par Sheila herself. Parlant de Carrère, on ne pouvait décemment pas faire l’impasse sur “Mémé” Ibach, qu’on retrouve dans un encadré en fin d’article. Côté mise en page, on est toujours gâté (merci Mr Choubi) et ne ratez pas la légende de la photo page 79, signée Alister – who else?
 

Journal de Sheila, juin 1968
 
Le Grand Dossier (une centaine de pages quand même) comporte aussi un long entretien avec Sheila (par Sophie Delassein, du Nouvel Obs), deux interviews de l’ami Baptiste Vignol (formidable Jean-Marie Périer, quintessence du schnock, et surprenante Pamela Forrest). L’illustration page 93 permet de nuancer l’antienne qui voudrait que des fans aient d’eux-mêmes reconnu la voix de Sheila dans Love Me Baby et aient appelé RTL en masse : une pub judicieusement placée dans le Journal de Sheila les y a tout de même fortement aidés…  
 
Il y a aussi un papier sur les coiffures de Sheila à travers les âges avec le point de vue de coiffeurs. Trop court, jeune homme ! On aurait aussi voulu les années 80 et suivantes…
 

Soyons réaliste, on ne s’est jamais vraiment bousculé pour faire un disque hommage à Sheila, pour reprendre et valoriser ses tubes vendus à des centaines de milliers d’exemplaires à leur sortie en 45 tours. Alister a pourtant réussi à aligner un Top 10. Il a même entendu du Véronique Sanson dans Le couple. Un problème d’acouphènes, peut-être ? ;-)
 
Bravo à Laurent Chalumeau pour avoir su mettre le doigt sur le non-sens de la fameuse rumeur concernant Sheila. Si le torchon initial (paru en 1964) soutenait qu’elle risquait de devenir un homme (à cause des hormones qu’elle prenait pour se remettre de sa première tournée avortée), la France entière comprit qu’elle était née homme et avait opéré une transition pour devenir femme. Hallucinant. On a envie d’ajouter que si Sheila n’avait pas cessé d’en parler (dans ses livres, principalement), la rumeur se serait éteinte d’elle-même et elle n’aurait pas eu à demander un texte de chanson sur le sujet il y a quelques années…  
 
Enfin, il y a le dico, Le petit Sheila illustré, pour lequel j’ai commis quelques entrées. Et surtout, il y a aussi une vie après Sheila : un excellent article sur Bruno Cremer, un autre sur Pierre Boulle (dont je ne savais rien) et la rubrique Schnock chez soi qui m’a donné envie de réécouter l’album Mort ou vif de Patrick Juvet. Schnock, ça sert aussi à ça…
 
 
Le sommaire complet est ici. Bonne lecture ! 
 
Chronique dans Moustique Magazine (Belgique) du 5 mars 2025
 
 
PS. Avant ce numéro, j’avais participé au Schnock n° 47 (Grand dossier Véronique Sanson). Chronique en ligne ici

• DVD "Hasta luego !"

“Hasta luego !”
CD + DVD : 6 décembre 2024
double vynile : 20 décembre 2024
 
Filmer la dernière tournée en date, voilà une très bonne idée… mais où et à quel moment ? Le choix s’est un jour porté sur les concerts de mars 2023 au Dôme de Paris (vaste scène et écho aux Palais des Sports d’antan), et en particulier sur le dernier, celui du 24 mars. On invita quelques guests, on trouva un co-producteur, tout roulait : le DVD aurait dû sortir pour Noël (2023)… sauf que la belle Véronique continuait sur sa lancée : des festivals, des prolongations de la tournée… D’où dilemme : comment concilier la promo d’une tournée et celle d’une captation, donner envie d’aller voir un concert en vrai et un autre sur grand écran (parce que le deal comprenait une projection au cinéma) ? Il fut donc décidé – et ce malgré la demande – de mettre le film au chaud pour plus tard. 
 
Et comment en vouloir à toute l’équipe si, une fois le film tourné, d’autre idées fusèrent ? En l’absence de nouveaux titres (infatigable Arlésienne), le show était condamné à se bonifier : des petites idées par-ci par-là, un light show qui se perfectionne (les petites étoiles qui piquent le fond de scène, un halo qui descend sur le piano au final…) et Véronique qui teste de nouvelles idées : commencer le show dans le noir par Véronique, ou encore par On m’attend là-bas derrière un rideau kabuki… En fait, il aurait fallu la filmer à toutes les étapes de cette tournée…

Il n’en demeure pas moins que le film qui sort en DVD le 6 décembre n’est pas qu’un témoignage, c’est aussi une belle réussite : un son nickel, une image had hoc et aussi des titres qui ont disparu par la suite de la setlist comme Une nuit sur son épaule ou C’est long, c’est court et qu’on retrouve ici gravés.

Le 26 septembre 2024, le film fut projeté lors d’une séance unique dans plus de 280 cinémas et attira plus de 20 000 spectateurs (évidemment une paille si on compare aux 210 000 spectateurs pour le Nevermore de Mylène Farmer…). Véronique honora le Pathé Wepler de sa présence, annonçant qu’elle allait comme nous tous découvrir le film. Un peu de storytelling bien sûr, puisqu’elle avait assisté à la toute première projection de travail (le 11 juillet 2023 à Paris, boulevard Exelmans)…
 
 
La sortie du DVD fait remonter quelques petits souvenirs…
 
• Le 23 mars, veille de l’enregistrement, Dominique Bertram propose de répéter Signes quand Véronique l’arrête. Non seulement, elle n’a pas envie de la répéter, mais elle veut carrément la supprimer de la setlist ! Elle trouve qu’elle ne fonctionne pas, qu’elle n’est pas aboutie… Tentative de la sauver… En vain : c’est Véronique et bien elle seule qui a le dernier mot. Exit une chanson dont on ne trouve plus la trace que sur quelques vidéos amateur… Revenons tout de même sur son histoire : la musique provient de bandes retrouvées chez Michel Bernholc, arrangeur des deux premiers albums. Il s’agit d’un instrumental avec des lalala en guise de texte, abandonné par Véronique au moment de son départ aux États-Unis et jamais réécouté avant sa découverte récente. Il aurait pu figurer sur la réédition du 2e album, mais a précisément été écarté parce que Véronique comptait l’habiller avec des paroles et l’enregistrer. Est-ce la noirceur de son texte ? Est-ce un manque de cohérence entre ce texte et la musique ? Le titre a été maquetté en 2021 à Triel mais verra sans doute le jour sous une forme un peu différente. Sinon on devrait pouvoir faire entendre un jour la touchante version originale de 1972…
 

 
• Pendant ces mêmes balances, Natalie Dessay procède à une première répétition (avant le show du lendemain) et Véronique fait “coach de luxe”, comme dit Luc, président de Caramba, pour Titou en suggérant dans sa chanson une partie sans texte avec des lalala – partie qu’il choisira finalement de siffler sur scène. 
• Elle demande si on peut ralentir un peu C’est long, c’est court, explique que cette chanson groove mieux si elle est ralentie – et comme souvent, elle a raison. OK pour 1 bpm de moins : 87 au lieu de 88. Une précision qui laisse rêveur…
• Avant le show, c’est en bonne compagnie qu’on boira un peu de champagne : Franka Berger (et son mari), Bernard Cazeneuve (et sa femme), grand fan de Véronique. Après le show, on rejoint les loges en même temps que Didier Varrod, accompagné d’Alex Beaupain. Hélas ils ne pourront rester ni l’un ni l’autre trop longtemps. Jean-François Coppé non plus. Il y a pourtant du beau monde : Marie-Claude Pietragalla, Michèle Laroque et les vieux potes de Véro (Franck Bardou, Christian David). Kanou est là également, c’est lors de ces 3 soirs qu’on la verra pour la dernière fois…

 
• Le jour de l’enregistrement, il y a du monde aux balances. Des techniciens installent un rail de travelling le long de la scène, pendant qu’une caméra se promène au bout d’une grue. Répétitions de Vole, vole, vole et Annecy, avant l’arrivée de Zaz qui annonce qu’elle est “chaude, on peut y aller direct”. Elles font leur duo 2-3 fois – Véronique lui demandera juste de ne pas rester à la même place pendant la chanson, de se balader. 
 
 
• Place à Natalie Dessay, déjà dans le costume qu’elle portera sur scène. La question est de savoir à quel moment elle sera annoncée. Véronique essaie de le faire sur l’intro. S’adressant à Titou : “J’arrive pas à parler quand je joue, tu sais le faire toi ?” Il confirme que lui non plus, ajoutant que l’intro est bien assez difficile comme ça, alors si en plus il faut parler dessus… Toujours aux aguets, Véronique reprend Natalie Dessay sur le début : “Il n’est jamais bien rasé, ça sonne mal. Il faut dire Il est jamais bien rasé.”
• Dernier invité : Vianney, toujours hyper à l’aise. Premier essai debout autour du piano, de dos par rapport à la salle, puis 2-3 autres en place. Surprise : Hasta luego fonctionne vachement bien en duo ! Pour mémoire, il s’agit d’un titre qu’ils ont co-écrit (sur une musique de Vianney) et que Véronique a maquetté en studio en avril 2021 (avec deux autres titres signés Vianney) sans qu’aucune suite ne soit envisagée…
 

 Pendant le show, après son duo, Vianney rejoint sa place aux rang des invités. Dans la salle, il y a également Bernard Swell (et Mino) et Robert Charlebois (qu’on aperçoit dans le film et que Véronique ira voir au Grand Rex une semaine plus tard). 
• Après le show, au bar, l’arrivée de Véronique est saluée d’un Bahia repris en chœur par tout le monde, tandis que Thomas Sotto et Marie K (Columbia) lui remettent deux disques de platine (pour DDD et Duos volatils). On lui présente ensuite Alex Montembault (qu’elle a trouvée formidable dans Starmania).

 
Enfin, et pour le détail, le petit mot manuscrit dans le livret a été écrit à Triel vers 1 heure du mat’ le soir (29 octobre) où on a dévoré et posté un gâteau en forme de piano blanc sur Instagram.
 

• le Maudit 1974-2024

“Le Maudit”
Véronique Sanson
Réédition 50e anniversaire
1er novembre 2024
 
Ah “Le Maudit”… 3e album studio de Véronique, il fête ses 50 ans ce 26 septembre et Warner Music, maison de disques historique de Véronique, proposera le 1er novembre une nécessaire réédition aux formats double vinyle et CD + Blu-ray, pré-commandable ici-même.
 

 
Premier album de ses “années américaines”, écrit, composé, enregistré et produit aux États-Unis par elle-même, “Le Maudit” est celui qui marque un tournant essentiel dans son inspiration (en ces temps sans portables, les paroles sont autant de messages personnels) mais c’est aussi et surtout un album qui recèle une incroyable richesse mélodique : on y embarque sur des sonorités latines (Alia Soûza), suivies de bons coups de blues (Christopher, Un peu plus de noir…), on a les doigts qui pianotent tout seuls (Cent fois) ou miment les Strat’ (On m’attend là-bas) – le tout toujours au cœur des tourments de Véronique. Une belle diversité qui n’empêche pas un sentiment d’unité à l’oreille, sans doute grâce aux f***ing good musicians qui l’entourent, “prêtés” pour l’occasion par son “vieux mari” Stephen Stills.


On en parle avec d’autant plus de trémolos dans la voix qu’on a eu droit à une expérience Dolby Atmos de toute beauté.
La première fois c’était en décembre 2021, dans le salon-studio construit au sein du QG de Warner Music à Paris. Ce jour-là il était question pour Véronique de donner son avis sur les options prises par l’ingénieur du son, Hubert Salou. Si elle était un peu déçue, c’est uniquement parce qu’elle pensait écouter l’intégralité du disque alors que seuls deux titres lui étaient proposés : Christopher – l’occasion de (re)découvrir les cordes et ce côté presque symphonique du titre – et On m’attend là-bas et ces guitares qui se répondent d’est en ouest. Pour le reste, elle était satisfaite : les options choisies étaient les bonnes.

Selfie by Chris.
 
Hubert Salou, Chris, Véro, David et Fabien de chez Warner Music et Vio.

La seconde fois, c’était le 18 juillet de cette année pour une écoute complète au studio Kashmir, celui de l’ingé-son. Le point stratégique (ou sweet spot) pour une écoute optimale se trouve à peu près au centre de la pièce et, étant arrivé un peu en avance, j’ai pu modestement m’y asseoir pour commencer l’écoute. Grande émotion, parfaitement inattendue de la part d’un album que je pensais connaître archi par cœur. Violaine n'a pas tardé et je lui ai bien sûr cédé la place, avant l’arrivée de Véro accompagnée de Christopher, un poil en retard pour cause de coinçage sur le périph. On a repris l’écoute du début et, sans sombrer dans trop de sentimentalisme, je me disais tranquillement que regarder Christopher, même de dos, écouter attentivement la chanson écrite sur lui par sa mère il y a 50 ans, était une expérience plutôt émouvante…

 
Véronique était très concentrée mais, pour elle, une chanson (comme on le dit d’une langue) est vivante et il lui manquait à l’oreille les arrangements qu’elle a pu écrire depuis pour la scène. L’ingé-son expliquera le challenge, véritable numéro d’équilibriste : respecter l’enregistrement original tout en utilisant les moyens modernes de le faire sonner le mieux possible. Évidemment, peu de monde est équipé avec ce dispositif mais on nous a assuré qu’on le retrouvait tel quel dans les Airpods…

Dessin retrouvé chez Véronique

Attardons-nous un moment sur les bonus de cette réédition :
• Un nouveau remix d’On m’attend là-bas, disponible sur les plateformes dès le 25 octobre. Signé Fred Falke, on le trouve sous deux formats : club et edit.
• Un document inédit qui vaut le détour : la version originale d’On m’attend là-bas, ce fameux Patois noté partout sur les cahiers de Véronique ! Retrouvé sur une bande simplement annotée Concert Véro Québec Canada (Patois, L’irréparable…), il s’agit d’un titre que Véronique introduit ainsi sur scène, le 16 avril 1973 : “Écoutez je vais vous jouer une chanson à la guitare que j’ai faite avec mes amis musiciens et jouée hier soir à Québec… C’est la seule fois alors… mais c’est une bonne chanson vous allez voir… C’est en patois français : si vous ne comprenez pas les paroles, ça fait rien parce que c’est en patois. Le patois, c’est très bizarre, c’est normand… C’est en patois normand… Bizarre !” Lorsque, il y a quelques années, on lui a fait écouter pour la première fois, elle s’est bien marré : “Quelle escroque… !”
• Au rayon inédits (au pluriel), on trouve aussi 6 séances de travail en studio, courtes démos instrumentales enregistrées en juillet 1973 et conservées sur une bande non annotée. Elles concernent 3 titres au total : On m’attend là-bas, Ma musique s’en va (tentation bossa) et Un peu plus de noir
• Enfin, pour faire bonne mesure, ont été ajoutées la version alternative de Cent fois et celle d’Un peu plus de noir, ainsi que la magnifique version italienne du Maudit (1978) dont on peut lire les paroles ici.
Bref, du lourd.
Ah et bien sûr l’album a été remasterisé et la version Dolby Atmos figure sur un DVD Blu-ray inclus dans le digipack (tant de mots qui n’existaient pas en 1974…).
 
 
© Jean-Marie Périer, été 1972
 
Un mot sur la pochette : étant donné son côté iconique, il a été décidé – avec l’accord de Véronique – de garder les photos originales et ne changer que la couleur (bleu, au lieu de blanc). On ne saura sans doute jamais pourquoi ce sont deux photos de 1972 qui ont été choisies (front et back, comme on dit en français). On peut légitimement penser qu’en 1974, Véronique ayant peu séjourné en France (naissance de Christopher, enregistrement de l’album, sur les routes en tournée avec Stills et ses acolytes, puis préparation du Musicorama à l’Olympia), WEA n’a pas trouvé le temps d’organiser une séance photo. On peut aussi imaginer que la photo du front correspondait vraiment bien au sentiment de culpabilité traversant les chansons de l’album et présentait surtout une troublante similitude avec celle du back de l’album de Michel Berger, paru l’année précédente, l’explicite “Cœur brisé”.  
 
© Jean-Michel Hérin
 
On ne peut décemment pas terminer un papier sur “Le Maudit” sans rappeler la remarque d’un spectateur après un concert (à Lille, d’après le souvenir de Véronique) : “Qu’est-ce que vous voulez dire quand vous chantez Mais le facteur écrase la taupe dans Le Maudit ?”. Authentique.
 
Et laissons le dernier mot à Michel Berger (le 6 octobre 1990, dans l’émission télé Étoile Palace) : “Mon métier – si on peut appeler ça un métier – c'est d’écrire des chansons et je voudrais dire que Le Maudit c’est une des plus belles chansons qui ont jamais été écrites et voilà... je voulais juste le dire.” Insurpassable.
 
PS1. En complément de cet article, on a signé avec Yann un texte le plus complet possible sur l’album qui a été intégré dans la version CD et vinyle de cette rééditon.
 
PS2. Véronique et Chris ont donné ensemble début août à Ibiza une interview à Yves Bigot, parue dans Rolling Stone de décembre 2024.