• le Maudit 1974-2024

“Le Maudit”
Véronique Sanson
Réédition 50e anniversaire
1er novembre 2024
 
Ah “Le Maudit”… 3e album studio de Véronique, il fête ses 50 ans ce 26 septembre et Warner Music, maison de disques historique de Véronique, proposera le 1er novembre une nécessaire réédition aux formats double vinyle et CD + Blu-ray, pré-commandable ici-même.
 

 
Premier album de ses “années américaines”, écrit, composé, enregistré et produit aux États-Unis par elle-même, “Le Maudit” est celui qui marque un tournant essentiel dans son inspiration (en ces temps sans portables, les paroles sont autant de messages personnels) mais c’est aussi et surtout un album qui recèle une incroyable richesse mélodique : on y embarque sur des sonorités latines (Alia Soûza), suivies de bons coups de blues (Christopher, Un peu plus de noir…), on a les doigts qui pianotent tout seuls (Cent fois) ou miment les Strat’ (On m’attend là-bas) – le tout toujours au cœur des tourments de Véronique. Une belle diversité qui n’empêche pas un sentiment d’unité à l’oreille, sans doute grâce aux f***ing good musicians qui l’entourent, “prêtés” pour l’occasion par son “vieux mari” Stephen Stills.


On en parle avec d’autant plus de trémolos dans la voix qu’on a eu droit à une expérience Dolby Atmos de toute beauté.
La première fois c’était en décembre 2021, dans le salon-studio construit au sein du QG de Warner Music à Paris. Ce jour-là il était question pour Véronique de donner son avis sur les options prises par l’ingénieur du son, Hubert Salou. Si elle était un peu déçue, c’est uniquement parce qu’elle pensait écouter l’intégralité du disque alors que seuls deux titres lui étaient proposés : Christopher – l’occasion de (re)découvrir les cordes et ce côté presque symphonique du titre – et On m’attend là-bas et ces guitares qui se répondent d’est en ouest. Pour le reste, elle était satisfaite : les options choisies étaient les bonnes.

Selfie by Chris.
 
Hubert Salou, Chris, Véro, David et Fabien de chez Warner Music et Vio.

La seconde fois, c’était le 18 juillet de cette année pour une écoute complète au studio Kashmir, celui de l’ingé-son. Le point stratégique (ou sweet spot) pour une écoute optimale se trouve à peu près au centre de la pièce et, étant arrivé un peu en avance, j’ai pu modestement m’y asseoir pour commencer l’écoute. Grande émotion, parfaitement inattendue de la part d’un album que je pensais connaître archi par cœur. Violaine n'a pas tardé et je lui ai bien sûr cédé la place, avant l’arrivée de Véro accompagnée de Christopher, un poil en retard pour cause de coinçage sur le périph. On a repris l’écoute du début et, sans sombrer dans trop de sentimentalisme, je me disais tranquillement que regarder Christopher, même de dos, écouter attentivement la chanson écrite sur lui par sa mère il y a 50 ans, était une expérience plutôt émouvante…

 
Véronique était très concentrée mais, pour elle, une chanson (comme on le dit d’une langue) est vivante et il lui manquait à l’oreille les arrangements qu’elle a pu écrire depuis en les interprétant sur scène. L’ingé-son expliquera le challenge, véritable numéro d’équilibriste : respecter l’enregistrement original tout en utilisant les moyens modernes de le faire sonner le mieux possible. Évidemment, peu de monde est équipé avec ce dispositif mais on nous a assuré qu’on le retrouvait tel quel dans les Airpods…

Dessin retrouvé chez Véronique

Attardons-nous un moment sur les bonus de cette réédition :
• Un nouveau remix d’On m’attend là-bas, disponible sur les plateformes dès le 25 octobre. Signé Fred Falke, on le trouve sous deux formats : club et edit.
• Un document inédit qui vaut le détour : la version originale d’On m’attend là-bas, ce fameux Patois noté partout sur les cahiers de Véronique ! Retrouvé sur une bande simplement annotée Concert Véro Québec Canada (Patois, L’irréparable…), il s’agit d’un titre que Véronique introduit ainsi sur scène, le 16 avril 1973 : “Écoutez je vais vous jouer une chanson à la guitare que j’ai faite avec mes amis musiciens et jouée hier soir à Québec… C’est la seule fois alors… mais c’est une bonne chanson vous allez voir… C’est en patois français : si vous ne comprenez pas les paroles, ça fait rien parce que c’est en patois. Le patois, c’est très bizarre, c’est normand… C’est en patois normand… Bizarre !” Lorsque, il y a quelques années, on lui a fait écouter pour la première fois, elle s’est bien marré : “Quelle escroque… !”
• Au rayon inédits (au pluriel), on trouve aussi 6 séances de travail en studio, courtes démos instrumentales enregistrées en juillet 1973 et conservées sur une bande non annotée. Elles concernent 3 titres au total : On m’attend là-bas, Ma musique s’en va (tentation bossa) et Un peu plus de noir
• Enfin, pour faire bonne mesure, ont été ajoutées la version alternative de Cent fois et celle d’Un peu plus de noir, ainsi que la magnifique version italienne du Maudit (1978) dont on peut lire les paroles ici.
Bref, du lourd.
Ah et bien sûr l’album a été remasterisé et la version Dolby Atmos figure sur un DVD Blu-ray inclus dans le digipack (tant de mots qui n’existaient pas en 1974…).
 
 
© Jean-Marie Périer, été 1972
 
Un mot sur la pochette : étant donné son côté iconique, il a été décidé – avec l’accord de Véronique – de garder les photos originales et ne changer que la couleur (bleu, au lieu de blanc). On ne saura sans doute jamais pourquoi ce sont deux photos de 1972 qui ont été choisies (front et back, comme on dit en français). On peut légitimement penser qu’en 1974, Véronique ayant peu séjourné en France (naissance de Christopher, enregistrement de l’album, sur les routes en tournée avec Stills et ses acolytes, puis préparation du Musicorama à l’Olympia), WEA n’a pas trouvé le temps d’organiser une séance photo. On peut aussi imaginer que la photo du front correspondait vraiment bien au sentiment de culpabilité traversant les chansons de l’album et présentait surtout une troublante similitude avec celle du back de l’album de Michel Berger, paru l’année précédente, l’explicite “Cœur brisé”.  
 
© Jean-Michel Hérin
 
On ne peut décemment pas terminer un papier sur “Le Maudit” sans rappeler la remarque d’un spectateur après un concert (à Lille, d’après le souvenir de Véronique) : “Qu’est-ce que vous voulez dire quand vous chantez Mais le facteur écrase la taupe dans Le Maudit ?”. Authentique.
 
Et laissons le dernier mot à Michel Berger (le 6 octobre 1990, dans l’émission télé Étoile Palace) : “Mon métier – si on peut appeler ça un métier – c'est d’écrire des chansons et je voudrais dire que Le Maudit c’est une des plus belles chansons qui ont jamais été écrites et voilà... je voulais juste le dire.” Insurpassable.
 
PS. En complément de cet article, on a signé avec Yann un texte le plus complet possible sur l’album qui a été intégré dans la version CD et vinyle de cette rééditon.
 

 

 

Véronique Sanson,
Le Grand Rex, Paris,
22-23-24 avril
et 3 et 4 juin 2024

“Bonsoir ! Je suis contente de vous voir, de vous revoir. J’espère qu’on va vraiment partager de la musique, des émotions, n’importe quelle émotion… comme la colère, la joie – c’est pas ce que je fais de mieux, mais bon… –, la violence – là, je suis pas mauvaise –, et juste qu’on chante ensemble, qu’on partage et qu’on ne soit plus qu’un ». Ce sont les mots de Véronique pour ouvrir ce 5e Grand Rex 2024, des mots sincères et surtout fédérateurs alors qu’au dehors, dans le même temps, règnent la division, la violence banalisée, la dangereuse extension des conflits mondiaux, la prolifération sournoise des fausses informations et autres “déliciosités”… Mine de rien, entendre ces mots-là, même juste le temps d’un concert, rassure sur l’état de l’humanité.

La “reine” (variante british : la “Queen”), la “patronne” (variante british : la “Boss”), la “taulière”, une “légende” : les superlatifs fleurissent sur les réseaux. Le fait est que, sans avoir jamais posé à l’icône et tout en continuant à se comporter sur scène à peu près comme dans son salon, Véronique a gagné un indéniable et respectable statut. Pour certain(e)s, elle est l’image même de la femme libre, une pionnière ; pour d’autres, la survivante d’une époque forcément “mieux avant”. Pour d’autres enfin, elle reste une musicienne de génie à la signature vocale reconnaissable entre toutes.

Ces deux salves de concerts ont été très différentes l’une de l’autre, entrecoupées par une période de repos forcé suite à une broncho-pneumonie diagnostiquée juste après son anniversaire. Au final, sa capacité de récupération – saluée par ses médecins – est telle que les shows de juin ont été encore meilleurs que ceux d’avril…

Grand Rex, 3 juin © LC


En première partie de ces 5 shows, Chris Stills. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire un peu partout le bien que je pense de ses chansons, de sa voix, de sa présence scénique mais son show à-lui-tout-seul du 29 avril au Café de la Danse a mis en lumière le fait que les salles plus intimes lui correspondent peut-être davantage. Il y est par définition plus proche du public, et s’y montre plus volontiers enclin à expliquer des paroles de chansons auxquelles il faut bien avouer que nous manquent souvent les sous-titres. Les ayant maintenant entendues plusieurs fois sur scène, je me suis parfois surpris à les fredonner sans l’avoir vraiment cherché. Bref, vivement la sortie de “Hail the Road”, son prochain album.

Quant à Véronique, il y en a au moins deux bien distinctes : celle qui se rend sur les plateaux télé en trainant un peu les pieds (parce que c’est loin, parce qu’il faut y aller à des horaires peu chrétiens, parce qu’il faudra y chanter face à l’objectif d’une caméra ou bien un public sans âme en permanence stimulé par un chauffeur de salle) et puis celle qui est sur scène comme un poisson dans l’eau. Les chiffres penchent malheureusement en faveur des prestations télé : en millions de spectateurs pour la promo contre des milliers pour un show. Dommage pour celle qui est incontestablement une “meilleure elle-même” sur scène – surtout si on songe que c’est sans doute l’inverse pour bon nombre d’artistes…

Balances Grand Rex, 23 avril © LC

Mais revenons aux Grand Rex, à ces shows qu’on a vécus debout au plus près de la scène (après Besoin de personne quand même) avec Yann (Morvan) et Baptiste (Vignol), “comme quand on était petits”… 

Magnifiques balances à chaque fois d’abord, avec la répétition parmi les piano-voix le premier jour d’une chanson que Véronique envisageait d’ajouter à la setlist… avant de se demander si c’était finalement une bonne idée. À suivre…   

Le soir de l’anniversaire, il y a d’abord eu le stress de la Team Florence Dubray pour déposer des flyers AnniVéro sur chaque siège dans le peu de temps imparti avant le concert. Ouf, juste à temps ! Puis un débat à l’arrivée de Véronique sur scène : une partie de la salle chantait Happy Birthday tandis que l’autre entonnait la version française ! Pour ceux qui ont de la feuille, Frédéric Gaillardet a d’ailleurs subtilement glissé l’air de Happy Birthday dans son pont solo sur Les délices d'Hollywood – lui qui accompagne déjà spontanément au piano le “Eyango Eyango” dans la présentation des musiciens. Véronique s’est ensuite saisie des ballons en forme de 7 et de 5, et a vainement tenté de les faire tenir contre le piano – on a d’ailleurs vu passer des photos d'elle de dos regardant les 75 par terre. Très parlant… Il y a bien sûr également eu le sketch de la petite fille qui s’est retrouvée sur scène archi intimidée avec son dessin (cf. la double page parue dans Gala juste après). 

Grand Rex, 24 avril © LC

Après le show, au pince-fesses organisé au premier étage, entourée de Violaine, de Christopher et ses deux (jolies) filles, Véronique a soufflé la totalité des bougies d’un magnifique gâteau. Des photos d’agence ont été prises et validées mais on ne les a pas encore vu passer…

Au cours des shows d’avril, on a pu croiser (par ordre alphabétique) : Emmanuelle Béart, Franka Berger, Alain Chamfort, Sébastien Chenu, Camille Cottin, Gérard Davoust, Stéphane de Groodt, Eddy de Pretto, Guillaume de Tonquedec, Jacqueline Franjou, Guillaume Galienne, Melody Gardot, François-Éric Gendron, François Hollande et Julie Gayet, Éric Jean-Jean, Marc Lavoine et sa fille, Maxime Leforestier, Bastien Lucas, Daniela Lumbroso, Elisabeth Moreno, Nagui et Mélanie Page, Renaud, Julie Rousseau, Thomas Sotto, Bernard Swell, Philippe Vandel, Didier Varrod… Et Vincent Baguian, François Bernheim, Laurent Boyer, Nicole Calfan, Jean-François Copé, Doriand, Lionel Florence, Julie Gayet, François-Éric Gendron, François Jouffa, Valérie Lemercier, Sandrine Sarroche, Augustin Trapenard et Bernard Werber au cours de ceux de juin.

Sinon, en vrac, on a vu Cyril Moreau (Bestimage) avouer à Tony Frank qu’il avait une de ses photos encadrées chez lui – on a donc modestement immortalisé les deux grands photographes ; on a noté la présentation plus resserrée des musiciens (avec fou rire le dernier soir sur l’anagramme spontané “Jeunot Rensane”), on a apprécié chaque différence, même minime, dans l’interprétation de Véronique : dire que chaque show est différent du précédent sonne peut-être comme un lieu commun, sauf que c’est bel et bien vrai… On a été surpris qu’elle pense avoir “une tête de folle” si tôt dans le timing de l’avant-dernier concert (avant Rien que de l’eau au lieu d’après) ; et enfin on a été hélas rattrapé par le monde du dehors en voyant un type vendre 3 € des affiches non homologuées (Véronique d’un côté, un autre artiste de l’autre – plutôt malin…) sur le boulevard en sortant…

Désintox

D É S I N T O X
  
[article publié en mai 2020, régulièrement mis à jour]
 
« Le réel n’existe plus avec Internet. Ce n’est pas la vérité qui importe, c’est la viralité. Elle remplace la vérité, elle rime avec elle. Le plus important ce n’est pas que l’on dise vrai, mais qu’on dise et que ce soit répété. » (Kamel Daoud dans Boomerang le 1er octobre 2020).
 
Check News, Désintox, Stop Intox… On voit fleurir partout sur Internet de nécessaires remparts aux fake news, dont certaines peuvent nuire gravement au respect de la vérité, à l’intégrité de personnes publiques
Il ne sera évidemment question ici que de celles concernant Véronique Sanson, dans sa jolie vérité sur la photo de gauche, intoxiquée de barbouillages sur celle de droite – en l’occurrence par un petit Titou farceur ;-). 
Des détails, parfois. Des trucs plus embêtants aussi, surtout quand ils sont relayés par des sites qui ont pignon sur écran, comme la première intox, trouvée sur le site de la RTS ici comme dans Ici-Paris en juin 2020.


“Michel Berger a écrit pour Véronique Sanson.”
 FAUX  Archi-faux et quand même archi-facile à vérifier… Et pourtant ce genre de fake news n’est pas prêt de s'arrêter, reprise en boucle lors du 30e anniversaire de la mort de Michel (par exemple dans le JT de France2) jusqu’à une énième biographie de Françoise Hardy (par Christian Eudeline en 2022)… 
On sait que Michel Berger écrivait/composait pour d’autres – et principalement pour des femmes : Patricia, Cécile Valéry, Isabelle de Funès, Vanina Michel, Françoise Hardy et bien sûr France Gall – mais Véronique écrit et compose (à de rares exceptions près) ses propres chansons. C’était d’ailleurs le sel de leur relation, entre émulation et compétition : ils étaient très prolifiques, se donnaient des challenges “Demain, j’aurai écrit deux chansons” / “Moi trois !”. Ce que Jean Brousse (ami d’enfance de Michel) résume d’un “Entre eux, c’était un peu la course à l’échalote” ! 
Bien sûr on peut dire qu’il a écrit pour elle dans le sens “en pensant à elle”, mais c’est un tout autre débat…  Lire à ce sujet son interview dans Elle n° 1868 du 26 octobre 1981 dans laquelle il dit s’être “adressé à Véronique Sanson dans ses chansons d’amour” et l’analyse de leur correspondance en chansons par Yann Morvan sur ce lien.
 

“Véronique Sanson a quitté Michel Berger sur un coup de tête.”
 FAUX  On lit et on entend cela très fréquemment, avec une variante : elle est partie du jour au lendemain (voir photo). Sans vouloir refaire le chemin à l’envers entre la rencontre avec Stephen Stills (mars 72) et le départ pour le rejoindre (février 73), on ne peut pas vraiment parler de “coup de tête” : le départ, certes précipité et non annoncé, est arrivé presque un an après le coup de foudre. Entre les deux, Véronique a été “assiégée” par le guitariste américain. Les portables n’existaient pas mais il y avait des intermédiaires. Il y a même eu un faux départ, qui fait l’objet du paragraphe suivant.


“Véronique Sanson a quitté Michel Berger en 1972 alors qu’il l’attendait en studio. Il a terminé seul son album.”
 FAUX  et  VRAI  Cette histoire continue à être difficile à démêler (y compris dans ce nouveau portrait de Michel sur RTL). Il faut dire qu’aucun journaliste ne s’y est intéressé au moment des faits : Michel Berger n’était pas encore très connu – hormis pour ses 45 tours dans les années 1960 – et le départ de Véronique n’a été évoqué brièvement dans la presse qu’après coup, au moment de son mariage (et une seule fois à ma connaissance, dans Salut les copains). Une chose est vraie : si Michel a terminé seul De l’autre côté de mon rêve, c’est bien parce que Véronique n’est pas venue à un rendez-vous en studio et a disparu les jours suivants. Mais il ne s’agit pas du fameux départ pour New York. C’est Élodie Mialet, réalisatrice de Un jour, un destin, qui a rassemblé le puzzle (hélas, nous ne l’avons pas crue sur le coup et la version de son film est donc inexacte, tout comme celle du livre Les années américaines). Attendue en studio, Véronique a fugué quelques jours à Londres avec Stephen Stills, avant de revenir auprès de Michel. Ils ont même assisté ensemble 2 mois plus tard au mariage de Violaine, sœur de Véronique. Ce retour et la double vie de Véronique durant cette courte période inspireront d’ailleurs à ce dernier une superbe chanson, Le secret
Le faux départ dont il était question dans le paragraphe précédent est, lui, relaté dans le livre Les années américaines : début octobre 72, Stephen Stills et son manager espèrent repartir de Paris avec Véronique. Mais elle n’est pas prête (on ne peut donc encore une fois pas parler de “coup de tête”) et se rendra à l’aéroport sans son passeport, feignant l’étourderie et les les laissant repartir seuls, furieux. À ce sujet lire mon article publié dans Schnock n° 47 (été 2023) :
 
 

“Avec Michel, on ne s’est jamais revus.”
 FAUX  Là c’est embêtant pour un biographe parce que c’est l’artiste elle-même qui parle et que ce n’est pas vrai. Y a des preuves ! Il y a cet épisode qu’elle a souvent raconté quand elle a présenté son fils à Michel dans les bureaux de leur maison de disque commune (fin des années 1980, rencontre tout à fait fortuite), celui d’un coup de fil de Michel de passage à Los Angeles (au moment précis où elle voyait passer un rat dans sa bibliothèque) et qui a débouché sur une rencontre. Il y a l’enregistrement de la chanson pour sauver l’Éthiopie en 1985, une télé pour les Restos du Cœur début 1990, une autre où ils sont assis sur le même canapé toujours en 1990 (Étoile Palace de Frédéric Mitterrand). Il y a la représentation de Starmania (époque Maurane et Peter Lorne) à laquelle Véronique a assisté avec Christopher, et après laquelle ils sont passés en coulisses et ont salué Michel. Et il y a bien sûr aussi l’enregistrement de la seconde version de la chanson Allah… Si Véronique répond souvent qu’ils ne se sont jamais revus, c’est avant tout pour avoir la paix, pour que la question suivante ne vienne pas fouiller davantage dans des souvenirs qui ne devraient regarder qu’eux.


Seras-tu là a été écrit pour France Gall.”
 VRAISEMBLABLEMENT FAUX  Une chanson n’est pas une lettre et personne ne possède une explication (véri)fiable des textes de Michel Berger, ni la date exacte de la composition de Seras-tu là. Une phrase comme “Pour nos souvenirs et nos amours / Inoubliables inconsolables” peut – si on considère l’option selon laquelle la chanson est adressée à France Gall – faire référence à leurs histoires d’amour passées à l’un et à l’autre (Michel évoquant Véronique en ce qui le concerne, et Julien Clerc en ce qui concerne France). Mais le couplet “Pour nos soupirs sur le passé / Que l’on voulait / Que l’on rêvait” penche plutôt pour une chanson adressée à Véronique : il n’a en effet pas encore de “passé”, ni de “rêves” avec France sur lequel “soupirer”. Ces mots correspondent davantage au regret d’une longue histoire d’amour plutôt qu’à l’évocation d’une relation débutante.
 
De plus, soyons réaliste : si Véronique Sanson s’était réellement fourvoyée en répondant (par son Je serai là en 1976) à une chanson qui ne lui était adressée, Michel Berger n’aurait-il pas réagi – en privé lorsqu’ils se sont revus ou bien publiquement, même si ce n’était pas vraiment son style ?
 
Pour en finir avec les infox sur Michel Berger :

 
  
“Véronique Sanson a reçu l’extrême-onction lors de son AVC en 1965.”
 FAUX  D’abord ce n’était pas un AVC mais une méningite et puis si le Père Hébrard était à son chevet, ce n'était pas pour lui administrer les derniers sacrements mais simplement pour lui rendre visite en tant qu’ami de la famille – il avait marié ses parents vingt ans plus tôt. Là encore, c’est souvent Véronique qui a raconté cette anecdote, reprise dans toutes les biographies. Un peu de storytelling ne nuit pas ;-)


“Véronique Sanson fait partie des personnalités pro-corrida.”
 FAUX  Il faudrait aujourd’hui conjuguer cette affirmation à l’imparfait. En effet elle a assisté avec ses parents à des corridas dans les années 1950-60, temps reculés où on s’inquiétait peu de la souffrance animale et qui ont fait d’elle une aficionada jusqu’à la fin des années 1990…  Son nom apparaît toujours dans une liste dressée en 2011 et elle continue à recevoir quelques messages haineux via le site officiel ou la page Facebook officielle… Mais aujourd’hui elle est évidemment et farouchement CONTRE, signe et partage (les rares fois où elle va sur Twitter – comme ici en 2016) des pétitions qui ne laissent planer aucun doute sur son engagement réel pour la cause animale : il est grand temps d’actualiser cette information. 


“Les deux sœurs portent un prénom commençant par le V de la Victoire.”
 FAUX EN PARTIE  La vérité se trouve déjà dans la biographie de Françoise Arnould et Françoise Gerber parue en 1986 : Colette Sanson avait pensé appeler sa première fille Marie, mais son époux avait craqué pour l’héroïne de la pièce de Claudel, L’annonce faite à Marie, qui s’appelle Violaine… et comme c’est lui qui est allé la déclarer… Pour leur seconde fille, ils étaient d’accord pour rester dans les V (qui rappelait effectivement la victoire de la Guerre) et le prénom Véronique rappelait à Colette “une très belle figure de la religion catholique”.


“Véronique Sanson porte encore la bague de fiançailles de Michel Berger.”
 FAUX  On trouve cette “information” page 59 d’une biographie approximative parue début 2020. Il y est aussi fait mention d’une cérémonie de fiançailles. En réalité il n’y a jamais eu de cérémonie de fiançailles. Après le départ de Véronique en 1973, sa mère a rendu la bague à Annette Haas, la mère de Michel… qui l’a rappelée peu après : la bague étant un cadeau, Michel ne voulait pas la récupérer. Comme l’a fort justement écrit Jean-François Brieu dans Doux dehors, fou dedans (2001), Véronique possède toujours cette bague et elle l’a seulement portée à quelques occasions sur scène. Nuance… 
 
 
“En 1978, Véronique Sanson a été la première femme à jouer au Palais des Sports de Paris.”
 FAUX  Nouveau mea culpa car c’est une information qui a été reproduite sans vérification dans Les années américaines. Il aurait fallu ajouter « européenne » :
Aretha Franklin l’avait devancée en 1977…
 

Allez, un scoop pour finir sur une note plus optimiste : 

“Véronique Sanson est synesthète.”
 VRAI !  Et personne ne le sait ! La synesthésie – merci Wikipedia – est un phénomène neurologique non pathologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés (de manière durable). Par exemple la synesthésie dite « graphèmes-couleurs » (qui représenterait 65 % des synesthésies) fait que les lettres de l'alphabet (ou des nombres) sont perçues colorées. C’est précisément celle qui touche Véronique depuis l’enfance : pour elle, une couleur est attachée à chaque lettre, à chaque chiffre. Toujours la même, mais dans des teintes qui peuvent être différentes. Le 7 est par exemple toujours vert, mais peut être vert tilleul, vert amande… Elle n’en a jamais parlé, pensait que tout le monde ressentait la même chose et a seulement récemment découvert le nom de cet état éminemment poétique…  (allo, Rimbaud ?)

• Véronique Sanson | 2024 Bxls

 

Véronique Sanson,
Cirque Royal, Bruxelles,
22 et 23 février 2024

Bulletin météo bruxellois de fin de semaine : déferlement de la tempête Louis. La nouvelle est partout alors qu’une autre tempête va décoiffer deux soirs de suite le Cirque Royal et qu’on n’en trouvera pas une ligne dans la presse locale, ni avant ni après deux concerts pourtant exceptionnels !

On aime ce Cirque, sa rondeur, son acoustique, ses sièges tout en haut qui donnent le vertige même de tout en bas. Seul inconvénient : la taille réduite de la scène – d’où le manche de la basse de Dodo qui viendra parfois chatouiller Mehdi… Le décor devra également être adapté : un des “arcs de lumière” sur la gauche dépassera de la scène et on notera l’absence de “l’auréole” qui descend habituellement  du ciel étoilé au moment des piano-voix.


Les balances de l’après-midi sont un régal. Avant l’arrivée de Véronique, le groupe répète à chaque fois un titre pas joué en ce moment (Annecy le jeudi et On m’attend là-bas le vendredi). Une explication plausible serait que ces chansons permettent de bien effectuer les balances tout en sortant un peu de la routine des titres de la setlist, mais on est en droit de suspecter du changement… Tout est en place quand Véronique arrive, s’excusant de son retard. Après avoir répété quelques titres, dont Les délices d’Hollywood, elle tient à retravailler les chœurs sur “C’est une ville de vacances…” avec Mehdi et Guillaume, facétieux duettistes, et ce jusqu’à ce que ça sonne exactement comme elle veut. Pendant la répète de la chanson Véronique (dont on entendra plusieurs variantes “Dominique, c’est mon nom” ou “Angélique, c’est mon nom”…), on chope un détail : au moment de la phrase “Je connais mes ennemis”, Guillaume prenant un air sérieux pour mettre la main sur l’épaule de Mehdi. Facétieux duettistes, on vous disait. Ce même Guillaume qui signe les arrangements de voix de la reprise de Rien que de l’eau, qu’on aime décidément vachement bien – On ne se gênera d’ailleurs pas pour le lui dire. Après le départ de la troupe, Véronique travaille ses intros piano-voix, et surtout une chanson qu’elle aimerait ajouter juste avant Bahia. Mais pas ces deux soirs-là… 

20 h dans la salle. En première partie, Chien Noir, inconnu en ce qui me concerne – à l’instar de toutes les autres premières parties de cette tournée pour être totalement honnête. La profusion de nouvelles voix nous ferait presque perdre le goût de la nouveauté, de la découverte… Chien Noir, donc, qui accroche pourtant nos oreilles dès le premier titre avec sa voix particulière. Il est de cette génération de garçons qui ne craint pas d’afficher une sensibilité non polluée par des siècles d’injonction viriliste. Son thème de prédilection est l’amour, son premier amour s’appelle Julia, et ça donne une bonne chanson qu’on peut écouter ici. On retiendra aussi son Je veux, je veux, je veux, (dans lequel s’est glissé un “Je veux que le diable m’emporte”…), à écouter ici. Avant son dernier titre, il se lâche et explique qu’il a assisté aux balances de Véronique et qu’on va “se prendre une grosse branlée”. Le deuxième soir, il sera un poil plus élégant : “Elle défonce tout, vous allez kiffer”… Quels que soient les mots employés, on ne va pas lui donner tort…


Il quitte la  scène au bout de 5 titres. Véronique ne montant sur scène qu’à 21 h, il reste environ 40 minutes… Et 40 minutes, c’est long, c’est court. Il y a les discussions avec les voisins, les visages absorbés par les smartphones, mais le ton monte régulièrement dans les rangs… “Elle a changé d’avis ou quoi ?” s’interroge ma voisine de droite tandis que celle de gauche glisse à son mari : “Mais qu’ils disent quelque chose…”. Une troisième enfin : “Elle aurait pu laisser le mec chanter plus longtemps”…

Sans être une stratégie de la production, cette impatience organisée peut être vue comme une façon (un peu risquée) de chauffer le public à blanc. Lorsque retentit la sonnerie et que les lumières s’éteignent enfin, que le public devine Véronique marchant vers le piano, c’est l’explosion, la récompense. Les minutes d’attente, le ressentiment s’envolent et l’image tant attendue que l’on a maintenant sous les yeux tranche instantanément avec tout ce qui a pu précédé, imprimant sur nos rétines la blondeur, le scintillement des strass de la veste, le piano blanc, conférant à Véronique un authentique statut d’icône. J’utilise rarement ce terme parce qu’il est tellllllement galvaudé, mais ce premier soir à Bruxelles, assez loin de la scène, a été l’occasion de mesurer en grand l’indiscutable pouvoir de Véronique Sanson – même si elle ne se donne pas la peine d’arriver en hélicoptère… Benjamin Locoge, journaliste de Paris Match croisé plus tard en coulisse, ne s’y trompera pas en parlant d’un “concert de légende” – lui qui n’en est pourtant pas à son premier strapontin (L’article est en bas de cette page).

Le reste du show est à la hauteur de cet impact initial sur le public, si ce n’est au-delà. Pour connaître Véronique, pour savoir qui elle est vraiment, il faut la voir sur scène. Les télés ne disent rien d’elle, sinon l’ennui qu’elle a parfois d’être sur un plateau sans son public, avec l’impossibilité de chanter ce qu’elle veut dans les conditions d’un concert. Le carcan de la promo-télé est trop petit pour elle. Que voulez-vous, elle est larger than life

Tout de suite après le premier titre, elle nous scotche en annonçant Comme je l’imagine d’une façon totalement inédite : “C’est l’histoire de quelqu’un qui est sur le point de se marier, et qui a le coup de foudre pour quelqu’un d’autre… Horreur !” – le premier soir, elle s’est frappée la tempe pour simuler le coup (de foudre) –, avant d’ajouter, philosophe : “C’est pas très très bien, mais enfin c’est la vie…”


 

Sinon, en bref (comme on dit aux infos) lors de ces deux soirs : Pas de battle bruxelloise entre les partisans du “Debout tout le monde !” et ceux du “Assis !” (Cf. CR de Châteauroux) Reprise-surprise des “C’est toujours, c’est toujours…” à la fin de Je suis la seule le 2e soir Le premier soir, après avoir dûment présenté chaque musicien, elle a ajouté “Et merci à vous évidemment !”, doublant très discrètement le “éviiiiidemment” sur l’air d’une chanson qui date de 1987…  Je me suis tellement manquée sera suivie les deux soirs d’une standing ovation – ce qui n’avait pas été le cas à Châteauroux.


Le premier soir, en coulisses, Plastic Bertrand (pas forcément identifié par tout le monde sous sa casquette noire), accompagné de son producteur, ne cache pas sa déconvenue devant la porte fermée de la loge de Véronique : il a un peu hâte de l’embrasser et lui proposer de se retrouver tous ensemble plus tard. Le 2e soir est plus calme. Dans la loge, on se surprend à fredonner les cuivres de Salsa. Impossible de faire autrement, on les a en tête depuis la fin du concert… On regarde Véronique rassembler ses affaires (mille milliards de produits de maquillage) et on pointe, autour de son cou, ce foulard qu’elle a depuis des âges. Elle rit : “Et ce tee-shirt ! C’est celui de “Comme on l’imagine” !”. Incroyable, il n’est pas bleu, mais mauve… Elle explique que, comme pour la veste “de dompteur” en couverture du live 93, la couleur réelle n’a rien à voir avec celle imprimée : les mystères de la quadrichromie…

Comment fait-on pour redescendre sur Terre quand on a été ovationnée par 2000 personnes ? On lui (re)dit combien les gens avaient l’air heureux et épanouis, on lui parle de ceux (et pas forcément des perdreaux de l’année) qui dansaient dans les allées, oubliant l’état du monde le temps d’une soirée. Et puis on suggère la rencontre avec Chien Noir qui n’aurait visiblement pas osé frapper à la porte. Joli moment qu’on propose de terminer en photo-souvenir pour plus tard, avant qu’il aille lui chercher un exemplaire de son CD. 

 

Il est temps de sortir. Les gens de la nuit l’attendent de chaque côté des barrières. Il fait un froid de gueux, elle regarde chacun et chacune – comme elle n’oublie jamais de le faire de la scène, se dévissant le cou pour saluer les spectateurs les plus éloignés –, sourit à ceux et celles qu’elle (re)connaît et avance jusqu’à son van étoilé. Encore une affaire rondement menée…

Photos © LC


© Denis Carpentier

Véronique Sanson, un nouveau tour de chant magistral

Benjamin Locoge – 23/02/2024

Hier soir à Bruxelles Véronique Sanson présentait une nouvelle version de sa tournée “Hasta Luego”. Un concert raccourci mais plus intense que jamais.

Elle n'a pas de nouvel album à défendre. Ni même de compilation reprenant ses plus grands tubes. Mais depuis janvier, Véronique Sanson est repartie sur les routes, prolongeant sa tournée “Hasta Luego” par pur plaisir. Après une première salve de concerts en 2022, des festivals et des Zénith en 2023, on pensait logiquement hier soir au Cirque Royal de Bruxelles retrouver un tour de chant avec lequel on commençait à se familiariser. C'était mal connaître Sanson que de penser ainsi…
 
2000 bruxellois présents
Quand la salle se plonge dans le noir à 21h, c'est pour mieux laisser la patronne s'installer derrière son piano blanc pièce central du somptueux dispositif scénique. Et c'est en solo qu'elle plaque les premiers accords de Véronique chanson tirée de l'album culte “Le Maudit” paru il y a 50 ans. Concentrée Véro fait immédiatement preuve d'une grande forme vocale, guettant l'arrivée progressive de ses sept musiciens.
Si Basile Leroux a cédé sa guitare à Michel-Yves Kochmann, on retrouve les fidèles Dominique Bertram à la basse ou François Constantin aux percussions. “Je suis tellement heureuse d'être là avec vous ce soir, lance-t-elle aux 2000 bruxellois présents (dont Plastic Bertrand), on va partager des moments de colère, des moments de joie et des moments de douceur”.
Et c'est Comme je l'imagine qui arrive, pas totalement maitrisé, qui ouvre la porte à «Indestructible », l'occasion pour le groupe de musiciens d'être rejoints par trois cuivres. Les premiers rangs -ceux des fans les plus hardis ont les yeux écarquillés : leur idole a complètement renouvelé sa setlist, leur délivrant titres rares et peu joués. Comme Un peu d'air pur et hop ! manifeste écolo de 1988 que Véronique présente “comme le constat qu'absolument rien n'a changé depuis”. « Laissez-nous vivre et laissez-nous mourir vieux, sans imbécile et sans caca dans les yeux » chante-t-elle à l'attention de ceux qui massacrent la planète sous nos yeux impuissants.

Une première demi-heure plus que parfaite
Retour ensuite à l'amour avec Je suis la seule ballade émouvante de 1979, là aussi ressurgie du passé avec délice. Que dire de Sans regrets titre d'ouverture de l'album du même nom où Véro se demande ce qu'elle peut faire “pour calmer sa colère”, elle, qui erre “comme une louve solitaire” ? Magnifique moment suspendu où le jeu tout en délicatesse de Michel Yves Kochmann s'apprécie à merveille. Visuellement, un demi-cercle de lumière permet de varier les plaisirs selon les morceaux, tous éclairés avec une poésie bienveillante. Cette première demi-heure est plus que parfaite, tout en surprise et maitrise musicale, laissant présager le meilleur pour la suite.
Je me suis tellement manquée lance le début d'une deuxième partie de concert consacrée aux tubes. Et quels tubes ! Bruxelles se lève dès les premières mesures de Besoin de personne, ovationne Chanson sur une drôle de vie, écoute religieusement Vancouver ou Amoureuse, classiques intemporels, qui procurent tous toujours une sacré ??? d'émotions dans le public comme sur scène. Entre deux, Véro a glissé Les délices d'Hollywood échappé de l'album “Hollywood”  et Bouddha plus entendu depuis quelques années...

La voix est puissante, les sourires, radieux
Avant Bernard's Song (il est de nulle part), Véronique Sanson chausse des lunettes noires pour mieux voir le public qu'elle harangue de sa frêle silhouette. Mais la puissance de sa voix, les sourires qu'elle balance montrent combien la scène est aussi pour elle une cure de jouvence, d'amour, un oxygène qui la porte. Sur la fin de Rien que de l'eau » elle annonce sortir “pour me mettre un coup de peigne, j'ai l'air d'une folle avec mes cheveux en bataille ”, rigole-t-elle, laissant ses musiciens conclure l'affaire.
Le public s'étonne quand ces derniers quittent leur poste au bout d'1h15 de concerts. Mais Véro réapparait et attaque Alia Souza qui fait swinguer le Cirque Royal. En plein milieu du titre, elle introduit un extrait de Salsa autre pépite oubliée, avant de longuement présenter les dix mecs qui l'entourent. Bruxelles croise les doigts : Sanson va-t-elle s'arrêter là ? La voilà qui s'assoit face à son instrument et envoie Ma révérence, en solo. Avant de demander à la salle de l'accompagner sur Bahia, “pour profiter de chaque micro instant de vous jusqu'au bout”.

Un concert de légende
Véro écoute Bruxelles chanter “et je t'aime, oh caresse-moi” puis semble gagnée par un orgasme pianistique, véritable leçon de communion musicale entre une artiste et son public. Un dernier regard, elle rejoint sa loge le poing levé, sans dire un mot. Bruxelles l'ovationne longuement.
Ce show 2024 fera clairement partie des concerts légendaires : aucun temps mort, une intensité immédiate et ininterrompue, une Véronique Sanson au sommet de son art et de sa puissance. On vous aura prévenu.

 

 

 

• Véronique Sanson | 2024

Véronique Sanson,
M.A.CH 36, Châteauroux,
16 février 2024
 
Nouvelle année. Nouvelle tournée. Alors pourquoi pas Châteauroux ? En fait la question aurait dû être : mais pourquoi diable Châteauroux ? Grève des contrôleurs SNCF, pluie torrentielle sur la route, ville grise entre cafés tristes et salons de coiffure tous les 100 m, hôtel moins 2 étoiles… Le bonheur nous attendait pourtant là-bas, au milieu de nulle part, dans une bulle au nom de rasoir posée entre un Buffalo Grill et une Pataterie – même si, et ça a l’air con de l’écrire parce que ça n’a rien à faire ici, on arrive en ce début d’après-midi le cœur brisé à l’annonce de la mort du résistant russe Alexeï Navalny. The show must go on, comme on dit…
 


Véronique n’est pas encore arrivée quand on débarque pour les balances, ce qui donne l’occasion d’entendre 2-3 versions instrumentales (sans piano) jouées par des musiciens déjà en place (dans tous les sens du terme) et de mettre en lumière le détail des nouveaux arrangements. La première qui parvient à nos oreilles est la chanson Véronique, dont on connaît finalement peu de versions live, et qui s’inscrit immédiatement et durablement dans notre imaginaire avec cette guitare lancinante qui n’est pas sans évoquer de vastes paysages américains (ça tombe bien, c’est quand même là-bas qu’elle a été composée). 
 

On s’installe dans la salle déserte sur l’un de ces affreux sièges en plastique orange et on est tout de suite saisi par la beauté du nouveau light show. La silhouette de Véronique s’y découpe bientôt. Elle attaque direct avec ce titre qui porte son prénom, puis Sans regret, avant Un peu d’air pur et hop ! et Indestructible. Elle donne énormément et on feint de s’en inquiéter en la retrouvant au pied de la scène. Elle rassure : “Ne t’en fais pas, j’ai de la réserve.” On la laisse repartir vers sa loge… pour la retrouver tout de suite après derrière la fenêtre ouverte de ladite loge qui donne sur le parking ! Toc toc. Elle lève la tête, surprise, réalisant qu’il va lui falloir baisser le store – ce qu’elle fait avec une hilarante grimace – si elle ne veut pas offrir un strip-tease aux passants de cette partie-là du parking…

Le camarade Baptiste Vignol est là. Il est l’heure de prendre des forces. Au retour, la donne a changé : le parking est bondé et, à l’intérieur de la salle, les accès aux places assises sont si embouteillés qu’on ne découvrira Coline Rio que de loin. Dommage parce qu’il semble que la jeune femme possède un univers bien à elle…  

Le public est chaud, lance des “Véro ! Véro !” dans les airs. De bonne augure. 20:40, on distingue Véronique marchant dans le noir vers son piano blanc. Un certain Mexicain avait milité pendant des années pour que Véronique soit la chanson d’ouverture, il a finalement été tardivement entendu. Véronique a beau ne pas être le titre up tempo qu’on trouve généralement en tête de setlist, il surprend et installe un certain climat. Les musiciens arrivent touche par touche. Le décalage entre la fille qui a écrit ces mots et celle qui les chante devant nos yeux est intéressant. La noirceur de cette écriture-là est derrière elle ; elle peut la convoquer sereinement. Véronique, c’est mon nom… Imparable introduction.
 


Ce concert, à la fois plein d’énergie et de nuances, a pourtant bien failli être gâché par l’éternel souci de la réaction du public aux différentes chansons : se lever ou rester assis ? Reviennent en mémoire les “Assis ! Assis !” d’antan… Depuis des lustres, le combat se joue entre les expansifs et les timides, les bien-portants et les moins en forme, les après-moi-le-déluge et les je-pense-à-ceux-qui-sont-derrière-moi, et surtout les je-veux-envoyer-de-l’énergie-à-celle-qui-est-sur-scène et les spectateurs-témoins qui intériorisent leurs émotions…  
 

Tout a commencé sur Drôle de vie quand une partie du public (qui avait déjà dû voir le film) s’est spontanément massée contre la scène. Moment de grâce vite interrompu par des mains sur les épaules : “Veuillez regagner votre place”. Retour manu militari aux petits sièges en plastique orange. Mais du haut de la scène, Véronique n’en a pas perdu une miette et jette un regard noir en direction de la salle. Le type de regard qu’on aurait aimé immortaliser. Elle laisse passer Les délices d’Hollywood et Vancouver, mais avant d’attaquer Amoureuse, elle interroge la salle, l’air de rien : “On vous empêche de vous lever ?”. Ni une, ni deux, elle se dirige vers le vigile le plus proche qui va certainement passer le plus sale moment de sa carrière, contraint de désobéir aux ordres et abdiquer face à une foule qui rapplique à la vitesse de l’éclair, encouragée par Véronique qui lâche un yes de soulagement derrière son piano. Besoin de personne / Quand je me suis fait ma loi… Dopée par les sourires et les bonnes têtes qu’elle voit maintenant de plus près, électrisée par toute cette énergie, elle va donner le meilleur d’elle-même. 
 
On voyait cette nouvelle série de concerts pour la première fois, notant mentalement au passage les étoiles piquées dans le ciel de scène qui rappellent celles du van qui l’avait conduite jusque là, le retour du sketch de l’homme le plus fort du monde (feat. François Constantin), “l’argent de tes cheveux” qui se pose maintenant sur Guillaume Eyango, la divine contribution de Renaud Gensane à Besoin de personne, la formidable reprise de Rien que de l’eau après le départ de Véronique lorsqu’elle décrète qu’elle doit avoir “une tête de folle”… et toutes ces choses, petites ou grandes, qui font qu’on retournera encore et toujours la voir sur scène…
 


Après le show et le debriefing avec les musiciens, c’est l’heure des visites et des cadeaux en loge. Des signatures aussi, sur le Grand livre de la ville cette fois-ci. On jette un regard sur les pages précédentes, les photos collées sur les pages de gauche et les écritures manuscrites des uns et des autres (Élisabeth Borne, Gabriel Attal, des rappeurs…) en belle page. Espiègle, elle est tentée de redessiner une signature au graphisme un peu trop simple. On la retient et elle finit par s’acquitter de son devoir… On la quitte devant la grille du parking. Quelques irréductibles l’attendent avec des rires et des bravos. Elle leur consacrera un moment important…

 Photos © LC