Soudain un frémissement, le placeur est venu prévenir le 2e rang qu’ils allaient devoir bientôt tous se lever. Véronique vient d’arriver et c’est dans un impressionnant silence qu’elle descend bientôt les marches – ce qui n’est pas son passe-temps favori – conduisant au devant de la scène. Le noir se fait dès qu’elle et Christian sont installés. Voix off de Chantal Ladesou qui nous rappelle qu’il est interdit de téléphoner, de bouger, de respirer, de baiser… mais qu’en revanche, on peut filmer.
Visionnage de la vidéo de l’auteur dans Paris avec son cabas, et son prolongement logique : Daniel Schick arrive sur scène, traînant ledit cabas qu’il vide sur le petit bureau [Le lendemain après-midi, je croiserai à nouveau l’auteur avec son sempiternel cabas rue Beaubourg : rien n’est jamais hasard]. Manuscrit en main, il entreprend de lire le chapitre de sa rencontre avec elle (Le piano des îles pour ceux qui ont le livre). Et il lit bien, le bougre – même sans lunettes (voir l’aveu qu’il fera à des amis plus tard en sortant des loges : “J’avais oublié mes lunettes, j’ai pratiquement tout lu de mémoire !”). La voix bien placée, il lit avec gourmandise, ménage ses effets. En quatre mots : il tient son auditoire.
Sur l’écran, ce sont maintenant deux danseurs dont les corps se cherchent sur Amoureuse, version maquette de 1971 – choix plutôt finaud.
Vient la lecture de l’épisode de la mouche (Drame à ibiza), avec une référence directe à Marguerite D. Puis le récit de sa première fois à Triel, souligné par une vidéo où une petite voiture rouge est filmée par la fenêtre de sa voiture, sur l’autoroute qui mène chez elle. Bien vu.
C’est maintenant Yolande Moreau qui lit Je me suis tellement manquée. À côté d’elle, Daniel Schick est un livre ouvert. Il réagit, encourage, apprécie. Ne se met pas en colère lorsqu’une jolie nuance du texte est escamotée (J’ai su que je devenais folle / J’ai su que je perdais la tête).
Il faut des couilles pour lire le chapitre Le salaud alors que Véronique est en face de vous. Je ne connais pas Daniel Schick si intimement, mais il semble bien qu’il les ait : il n’a rien d’un inconscient. [Racontage d’une anecdote perso. Un soir au restaurant avec elle, Christian et Yann, un homme s’approche de notre table, et dit à Véronique : “Je vous admire depuis toujours. Vous savez, pour venir vous parler, il faut des couilles !”. Réponse de Véro : “D’accord… mais combien ?”]
Le piano sur scène est d’abord pour Thomas Enhco, joli mélange de grâce et de force. Il s’empare de Mortelles pensées, louvoie entre l’accompagnement et la mélodie de voix, fait des détours impro jazz bien sûr mais retombe toujours sur ses pieds. On regrette de ne pas filmer, mais la salle est si intime… et puis personne ne filme autour de nous. C’est idiot mais on aurait l’impression de lui manquer de respect. Bien sûr on découvrirait des choses maintenant en regardant la vidéo, mais lorsqu’on filme le souvenir s’inscrit différemment en nous, happé par l’œil de la caméra.
Au balcon, la silhouette d’un homme, casquette américaine, lunettes et blouson de cuir. Un faux(vrai ?)-air de Titou…
L’auteur se rapproche du temps présent, raconte le concert de Bapaume (2011), lit de larges extraits du chapitre du livre. Bien sûr, depuis qu’il a commencé sa lecture, on a la tentation de lui coller un procès en narcissisme. Il parle d’elle mais aussi beaucoup de lui. Il donne à voir, ce qui revient à exhiber. Mais ça ne tient pas longtemps… et puis cet exhibitionnisme est une composante de sa personnalité, c’est ce qui le rend presque attachant. Dans son récit, vignettes impressionnistes, il ne se donne d’ailleurs pas toujours le beau rôle – ce qui est un bon point.
Puisque Véronique finit ses concerts avec Bahia, on en entend quelques notes avant la version intégrale par Zaz, debout près du piano. Bluffant !
Dernier tableau en forme de pied de nez (rouge) : l’auteur-lecteur quitte la scène avec, sur un plateau, un énorme nez de clown – éclatant symbole de leur complicité que Véronique chausse bien sûr – et comment ! – avant de se retourner pour faire rire l’assemblée et montrer ainsi sa complète adhésion à ce qu’elle vient de voir. > vidéo Instagram
C’est sur les notes de Dignes, dingues, donc… que Daniel Schick remercie celles et ceux qui l’ont accompagné dans cette drôle d’entreprise, ce spectacle ovni qui pourrait partir en tournée demain mais qui n’était pourtant qu’un exemplaire unique. Tous le rejoignent sur scène avant bien sûr qu’il n’y appelle Véronique. Elle n’hésite pas une seconde, rêvait sans doute du moment où elle pourrait enfin embrasser chaque artiste comme du bon pain et dire à l’auteur combien elle est fière de lui. Elle n’a pas de micro, Daniel tend le sien vers sa bouche. Elle avoue qu’elle a “un tout petit peu les larmes aux yeux”, qu'elle a gardé ses lunettes “parce qu’elle ne voit rien” et que ça tombe bien qu’elles soient fumées : on ne voit pas le rimel qui a coulé. Il pose ses mains sur ses épaules. “Voilà… oh j’suis contente !”. Il la prend dans ses bras. Applaudissements. Elle souligne, avec l’accord de Daniel Schick, le nombre de fautes d’orthographe qu’elle a dû rectifier dans le manuscrit. L’auteur saute sur place comme un enfant : “We love you! We love you!”
La salle se vide vers le hall, vers deux buffets où se distribuent des rafraîchissements qui vont du jus d’orange… au champagne, non loin d’un point de vente où Avec elle figure en très bonne place. On aperçoit Titou (c’était donc bien lui) en grande conversation avec Gérard Pont. Il racontera ensuite le grand écart entre Dallas, d’où il arrive directement, et ce petit temple de la poésie française !
L’auteur est encore dans les loges avec les artistes et avec elle. En quittant sa loge, Véronique tombe sur les ayant-droits de Jean Sablon. Ils rêvaient de lui demander – sans aucun souci inquisiteur – si elle avait entendu sa chanson Je tire ma révérence (qui date des années 1930) avant d’écrire la sienne. Elle répond sans détour que oui, bien sûr, explique qu’elle a écrit ce texte “d’un seul trait en exactement 3 minutes” et qu’elle aimerait bien que ce genre de choses lui arrive encore ! Ils souhaitent être pris en photo à ses côtés sur la scène du théâtre vide. Étant donné le mauvais éclairage, ils m’ont adressé la photo avec ce commentaire : “Nous sommes dans le ton de ...Vous qui passez sans me voir...” ! :
Dans le hall, tout est bien organisé, il y a même un coin photocall où Daniel peut poser avec les artistes de la soirée – et avec elle bien sûr (dernière fois, promis) – avant un dîner organisé au Café Beaubourg. Juste avant d’y aller, c'est un Titou protecteur qui dénoue son cheich pour le passer au cou de sa mère…
On repart avec cette idée : le ton du livre se prêtant si bien à la lecture à voix haute, l’auteur devrait en enregistrer une version audio, à l’instar de ces cassettes qu’on avait jadis…
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