HEUREUX QUI COMME NINA…
publié le 5 juillet 1996 dans Le Quotidien de Paris
Bee Happy, nouveau credo de Nina Hagen ou le retour discret de l'ex-enfant terrible du rock européen. Instantanés d'une carrière chaotique avant concert parisien le 12 juillet.
Increvable, intenable, inclassable, toujours affable, Nina Hagen repointe le bout de son museau. Après bientôt deux décennies d'une improbable carrière en dents de scie, l'auto-proclamée « Mother of Punk » s'en vient défendre son nouveau CD, Bee Happy (sans faute de frappe mais avec jeu de mot), dans notre beau pays. Rappel de quelques dates et hauts faits de la dame.
Sur fond de scandale (Nina joignant le geste à la parole pour donner une leçon de sexualité aux jeunes filles solitaires lors d'un talkshow allemand), l'entrée en scène avait de quoi séduire : un premier album à la production carrée, d'une bargitude échevelée, révélant un joli brin de jeune fille, incontrôlable, rebelle pour de vrai et surtout dotée de l'organe le plus puissant de l'histoire du rock au féminin. De vociférations tonitruantes en gloussements de gallinacée, une voix d'opéra dans la tête d'une walkyrie désinhibée.
La mise sur orbite ne tarda pas. Propulsée par African Reggae (1979) et quelques déclarations explosives, le transfuge de l'Allemagne de l'Est allait parcourir l'Europe, le chaos comme étendard, semant le doute, l'effroi et le rire. Reine de l'auto-dérision, le cheveu rose fluo et un godemichet attaché à sa ceinture pointant sous sa cape noire, elle donnait à l'Olympia en 1980 un concert gravé dans la mémoire des survivants.
« Quand je commence à chanter, je ne pense plus, je reçois ». Consciente d'être considérée comme assez peu saine d'esprit par l'ensemble des médias, Nina en rajoute une couche en prénommant sa fille Cosma Shiva (on l'entend gazouiller dans une chanson au titre éponyme) et profite de cette période faste pour établir son personnage de diva rock échappée du cirque mais respectée pour ses octaves.
Jamais avare de grimaces, outrageusement maquillée, emperruquée sans grâce, elle apparaît dans des clips à la mise en scène bricolée, aux effets spéciaux à 2,50 F, d'un mauvais goût à faire passer les premiers films de John Waters pour des documentaires produits par Arte.
La rencontre avec le disco donna naissance à un album qui peut encore s'écouter aujourd'hui, Angstlos (ou sa version anglaise Fearless) sur lequel figurent, soutenus par le rythme binaire de Georgio Moroder et Keith Forsey (maîtres du genre à l'époque), l'un des premiers raps (co-écrit par son boyfriend d'alors, Anthony Kiedis, leader des Red Hot Chili Peppers) et le célèbre New York/NY (rien à voir avec Sinatra). Elle s'y fend également d'un hommage à Zarah Leander, légendaire star allemande d'adoption à la voix grave et sensuelle.
On la retrouve quelque temps plus tard pseudo-marié le temps d'un Punk Wedding avec un jeune Iroquois. Puis soutenant Gobatchev (Michaïl, Michaïl) ou reprenant Mahalia Jackson (Hold me).
Plus sereine
Sur tous les fronts (duo d'anthologie avec sa consœur Lene Lovitch contre la vivisection, interviews truffés de propos humanistes), Nina se découvre bientôt un maître spirituel (Babadji) et impose une image d'elle-même plus sereine. Après les Etats-Unis et Ibiza, elle choisit de s'installer à Paris avec un mannequin de chez Gaultier, Franck Chevalier (« I'm in love with Maurice Chevalier ! ») dont elle aura un fils, sobrement baptisé Otis.
Sort alors Revolution Ballroom, à la production impeccable (due pour certains titres à Dave Stewart, moitié d'Eurythmics), occasion pour Nina de vider son sac (« Tellement nul / Les mensonges sur le VIH / Tellement nul / L'énergie atomique mal utilisée / Tellement nul / Helmut Kohl » dans So bad).
Aujourd'hui rangée des voitures, survivant à ses multiples errances comme à autant de destinées (donnant l'impression de plusieurs vies en une), Nina Hagen vit à Los Angeles, dans la villa où vécut Janis Joplin, avec un nouveau compagnon. Suite à sa rencontre avec Dee Dee Ramone (des Ramones, de sinistre mémoire), elle a repris le chemin des studios pour un album dont la version allemande, parue il y a quelques mois, offrait l'avantage d'un emballage de première classe : des portraits hologrammes de la chanteuse teutonne plantés dans une couverture argentée. Bee Happy, qui sort aujourd'hui en France avec une pochette plus commune en est la traduction anglaise, augmentée d'un inédit Shiva.
Bien sûr, on regrettera les octaves d'antan, tout comme la production rutilante et soignée du dernier album. Il est question ici d'un retour aux sources punks (prise de son brute, arrangements inexistants) et les textes, scandés sans effort, trahissent une évidente paresse.
Malgré tout, Nina Hagen garde aisément notre tendresse et on ne se fera pas prier pour la voir éructer une nouvelle fois sur la scène du Palace le 12 juillet prochain, tonitruante. Dans l'attente de nouvelles aventures…
Sur fond de scandale (Nina joignant le geste à la parole pour donner une leçon de sexualité aux jeunes filles solitaires lors d'un talkshow allemand), l'entrée en scène avait de quoi séduire : un premier album à la production carrée, d'une bargitude échevelée, révélant un joli brin de jeune fille, incontrôlable, rebelle pour de vrai et surtout dotée de l'organe le plus puissant de l'histoire du rock au féminin. De vociférations tonitruantes en gloussements de gallinacée, une voix d'opéra dans la tête d'une walkyrie désinhibée.
La mise sur orbite ne tarda pas. Propulsée par African Reggae (1979) et quelques déclarations explosives, le transfuge de l'Allemagne de l'Est allait parcourir l'Europe, le chaos comme étendard, semant le doute, l'effroi et le rire. Reine de l'auto-dérision, le cheveu rose fluo et un godemichet attaché à sa ceinture pointant sous sa cape noire, elle donnait à l'Olympia en 1980 un concert gravé dans la mémoire des survivants.
« Quand je commence à chanter, je ne pense plus, je reçois ». Consciente d'être considérée comme assez peu saine d'esprit par l'ensemble des médias, Nina en rajoute une couche en prénommant sa fille Cosma Shiva (on l'entend gazouiller dans une chanson au titre éponyme) et profite de cette période faste pour établir son personnage de diva rock échappée du cirque mais respectée pour ses octaves.
Jamais avare de grimaces, outrageusement maquillée, emperruquée sans grâce, elle apparaît dans des clips à la mise en scène bricolée, aux effets spéciaux à 2,50 F, d'un mauvais goût à faire passer les premiers films de John Waters pour des documentaires produits par Arte.
La rencontre avec le disco donna naissance à un album qui peut encore s'écouter aujourd'hui, Angstlos (ou sa version anglaise Fearless) sur lequel figurent, soutenus par le rythme binaire de Georgio Moroder et Keith Forsey (maîtres du genre à l'époque), l'un des premiers raps (co-écrit par son boyfriend d'alors, Anthony Kiedis, leader des Red Hot Chili Peppers) et le célèbre New York/NY (rien à voir avec Sinatra). Elle s'y fend également d'un hommage à Zarah Leander, légendaire star allemande d'adoption à la voix grave et sensuelle.
On la retrouve quelque temps plus tard pseudo-marié le temps d'un Punk Wedding avec un jeune Iroquois. Puis soutenant Gobatchev (Michaïl, Michaïl) ou reprenant Mahalia Jackson (Hold me).
Plus sereine
Sur tous les fronts (duo d'anthologie avec sa consœur Lene Lovitch contre la vivisection, interviews truffés de propos humanistes), Nina se découvre bientôt un maître spirituel (Babadji) et impose une image d'elle-même plus sereine. Après les Etats-Unis et Ibiza, elle choisit de s'installer à Paris avec un mannequin de chez Gaultier, Franck Chevalier (« I'm in love with Maurice Chevalier ! ») dont elle aura un fils, sobrement baptisé Otis.
Sort alors Revolution Ballroom, à la production impeccable (due pour certains titres à Dave Stewart, moitié d'Eurythmics), occasion pour Nina de vider son sac (« Tellement nul / Les mensonges sur le VIH / Tellement nul / L'énergie atomique mal utilisée / Tellement nul / Helmut Kohl » dans So bad).
Aujourd'hui rangée des voitures, survivant à ses multiples errances comme à autant de destinées (donnant l'impression de plusieurs vies en une), Nina Hagen vit à Los Angeles, dans la villa où vécut Janis Joplin, avec un nouveau compagnon. Suite à sa rencontre avec Dee Dee Ramone (des Ramones, de sinistre mémoire), elle a repris le chemin des studios pour un album dont la version allemande, parue il y a quelques mois, offrait l'avantage d'un emballage de première classe : des portraits hologrammes de la chanteuse teutonne plantés dans une couverture argentée. Bee Happy, qui sort aujourd'hui en France avec une pochette plus commune en est la traduction anglaise, augmentée d'un inédit Shiva.
Bien sûr, on regrettera les octaves d'antan, tout comme la production rutilante et soignée du dernier album. Il est question ici d'un retour aux sources punks (prise de son brute, arrangements inexistants) et les textes, scandés sans effort, trahissent une évidente paresse.
Malgré tout, Nina Hagen garde aisément notre tendresse et on ne se fera pas prier pour la voir éructer une nouvelle fois sur la scène du Palace le 12 juillet prochain, tonitruante. Dans l'attente de nouvelles aventures…
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