• Véronique Sanson | 2012


Salle Pleyel, Paris 
21-22 décembre 2012 

On imagine que Pleyel ne voit pas ça tous les soirs : quel feu d’artifice !
Dans cette salle qui manquait encore au palmarès de Véronique, l'alunissage de deux ans de tournée s'est effectué en beauté : bonheur d’être là, grande qualité du « jouage » des uns et des autres, osmose bien visible sur scène entre Véro et Véronique Sanson, triomphantes…
Et, surprenant mais vrai, l’événement s’est déroulé dans un silence médiatique assourdissant, couvert pour toujours pour nous par les clameurs d’un public qui nous rappelait celui des grands soirs d’un Palais des Sports ou d’un Zénith, passé pas si lointain… Ah Pleyel 2012 et son incroyable chaleur… Un transfert d’énergie salle-scène/scène-salle qui restera dans nos mémoires !

Il y a des photos (et quelques vidéos) un peu partout sur Facebook. Nul besoin d’un récit complet – d’autant que la grande majorité des gens qui me font l’honneur de lire ces chroniques étaient dans la salle. Juste quelques instantanés :

Premier spectacle Une pointe de trac palpable au début (osons dire que cela allait bien à sa voix…) sauvé par sa grande technique. À trois sièges, sur la même rangée, Line Renaud, debout, chantant avec la salle, écrasant une larme ou bien riant franchement : la spectatrice idéale ! Véronique de la scène lui dessinera un cœur et elle sortira de la loge encore impressionnée (« Quel spectacle ! La voix est intacte. »). « J’avais envie de vous jouer de la guitare » : On m’attend là-bas, le retour ! (en titre bonus, juste après Vancouver). Quelle énergie ! Bernard de Bosson, l’homme par qui tout est arrivé (un amour de type), passant les trois-quarts du spectacle à danser devant son siège. Revigorant ! Titou et ses deux filles découvrant leur drôle d’aïeule (eh oui…) pour la première fois sur scène : Véronique les présente au public, salle allumée. Également présents ce soir-là, Tony Franck, Yves Duteil et Raphaël Mezrahi qui confie avoir acheté avec son premier salaire un lecteur de laserdiscs juste pour lire celui du Symphonique Sanson et en dit un peu plus sur son projet loufoque de « Nuit de la déprime » : Véronique y chantera deux titres (location des places, ici). Véronique appelant Violaine avant Qu’on me pardonne en sifflant et attendant la réponse de l’intéressée – réponse qui semblerait ne pas être venue de « son p’tit sœur ». Première du sketch du bâton de rouge à lèvres, tiré de la poche du gilet. Présentation des musiciens avec des restes d’italien de la semaine précédente (« Allora ! ») ;-) L’intro de Bahia évolue encore : elle est maintenant chantée. Un véritable piège pour ceux qui ne savent pas ce qui vient…

Deuxième spectacle La température a encore augmenté par rapport à hier : dehors, il ferait presque tiède, mais dedans il fait chaud, très chaud ! Doux dehors, fou dedans ! Le trac semble avoir foutu le camp : la voix est libre ! La dernière note de Toute une vie sans te voir, par exemple, sera une version assez rare que mon voisin, véronicologue ô combien distingué, n’avait entendue qu’une seule fois… Véronique : « Quand je serai grande, je ferai une tournée piano-voix ». Le même voisin : « Même pas cap’ ! ». Véronique, modeste avant On m’attend là-bas : « Ne vous attendez à rien de sensationnel [pause] de ma part ! », car voici que s’avance sur la gauche Titou et sa guitare verte… Tête de la chanteuse qui va saluer avec les musiciens et voit arriver un bouquet larger than life dans un vase piqué d'étoiles rouges ! Titou l'aidera à le poser sur la scène au pied du piano, et une des étoiles, tombée dans la manœuvre, atterrira d'autorité sur sa veste ! ★★★ Invités du soir : Jean-François Copé (qui connaît le répertoire de Véronique par cœur et ne se gratte pas pour chanter), Isabelle Nanty (saluant Daniel Shick en coulisses, elle rigole : « Je peux te dire bonjour, on n’a pas de casseroles ? Parce que je sais que je dois encore 50 francs à quelqu’un…» !), Claude Wild, ancien tourneur de Véronique, et Franka Berger. Dans la loge, accompagné par Mehdi au piano, Franck Sitbon se livre à eine große Parodie de Juste pour toi en yaourt teuton. Irrésistible ! Sincère, Véro fait silence pour remercier comme il se doit Bruno Caviglia de leur avoir « sauvé la vie » (en remplaçant Basilou 48 heures avant Genève) : « Je ne peux pas mieux dire ». Applaudissements. Titou remonte sur scène, bien après le départ du public, pour un Say my last goodbye des familles qui résonne jusque dans la loge. Techniciens, musiciens et amis défilent pour dire au revoir à la chanteuse, qui trouve à chaque fois un mot, un regard, un sourire différents… 

• Véronique Sanson | 2012


Aoste, Italie 
13 décembre 2012 

La tentation d'Aoste était grande. Celle d'aller faire un tour en Italie (même si on ne se doutait pas du périple que cela allait représenter…), de la soutenir dans ce nouveau défi (jouer dans la vallée francophone d'un pays où elle est tout de même inconnue) et faire accessoirement un drôle de voyage dans le temps : Aoste, c'est un peu la Savoie dans les années 60 ! Une ville de 36 000 habitants, un peu oubliée par le temps… 


On est en avance pour la balance. La salle n'est vraiment pas grande, en pente dans le mauvais sens (quand les premiers rangs se lèveront, ils boucheront définitivement l'horizon au reste du public, à l'exception du balcon bien sûr, minuscule). Un technicien explique que l'installation électrique est assez ancienne, qu'il a fallu diviser par deux la puissance et même faire venir un câble de l'extérieur ! Ils sont sur place depuis 13 h, fabriquant une perche en bois ou grimpant au sommet d'une vertigineuse échelle pour obliquer un projecteur mal dirigé, installant les cuivres à côté des choristes (pas assez de place en fond de scène) et on réalise une fois de plus la somme de travail fournie pour deux heures de scène – qui se révéleront techniquement parfaites : chapeau les gars !
Les musiciens arrivent peu à peu, traînant leur valise. Aller de ville en ville, ça ils le connaissent bien… Véronique monte sur scène peu après, jeans, pull gris et lunettes de vue fumées à monture camouflage. Sa loge (en bonne position dans le déjà volumineux dossier des loges archi minuscules qu'elle aura connues dans sa carrière) est à 2 mètres à peine de la scène sur la gauche et elle évoquera plus tard cette première "embuscade" : entrer côté cour et se faufiler entre Rycko et Mehdi d'un côté et les cuivres de l'autre. La seconde sera la scène elle-même, penchée également, et recouverte d'une sorte de moquette difficile à pratiquer mais qui présentera l'avantage de bien prendre la lumière, en particulier le bleu, magnifique ce soir. Sur certains titres, combiné aux visuels de fond de scène (les mouvements de planètes et d'étoiles, par exemple), l'effet sera pratiquement hypnotique.


Je me fous de tout, Je veux être un homme et C'est long c'est court, que l'on découvre en version quasi-instrumentale (lors des balances, les voix et les instruments sont coupés alternativement de la console, pour régler les niveaux). Même ainsi, le titre est redoutablement efficace ! Véronique travaille ensuite ses piano-voix et on a droit à un joli Toute une vie sans te voir. Elle échange quelques mots en anglais avec Andy Scott, déclare que c'est bon pour elle et rejoint sa loge. Le trac ne l'a pas encore visitée, elle est franchement décontractée et bigrement en forme !

Peu avant 21 heures, les Valdôtains entrent sans se presser. Beaucoup d'abonnés, certains habillés pour sortir. Ils se dirigent vers leur place, et au son de la cloche, l'échangeront pour celle de leur choix ! Une tradition locale, sans doute… Le premier rang retrouvera ainsi ses habitués, lanceurs de standing ovations, bienvenus dans cette salle où tout est permis (filmer, photographier, et changer de place, donc). Quel luxe ! Et ici, pas de mauvais esprit, nul "Assis ! Assis !".  
Au bout de quelques chansons, ce qui saute aux yeux est l'extraordinaire décalage entre la qualité du spectacle (une chanteuse qui connait son affaire, des musiciens archi en place, les chorés d'Eric et Mehdi toujours au top, un son bien carré) et la taille du théâtre qui accueille le tout, alliée au fait que bon nombre des gens assis découvrent les chansons et le show en bloc.
Comme ma voisine, par exemple, charmante autochtone francophone à la retraite, venue parce qu'elle a lu dans le programme de la saison que Véronique était "fameuse en France", qui ne connaît aucun titre et va bientôt s'émerveiller comme une enfant des prouesses des uns et des autres, et même se lever à l'invitation de la chanteuse pour danser sur La nuit se fait attendre. Elle rit volontiers aux blagounettes de Véronique qui a vite mis la salle dans sa poche en ajoutant des o, des a et des i au p'tit bonheur, pour causer local ! Exemple : après avoir présenté Je me suis tellement manquée ("C'est une chanson sur la solitude des gens dans les grandes villes, dans les petites villes, dans les villages"), elle effleure sans le vouloir (?) une touche du piano et demande pardon ("Je ne l'ai pas fait expretto"). 


De temps en temps, pour varier les plaisirs, elle demandera à Mehdi de la traduire. Le contact est vite noué : les gens de la vallée sont sous le charme. Le voisin de l'ami Jéjé, juste devant, déclarera d'ailleurs d'emblée "C'est une belle femme". Ce sentiment anachronique de nouveauté pour le public se devine également côté scène : on ressentirait presque une certaine liberté, une façon de séduire différente, sans pression. Peut-être le challenge de jouer dans un petit théâtre devant un public qui ne vous connaît pas quand on plus de 40 ans de carrière, l'idée de devoir conquérir un public sans repères en une seule soirée, comme une impression de repartir de zéro…
Incident inédit et carrément fâcheux remarqué sur Qu'on me pardonne : la note do du piano résiste, sonne faux ! Le responsable serait un morceau de gaffer… Il faudra tout le talent de Véronique pour le contourner pendant le reste du spectacle…
"D'habitude je n'aime pas trop les chansons réalistes, et pourtant celle qui suit en est une" introduit Le temps est assassin auquel Bruno Caviglia apporte – en l'absence de Basilou – sa propre patte, très sympathique.
Véronique distribue ses regards, intenses ou rigolards, aux visages qu'elle reconnaît ou qu'elle distingue, en fonction des textes, au gré des chansons. Mots choisis les yeux dans les yeux. Frissons.


La fin de Bernard's song ne fonctionnera pas comme d'habitude : faute de candidats au jeu du "nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle, nulle", elle préfère l'abréger et lancer le "part" un peu plus tôt.
Arrive LE titre de la soirée, celui qui a sorti Alia Soûza : C'est long c'est court. Véronique s'y amuse d'un bout à l'autre, les percus entraînent les cuivres à moins que ce ne soit l'inverse, les chœurs se décalent de la ligne de voix et la partie finale, a capella, fournit l'occasion de saluer un beau travail d'adaptation à la scène et à ce groupe. En un mot comme en cent, ce titre est une tuerie, prêt à être mis en boite et commercialisé tel quel !
Sortie en dansant escortée par Mehdi et Rycko, Véronique revient pour Vancouver qu'elle termine, avant le "Et je rêve" final, non pas les poings contre le piano, mais les mains claquant à plat dessus. En la regardant évoquer une fois encore ce soir ses démons d'antan, on ressentira comme une impression de distance chez elle : elle les attend, qu'ils viennent…


Vient la présentation des musiciens, autre grand moment de culture bilingue, voire trilingue (y a de vrais morceaux d'espagnol dedans !) avec les noms à consonance latine vainqueurs haut la main à l'applaudimètre (Thierry Farrugia et Bruno Caviglia) ! Voir la vidéo ici.


Véronique est ensuite obligée, revenue à son piano, de faire signe de se rasseoir à ceux qui, au balcon, pensent que c'est déjà terminé et enfilent déjà leur doudoune ! "Vous ne vous débarrasserez pas de moi comme ça !". Ils se rassoient aussi sec sans se faire prier.
Endormie au premier rang depuis un bon moment, une dame d'un âge certain (et à l'audition contrariée), se réveille soudain et s'accoude à la scène pour tenter de rattraper ce qui ne se rattrape, ne se rattrape plus… Elle aura tout de même eu droit aux trois titres piano solo…
Avant Bahia, Véronique explique en italien de cuisine qu'elle va juste nous accompagner, qu'il faudra qu'on chante "sinon ça va pas l'faire" (en français, et en aparté).


Joli détail pour les initiés, la fin de Visiteur et voyageur cache ce soir pour la première fois une nouvelle et excellente trouvaille : un petit claquement de langue en rythme, façon tic-tac, sur les dernières notes de piano. Bravo !

Comme au joli temps jadis, et contrairement aux grandes villes où le public est prié de sortir manu militari, il est question ici de faire attendre les gens de la nuit dans le hall, en laissant à leur disposition des affichettes promo du spectacle. En général, l'artiste vient à leur rencontre et offre ses dédicaces. Dans le cas qui nous intéresse, l'attente ne sera pas trop longue, rythmée par le passage des roadies qui démontent la scène et pour qui c'est pratiquement l'unique passage.
Véronique prendra le temps d'un petit mot et d'un sourire à chacun(e), les remerciant d'avoir suivi sa musique jusque dans cette vallée éloignée (et bientôt balayée par la neige), avant de regagner à pied son hôtel, un peu plus bas dans la même rue…

• Sheila | 2012

Olympia, Paris
21 septembre 2012


Aller voir Sheila sur scène en 2012 ? Alors même que depuis quelques temps en interview, elle menace d'y interpréter rien moins que 7 nouveaux titres… Est-ce vraiment raisonnable ?!
Si on accepte, c'est bien au nom de ce petit garçon des années 60 qu'on a pu être, celui qu'on autorisait parfois à regarder quelque guyluxerie le soir, même s'il y avait école le lendemain matin… Sheila, c'était un peu la Chantal Goya de l'époque. En beaucoup plus jolie. Un sourire impeccable dans un visage harmonieux, parfaitement symétrique. 
Une certaine presse la traitait de "phénomène sociologique" avec ses millions de disques vendus (le chiffre oscille ces jours-ci entre 60 et 85, mais n'a aucun sens : on parle ici de 45 tours dans un marché du disque alors florissant, pas d'albums… encore moins de CD). 
Un soir de première à l'Olympia, un anniversaire : 5 fois 10 ans de carrière. On repense aux doubles-pages de Jours de France, au "Tout-Paris" (Eddie Barclay, Alain Delon, Mireille Darc, Jacques Chazot) souriant dans leurs habits de gala aux premiers rangs devant un artiste saluant de profil… Ce soir, on aura droit à Véronique Jannot et à Jean-Pierre Foucauld (sans son ventilo).
Cela dit, la situation n'est pas aussi désespérée que le laissait penser le texto alarmant reçu alors qu'on s'apprêtait à sortir de chez soi ("Dépêche-toi, j'ai peur ! On dirait le fond d'une backroom de province"). Certes, il y a du monde… Quelqu'un de vaguement mal intentionné ajouterait : du temps de cerveau disponible à perte de vue… ;-)

Pas une minute à perdre ! Elle est ponctuelle et a suffisamment clamé son impatience sur tous les petits écrans : le noir se fait pratiquement à l'heure. La salle est en surchauffe : "Shei-la, Shei-la", deux syllabes clamées à l'unisson. Il était fort ce Carrère…
Jusqu'à quel âge peut-on chanter Petite fille de Français moyen ? Mauvaise question et vraie bonne idée : après avoir un peu tout essayé (noyer le poisson, renier ses chansons d'antan, les mettre à toutes les sauces), voici venu pour Sheila le temps d'assumer son répertoire : c'est avec ce titre qu'elle attaque son spectacle dans cette salle mythique qui a vu Piaf et Brel (enfin presque…). Un titre pour le moins controversé, sorti au printemps 68 (donc vaguement à contre-courant d'une certaine actualité française justement)… Et c'est plutôt finaud ! Les arrangements sont impeccables, son entrain de l'époque (qui se traduisait par d'incessants moulinets de bras) un peu retombé, ce qui est logique. "Tandis que moi qui ne suis rien…" Elle rayonne, les premiers rangs exultent : c'est gagné ! 
Dommage, elle n'a guère le triomphe modeste, paradant tout sourire dehors et haranguant la foule d'un "Eh, vous vous y attendiez pas à celle-là ?". Bien sûr, on imagine aisément le casse-tête qu'a dû poser la composition de la tracklist… Près de 600 titres, quand même ! (une "légende" d'après un spécialiste qui pointe les 350 de l'intégrale, remixes compris…). Avec un impératif sous forme d'argumentaire accrocheur : éviter Les Rois mages et autres L'école est finie, et caser des tubes qu'elle n'a jamais eu l'occasion de bramer sur scène. 
Elle enchaîne avec d'épatantes raretés sixties (Un monde sans amour, Dans une heure), puis évoque le regretté Eric Charden. Voir Sheila chanter Dans une heure sur scène… J'interroge en secret mon cœur d'enfant, de petit garçon qui aurait bien aimé vivre cela. Le timbre de voix est le même, les nouveaux arrangements et les poses de rock-star de la chanteuse qui tend son micro à la foule ne semblent pas lui déplaire… 
Vient ensuite l'inévitable medley dédié (encore une bonne idée) à ses "concurrentes" de l'époque (France, Sylvie, Françoise), entrecoupé d'un gimmick gainsbourien et qu'elle ponctuera d'un "Vous les copines" qu'on prend d'abord pour un vilain clin d'œil aux premiers rangs… Là encore, l'équipe qui a conçu ce spectacle aurait dû demander à la chanteuse de tourner sa langue 13 fois sans sa bouche : alors qu'on se félicite d'une idée aussi généreuse de sa part, elle glisse un peu plus loin une pique contre les artistes partis vivre en Californie… 
Au bout de quelques titres, force est tout de même d'admettre l'évidence : les musiciens sont vraiment excellents. Inventifs, en place, avec une bonne tête et un bon esprit, ils auront l'occasion de s'illustrer sur pas mal de registres (pour l'heure, une guitare solitaire sur Bang-bang, plus proche de la version de Nancy Sinatra que de sa version à elle, millésimée 1966).
Sheila ressort ensuite quelques scies des années 70 : Blancs, jaunes, rouges, noirs – attention, chanson à texte – avec une longue intro très réussie qui laisse perplexes tous ceux qui tentent de reconnaître les titres aux premières notes, puis Cœur blessé, Tu es le soleil, et Le couple.  
Le dernier titre de cette décennie 70 arrivera masqué : des percus en solo, une petite guitare qui débarque, les choristes et Sheila qui se mettent en place entre les deux, tout ce petit monde en ligne au bord de la scène… Le parti pris d'auto-dérision est confirmé, le bouchon poussé le plus loin possible : voici l'inénarrable Arche de Noé, monument kitsch, même à l'époque (malgré l'alibi "chanson pour enfant" pour une Sheila alors jeune maman d'un Ludovic, aujourd'hui dans la tourmente) et son refrain repris en chœur par la salle, "On le prend, dis maman" !
Voici l'entracte, l'occasion de retrouver des visages qu'on n'a plus vus depuis plusieurs lunes, et de  croiser JPP de Platine balançant un définitif "C'est la meilleure chanteuse française"…
Après une première partie de cette trempe, on se rassoit confiant. Las, on déchante bien vite !… Et on n'est pas tout seul : Sheila perd instantanément le contact avec la salle avec deux titres en anglais quasiment inconnus (tirés de l'album Little darling – on l'apprendra plus tard). Elle le récupérera peu après lorsqu'un piano de concert déboulera tout à trac côté cour (en même temps qu'un violoncelle et un accordéon – magnifique Magali Ripoll – côté jardin) et qu'elle réapparaîtra, sanglée dans une veste noire, pour fredonner des rengaines d'un autre âge (Un gamin de Paris, Padam Padam, Le petit bal perdu). 
On est à nouveau dans son fond de commerce (la chanson populaire) et curieusement, quelque chose cloche… Le cœur n'y est pas… Pour être franc, on n'est pas bien loin de La Chance aux chansons… Le problème de Sheila saute alors aux oreilles – et pourtant ce n'est pas un scoop : une absence totale d'émotion. On la regarde, on l'écoute, et pourtant on ne ressent pas grand chose. On se souvient que déjà tout môme, en la regardant prendre un air lugubre et baisser les yeux sous sa perruque sombre dans Adios Amor, par exemple, on avait hâte de la revoir danser et sourire !
Avant d'arriver à son tube Chic, l'international Spacer, il faudra laisser passer les fameux nouveaux titres. Sans grande qualité mélodique, ils parlent toujours un peu de la même chose. Debout sur le côté, des garçons qui travaillent avec Sheila dansent pourtant dessus, chantant ostensiblement les textes qu'ils connaissent déjà. 
L'une de ces nouvelles chansons sera prétexte à un petit sketch : le titre démarre (sans aucun musicien sur scène), Sheila l'interrompt, se tourne vers le public "Vous m'connaissez, chuis cash. Cette chanson, on peut pas la danser et la chanter en même temps : je vais la faire en play-back [énormes applaudissements]. Remarquez, chuis pas la seule. La différence c'est que moi, je l'dis" [énooooormes applaudissements]. Là encore, c'était une bonne idée… Dommage qu'avec son bas-goût, elle finisse par jouer les donneuses de leçons – surtout quand on songe au nombre de télés qu'elle a pu faire en play-back dans sa carrière…
Côté visuel, pour les titres disco, c'est bien sûr la combinaison à paillettes que Sheila, 67 printemps, porte encore avantageusement. Le coiffeur, lui, a mis le paquet : on pense autant à Jamiroquai qu'à Mylène Farmer ! Le lightshow tient la route, les danseurs bougent bien, même si les chorégraphies (nickel dans la première partie) n'évitent pas les clichés du genre et évoquent un peu trop certains plateaux de télé de TF1.  
Bien sûr, on se doit de saluer l'abattage de la chanteuse (2 heures et demie de spectacle), son énergie (d'aucuns ajouteraient "à son âge") même si elle est principalement autocentrée (ouverture du spectacle : "Hé ! Vous trouvez pas qu'on n'est pas mal pour notre âge ?", balancé sans le clin d'œil indispensable à ce genre de sortie). Le spectacle est plutôt bien pensé, et il y a des moyens, bien employés, mais au final on gardera l'image d'une chanteuse auto-satisfaite – la même qui piquait le micro des mains de Danièle Gilbert à l'écran dès que celle-ci ne parlait plus d'elle –, d'une sacrée performer qui, si elle en fait parfois un peu trop, veut sans doute rattraper les années perdues où un vilain producteur lui interdisait la scène…

• Véronique Sanson | 2012

Théâtre St-Denis, Montréal  
1er juin 2012 

On y croit à peine soi-même et pourtant les faits sont là, irréfutables : on la suivrait jusqu'au bout du (Nouveau) monde, même pour un concert unique ! 
À 6 000 km et des poussières de Paris, en ce milieu d'après-midi de mai, on pose pour la première fois le pied sur ce sol qui l’a accueillie dès ses débuts, lui donnant d'emblée un statut de chanteuse pop-rock puisque, de ce côté-ci de l'Atlantique, la notion de variété n'existe pas.

La préposée aux douanes s'étonne du peu de temps qu'on vient passer à Montréal. Dehors, on laisse le soleil lécher une peau glacée par la clim' de l'avion. Sur la plaque minéralogique devant nous, comme sur toutes celles que l'on croisera, ce fameux "Je me souviens" que Véronique connaît par cœur ("Je me souviens / Que né sous le lys / Je croîs sous la rose").  Le Québec est peuplé d'irréductibles, de gens qui se battent tous les jours pour conserver leur identité.  

Depuis quelques jours, ici, Véronique est un peu partout (radios, télés, presse), entre les concerts de casseroles des étudiants et les aventures du dépeceur local dont on ne sait pas encore qu'il s'est réfugié en France…

15 h 30, le lendemain, rue Saint-Denis (rien à voir avec son homonyme parisien). Un couple arborant des tee-shirts merchandising d'anciennes tournées passe devant le théâtre.
À l'intérieur, Véronique et ses musiciens répètent pratiquement tous les titres, certains dans leur intégralité. La salle est vide, l'acoustique magnifique.  
Vers 17 h 30, pile à l'heure prévue, arrive Grégory Charles, répétiteur de Star Académie invité par Véronique en février dernier à la rejoindre sur scène ce soir. L'homme, énorme star au Québec, est un modèle d'humilité. Le morceau, déjà choisi, est Bernard's song. Installé au piano, il propose aux musiciens de jouer, annonce qu'il s'intégrera du mieux qu'il pourra - ce qu'il fait avec une jolie décontraction, remplaçant au passage les "il" en "je" : Bernard, ce sera lui !
Vient la fin du titre et son impayable clin d'œil à Johnny. Grégory Charles improvise, jazzifie, met à sa sauce : "Il n'est de nu-nu-nu-nu-nu-nu-nu-nulle". Véronique lui répond. Quel bonheur de les voir rebondir, trouver de nouvelles pirouettes vocales ! Allez, on la refait pour la forme. "Ça vous va ?", demande Grégory à l'entour. Véronique est contente : "Oui, ça sonne super bien !".
La balance suit son cours, dans l'ordre, jusqu'aux titres piano solo que Véronique joue, comme souvent dans ces cas-là, à très grande vitesse, suivie au plus près par le redoutable Franck Sitbon aux claviers (qu'elle présentera plus tard sur scène d'un "Je vais prendre des cours avec lui").

Leur succède Titou, jusque-là sagement assis sur un côté de la scène, cheveux plus longs, raie au milieu, lunettes de vue. Christopher Stills, inconcevable énigme du rock : un talent inouï – pierre précieuse aujourd'hui polie par l'expérience de la scène – une sensibilité qui lui fait chercher à chaque concert toujours plus haut, toujours plus loin la grâce d'une harmonie de voix, le toucher de piano ou l'accord de guitare qui feront la différence, qui surprendront… et toujours pas de vraie reconnaissance publique. Où sont les médias ?
On sort de la salle pour aller saluer, à 100 mètres de là, les fondatrices de SansonQuébec qui reçoivent dans une salle du Saint-Sulpice, resto-bar légendaire du quartier. On y croise Michel Dion
, bassiste du Ville Émard Blues Band, ému d'avoir visionné le dvd du fameux concert de Longueil dans lequel il jouait avec Véronique il y a presque 40 ans ! 

Retour au théâtre, qui se remplit à vue d'œil. Le noir se fait et la voix de Véronique retentit, qui présente Christopher en concluant "Et puis si vous n'aimez pas ça, on en reparle tout à l'heure. Je vous embrasse." ;-)
Sa guitare verte en bandoulière, il vient se planter au-devant de la scène pour balancer God won't make you a man, mise en bouche musclée, avant de présenter un nouveau titre, I'm still in love with you à la mélodie subtile dans laquelle revient régulièrement un beau leitmotiv ("in the meantime"). 
Petit problème avec ses oreillettes : il finit par les retirer. "I hate these f***ing things". 
"En freinssé !", lui répond une voix féminine dans la salle. Qu'à cela ne tienne, le beau gosse bilingue dit quelques mots dans la langue de sa mère et s'assoit au piano pour ce qui à ce jour peut être considéré comme son chef-d'œuvre absolu, Don't be afraid, dans une sublime version qui mériterait d'être gravée sur CD et qu'on peut écouter ici, avant de terminer par Say my last goodbye, que le public reconnaît et applaudit en rythme dans les refrains.
Quatre titres seulement et Christopher a réussi à mettre 2 200 personnes dans sa poche !

Quelques minutes d'entracte, pas suffisantes pour rejoindre le bar, et la salle, bien chauffée, réclame "Véro, Véro !", juste avant qu'elle ne déboule sur scène sur l'intro de Je me fous de tout, bras levé, voix forte. L'ordre des chansons sera celui du dvd (sorti en début de semaine sur place). Le bonus – incommensurable et qui justifiera toujours les kilomètres parcourus –, c'est bien sûr le fait de vivre le concert avec nos yeux à nous pour caméra (qui se posent, libres, là où bon leur semblent), avec ce son qui traverse le corps, avec cette voix qui le fait vibrer, qui atteint le cœur : pour chaque chanson, autant de versions différentes que de concerts vécus.

Curiosité : noter les titres auxquels le public de Montréal réagira le plus. P
ar exemple, Sans regrets, salué par une belle salve d'applaudissements – moins nombreux bien sûr que pour Chanson sur ma drôle de vie ou Vancouver. Sans parler de l'accueil fait au duo avec Grégory Charles, qui se glisse derrière le piano, tout de blanc vêtu, pendant que Véronique attaque le premier couplet de Bernard's song, et qui se prosternera devant elle à la fin de leur duo. Applaudimètre explosé !  
Des voisins réclameront jusqu'au bout Quelques mots d'amour, même lorsqu'on leur aura expliqué qu'il est hautement improbable qu'ils y aient droit… Mais le gagnant du palmarès sera sans conteste Amoureuse (dans une belle et rapide version), couronné d’une standing ovation. On est en Amérique du Nord et on se demande si un certain public ne se contenterait pas finalement d'un prestigieux best of, suite de golds (Vancouver, Besoin de personne, Une nuit sur sur son épaule, Ma révérence…) enchaînés par une star française qui viendrait périodiquement relever les compteurs à l'étranger… Ce serait mal connaître Véronique, bien vivante, qui écrit et compose (et bouge !) encore – et entend bien présenter ses nouveaux titres sur scène comme elle l'a toujours fait. Le public (parmi lesquels on devine pourtant de nombreux fidèles) semblera presque découvrir les titres de Plusieurs lunes : raison de plus pour les leur jouer !

Revenons à Véronique, qui sourit, bouge, heureuse sur scène, cet endroit où on lui "fiche une paix royale". On ne l'apprendra qu'après, mais ses Ears (ces fameuses oreillettes, qui ne remplaceront jamais les bonnes vieilles enceintes) ne lui donnent aucun confort de retour et du coup,
elle ne peut pas toujours lancer sa voix autant qu'elle le souhaiterait : pas assez de retour piano, ni de retour voix. Rétrospectivement, on lui tire son chapeau d’en laisser paraître le moins possible…
On quitte son siège pour s'approcher de la scène, pensant suivre, voire initier un mouvement. Pas vraiment… En revanche, on ne peut s'empêcher de remarquer au tout premier rang, au milieu de gens bien vivants et contents d'être là, ce qui semble être un fils et son père, tous deux jambes croisées, sans un sourire, sans un applaudissement. Ils s'éclipseront à la dernière note de La nuit se fait attendre. Merci messieurs d'avoir libéré les deux meilleures places de la salle ! À nous la présentation des musiciens et les titres piano solo en gros plan ! Par contre, on se fera bien sûr repérer caméra au poing par la chanteuse qui nous tirera discrètement la langue ;-)
(Petit montage vidéo ici.)

Backstage, c'est un peu la rigueur allemande : il ne faut pas mélanger les invités production à ceux qui ont gagné un accès à la loge de Véronique suite à un concours radio (dont elle n'a jamais entendu parler). Certains doivent même décliner leur identité avant d'entrer. Mais une fois sur place, tout va bien et l'on croise les musiciens qui se préparent (déjà) à partir, Gilles Valiquette, Michel Dion se faisant dédicacer sur son dos la carte promo du livre des SansonQuébec par Véronique (elle s'y dessinera un petit chapeau), les filles de SansonQuébec justement – avec sous le bras les épreuves de leur ouvrage à paraître – et bien sûr Christopher, qu'on voit prendre la dite carte promo de ce fameux livre en photo avec son iPhone. Véronique est dans une forme incroyable. Elle raconte, partage, pose, donne de son temps à chacun. Et surtout sourit de ce sourire si généreux…

• "Amoureuse" (2012)


"Amoureuse"
Fanny Ardant et Véronique Sanson

"Une nuit je m'endors avec lui / Mais je sais qu'on nous l'interdit". La voix qui entre sur le piano nu surprend. Elle ne chante pas, mais elle est reconnaissable entre toutes. Fanny Ardant, belle diseuse d'un soir, s'invite dans nos oreilles pour un duo nocturne, fiévreux. 
A l'autre bout de la gamme, à l'opposé de sa voix parlée feutrée, c'est Véronique qui lui répond, très Sanson. "Et je sens la fièvre qui me mord / Sans que j'ai l'ombre d'un remords". Amoureuse (2012), terre de contrastes. 
Plus loin, on regretterait presque de ne pas entendre son fameux "diable m'emporte" mais la comédienne le fait si joliment, en traînant un peu sur le mot "diable", qu'on voit presque vaciller la flamme du danger dans son regard. Ils ont eu raison de lui faire la part belle. 

Insolite et chic, l'ensemble sonnera peut-être un peu trop dépouillé à certains qui auraient bien vu l'envoi aux radios d'un titre plus up-tempo comme Je me fous de tout live à Bruxelles, puisque le dvd sera disponible en même temps que le duo... Mais il paraît que les radios ne passent pas de live... 
Cette Amoureuse n'est pas non plus formatée pour les radios, elle est plutôt destinée à une écoute en boucle, la nuit. Suffisamment fort pour en capter les émotions secrètes, se laisser hypnotiser par la voix de l'invitée de charme et savourer celle de Véro quand elle déboule. 

On repense à la jeune femme qui remontait au petit matin les Champs-Elysées dans son Autobianchi blanche décapotable, en 1971, profitant des nombreux feux rouges pour griffonner sur le papier les quelques vers qu'on écoute aujourd'hui... "Et l’aurore m’apporte le sommeil / Je ne veux pas qu’arrive le soleil".

Et on les imagine aussi ce dimanche de mars 2012, toutes les deux, en studio. 
Il n'existe pas de photo de l'événement. Juste leurs souvenirs à elles. 

Il n'y a pas eu de clip… mais Mathieu Rosaz en a concocté un excellent, à partir du film "La femme d'à côté" de Truffaut ici

• Jeanne Cherhal | 2012

 104, Paris
21 mars 2012

40 ans et un jour après la sortie officielle du révolutionnaire et premier album de Véronique Sanson, Jeanne Cherhal s'apprête à remplir deux fois de suite la salle 200 du 104, à Paris, pour un concert en haute-fidélité ! 
Dès l'annonce de ce projet, on était emballé et certain que ce serait une réussite. Le soir même, en sortant de la salle, on espérait même que soit né un nouveau concept : la reprise d'un album vintage dans sa version studio initiale, sans tenir compte des versions live et autres reprises qui modifient forcément les titres au fil des ans. Qui pour reprendre l'année prochaine l'album Cœur brisé de Michel Berger dans son intégralité ?

20 heures, premier concert. 
– "Plus long le vibrato ? Vous voulez me tuer ?
– Ah mais je ne vous demandais pas une performance technique, je voulais juste la suite de la chanson..." Le public, recueilli, écoute sagement défiler en boucle la bande son du Discorama de juillet 1972.

Assise devant nous, une journaliste dont j'ai oublié le nom nous prie vertement de nous taire : elle prend des notes. On lui rappellerait bien que le coffret dvd de Discorama est en vente libre et que celui avec Véronique est visible un peu partout sur internet mais la dame n'a pas l'air commode...

Jeanne Cherhal entre en scène et – quelle belle idée ! – se dirige vers une petite table éclairée d'une lampe, à droite du piano, prend le 33 tours posé à côté de l'électrophone, sort le disque de sa pochette et le pose sur la platine. Gestes d'un autre temps bientôt suivis par le craquement sonore du vinyl...
Elle s'assoit au piano et la magie opère immédiatement. Il faut dire qu'à ce moment précis, on a quitté 2012, internet, les portables, facebook... Comme si, en passant la porte de cette salle, on s'était installé dans une fabuleuse machine à remonter le temps pour atterrir dans cette soirée où tout nous évoque quelque chose, tout nous semble familier. L'album est court, on sait que ça va passer vite, trop vite, et toute la salle semble tendue dans l'écoute, attentive à ne pas en perdre une note. 

Les musiciens (Sébastien Hoog à la guitare, Laurent Saligault à la basse, et Eric Pifeteau à la batterie), sans être déguisés, ont un côté très seventies et leur interprétation, calquée note pour note sur celle de l'album original, nous donne davantage l'impression d'assister à une gigantesque séance d'enregistrement (sachant que la prise de son du disque avait été faite en direct) qu'à un concert donné à l'époque. Et quel plaisir de ré-entendre l'attaque des percussions dans le refrain d'Amoureuse, de voir un guitariste exécuter sous nos yeux le solo de Bahia ! Sans parler de l'occasion de redécouvrir en continu l'extraordinaire modernité de textes "jeunes" de 40 ans.
Jeanne Cherhal ne parle pas entre les chansons, enchaîne même le 3e titre au second sans attendre les applaudissements, baisse souvent les yeux. Parfois, lorsqu'elle sourit, on retrouve un peu du sourire de Véronique, millésime 1972.
Sur Mariavah, elle reste assise au piano, tournée vers nous à la façon d'une Tori Amos, faite d'innocence et d'énergie. Bien sûr, elle n'est jamais dans l'imitation d'aucune sorte et le fait d'avoir travaillé aussi longuement les titres de l'album fait qu'ils sont bien à elle ce soir. Sa voix nous trouble, ses aigus sont jolis, un peu voilés.
Sur les applaudissements qui suivent Pour les Michel, elle se lève, prend le 33 tours, le retourne pour jouer la face B et se rassoit pour attaquer Pour qui. Bien vu !
Magnifique Vert, vert, vert, très beau C'est le moment ("Une pensée bleue ou rouge"). 

Après le dernier titre, Dis-lui de revenir, le groupe enchaîne une reprise du thème de la chanson, avant de disparaître en coulisses. Impossible que cela se termine ainsi ! Peut-être un petit Clapotis de soleil ou un Panne de cœur en rappel ? 
Jeanne revient avec ses musiciens, avoue qu'elle va sortir du concept pour aller jusqu'à l'album suivant, sorti la même année (on la sent épatée) et interpréter Comme je l'imagine et Une nuit sur son épaule avec la même intensité.
21 h 30, second concert. Véronique, dans le hall, semble avoir le trac comme si elle allait elle-même monter sur scène – alors qu'elle a déjà prévenu qu'elle n'en ferait rien ("De toute façon, je suis habillée en campagne..."). Une caméra de France 5 la suit partout, sans qu'elle y prête attention. Elle saute dans les bras de Violaine, qui la soulève de terre, un peu à la manière de François Constantin sur scène, et salue quelques têtes connues avant d'entrer à son tour dans la salle et y être longuement applaudie. Par la magie du jeu des chaises forcément musicales (changement de place avec mon voisin à la dernière minute), c'est sur le siège pile devant qu'elle vient s'asseoir. Les vibrations de la scène vont donc voyager à travers l'écran de ses pensées...
Même épisode du vinyl sur la platine. Jeanne, bien sûr au courant de la présence de celle qui lui a envoyé un énorme bouquet de roses, a l'air un poil plus traqueuse qu'à 20 h. Véronique, elle, est très émue. Qu'on se rende compte : la voix d'une jeune femme de 2012 va renouer avec son intimité d'il y a 40 ans, porter ses mots à elle, jeune femme de 1972. 

Les larmes couleront dès les premières notes de la première chanson, qu'elle a pourtant souvent chantée depuis... 
On a rarement l'occasion de voir Véronique spectatrice. Oh bien sûr, et plus encore ce soir, ce n'est pas vraiment une spectatrice lambda : oscillant entre le désir de rester discrète et celui de marquer son soutien, elle applaudira, par exemple, dès leurs premières notes, Louis et C'est le moment. Et on la sentira vibrer pendant tout le concert, totalement enchantée par Jeanne et ses musiciens – et en particulier par ce fameux solo de guitare sur Bahia, "note pour note celui de Claude Engel".
Faux départ sur C'est le moment. Jeanne s'interrompt : "Je me suis trompée, je crois que je viens d'apercevoir Véronique dans la salle !". "Bah justement", lui répond celle-ci, "ça m'arrive tout le temps !". "Ce doit être un hommage…", risque Jeanne, derrière son piano.
La suite se passera sans l'ombre d'un accroc. Bien mieux, chauffée par les applaudissements, elle donnera le meilleur d'elle-même, avec des clins d'œil complices de temps à autre du côté de Véronique, version 2012. Chassé-croisé, mise en abyme, l'exercice de ce soir est vraiment passionnant. Et, comme la première fois, il sera ponctué par deux titres du 2e album, une surprise pour Véronique. 
Les lumières se rallument et déjà, elle cherche du regard un accès aux coulisses. L'avantage avec Véronique, c'est que c'est toujours pour "consommer tout de suite" : elle veut embrasser Jeanne, la féliciter, mais maintenant ! Pourquoi y aller par quatre chemins quand on peut monter sur scène ? Et on l'aperçoit bientôt, le long du rideau, étreignant Jeanne, avant qu'elles ne reviennent ensemble saluer, Véronique pointant ses index vers celle qui vient de l'épater. 
Elle redescend de scène, Jeanne la rappelle. Petit conciliabule. "Qu'est-ce qu'on fait ?" Allez, on remonte sur scène, du côté du piano... 
Jeanne : "On n'a rien préparé", Véro, jouant la consternation : "On n'a rien foutu, voilà !". Et ce sera Amoureuse à deux voix et deux mains, celles de Véronique. Un Amoureuse qui recèle un secret qui fait sourire les initiés – Véronique y parle plus qu'elle ne chante des harmonies de voix insoupçonnées et encore inédites... – et qui, morphing musical, se mue en Temps des cerises et son fameux "merle mo-". Le dernier sera ponctué par Jeanne, "-queur !" (cœur ?) et la salle de ce 2e concert, attendrie (Véronique rappelant sur son épaule la main de Jeanne) et amusée (Jeanne annonçant "Ça, c'est Véro" devant la tournure que prennent les choses), aura bénéficié d'un sympathique bonus.

A l'after-show, organisé dans la salle vide, Jeanne Cherhal sourit à l'envi. Véronique, de retour des loges où elle a tenu à féliciter les musiciens, discute avec JP Nataf. Elle allume bientôt une cigarette qu'elle devra – elle s'en doutait un peu... – aller finir dehors, entraînant à peu près tout le monde avec elle...


Vidéo Pour qui
Vidéo Besoin de personne
Vidéo Bahia
Vidéo Mariavah (extrait)
Vidéo Pour les Michel
Vidéo Amoureuse en duo + Le temps des cerises
Vidéo Une nuit sur son épaule
Reportage Ma vie d’artiste
Radio : Jeanne Cherhal, amoureuse (France Inter)