Olympia, Paris
21 septembre 2012
21 septembre 2012
Aller voir Sheila sur scène en 2012 ? Alors même que depuis quelques temps en interview, elle menace d'y interpréter rien moins que 7 nouveaux titres… Est-ce vraiment raisonnable ?!
Si on accepte, c'est bien au nom de ce petit garçon des années 60 qu'on a pu être, celui qu'on autorisait parfois à regarder quelque guyluxerie le soir, même s'il y avait école le lendemain matin… Sheila, c'était un peu la Chantal Goya de l'époque. En beaucoup plus jolie. Un sourire impeccable dans un visage harmonieux, parfaitement symétrique.
Une certaine presse la traitait de "phénomène sociologique" avec ses millions de disques vendus (le chiffre oscille ces jours-ci entre 60 et 85, mais n'a aucun sens : on parle ici de 45 tours dans un marché du disque alors florissant, pas d'albums… encore moins de CD).
Un soir de première à l'Olympia, un anniversaire : 5 fois 10 ans de carrière. On repense aux doubles-pages de Jours de France, au "Tout-Paris" (Eddie Barclay, Alain Delon, Mireille Darc, Jacques Chazot) souriant dans leurs habits de gala aux premiers rangs devant un artiste saluant de profil… Ce soir, on aura droit à Véronique Jannot et à Jean-Pierre Foucauld (sans son ventilo).
Cela dit, la situation n'est pas aussi désespérée que le laissait penser le texto alarmant reçu alors qu'on s'apprêtait à sortir de chez soi ("Dépêche-toi, j'ai peur ! On dirait le fond d'une backroom de province"). Certes, il y a du monde… Quelqu'un de vaguement mal intentionné ajouterait : du temps de cerveau disponible à perte de vue… ;-)
Pas une minute à perdre ! Elle est ponctuelle et a suffisamment clamé son impatience sur tous les petits écrans : le noir se fait pratiquement à l'heure. La salle est en surchauffe : "Shei-la, Shei-la", deux syllabes clamées à l'unisson. Il était fort ce Carrère…
Jusqu'à quel âge peut-on chanter Petite fille de Français moyen ? Mauvaise question et vraie bonne idée : après avoir un peu tout essayé (noyer le poisson, renier ses chansons d'antan, les mettre à toutes les sauces), voici venu pour Sheila le temps d'assumer son répertoire : c'est avec ce titre qu'elle attaque son spectacle dans cette salle mythique qui a vu Piaf et Brel (enfin presque…). Un titre pour le moins controversé, sorti au printemps 68 (donc vaguement à contre-courant d'une certaine actualité française justement)… Et c'est plutôt finaud ! Les arrangements sont impeccables, son entrain de l'époque (qui se traduisait par d'incessants moulinets de bras) un peu retombé, ce qui est logique. "Tandis que moi qui ne suis rien…" Elle rayonne, les premiers rangs exultent : c'est gagné !
Dommage, elle n'a guère le triomphe modeste, paradant tout sourire dehors et haranguant la foule d'un "Eh, vous vous y attendiez pas à celle-là ?". Bien sûr, on imagine aisément le casse-tête qu'a dû poser la composition de la tracklist… Près de 600 titres, quand même ! (une "légende" d'après un spécialiste qui pointe les 350 de l'intégrale, remixes compris…). Avec un impératif sous forme d'argumentaire accrocheur : éviter Les Rois mages et autres L'école est finie, et caser des tubes qu'elle n'a jamais eu l'occasion de bramer sur scène.
Elle enchaîne avec d'épatantes raretés sixties (Un monde sans amour, Dans une heure), puis évoque le regretté Eric Charden. Voir Sheila chanter Dans une heure sur scène… J'interroge en secret mon cœur d'enfant, de petit garçon qui aurait bien aimé vivre cela. Le timbre de voix est le même, les nouveaux arrangements et les poses de rock-star de la chanteuse qui tend son micro à la foule ne semblent pas lui déplaire…
Vient ensuite l'inévitable medley dédié (encore une bonne idée) à ses "concurrentes" de l'époque (France, Sylvie, Françoise), entrecoupé d'un gimmick gainsbourien et qu'elle ponctuera d'un "Vous les copines" qu'on prend d'abord pour un vilain clin d'œil aux premiers rangs… Là encore, l'équipe qui a conçu ce spectacle aurait dû demander à la chanteuse de tourner sa langue 13 fois sans sa bouche : alors qu'on se félicite d'une idée aussi généreuse de sa part, elle glisse un peu plus loin une pique contre les artistes partis vivre en Californie…
Dommage, elle n'a guère le triomphe modeste, paradant tout sourire dehors et haranguant la foule d'un "Eh, vous vous y attendiez pas à celle-là ?". Bien sûr, on imagine aisément le casse-tête qu'a dû poser la composition de la tracklist… Près de 600 titres, quand même ! (une "légende" d'après un spécialiste qui pointe les 350 de l'intégrale, remixes compris…). Avec un impératif sous forme d'argumentaire accrocheur : éviter Les Rois mages et autres L'école est finie, et caser des tubes qu'elle n'a jamais eu l'occasion de bramer sur scène.
Elle enchaîne avec d'épatantes raretés sixties (Un monde sans amour, Dans une heure), puis évoque le regretté Eric Charden. Voir Sheila chanter Dans une heure sur scène… J'interroge en secret mon cœur d'enfant, de petit garçon qui aurait bien aimé vivre cela. Le timbre de voix est le même, les nouveaux arrangements et les poses de rock-star de la chanteuse qui tend son micro à la foule ne semblent pas lui déplaire…
Vient ensuite l'inévitable medley dédié (encore une bonne idée) à ses "concurrentes" de l'époque (France, Sylvie, Françoise), entrecoupé d'un gimmick gainsbourien et qu'elle ponctuera d'un "Vous les copines" qu'on prend d'abord pour un vilain clin d'œil aux premiers rangs… Là encore, l'équipe qui a conçu ce spectacle aurait dû demander à la chanteuse de tourner sa langue 13 fois sans sa bouche : alors qu'on se félicite d'une idée aussi généreuse de sa part, elle glisse un peu plus loin une pique contre les artistes partis vivre en Californie…
Au bout de quelques titres, force est tout de même d'admettre l'évidence : les musiciens sont vraiment excellents. Inventifs, en place, avec une bonne tête et un bon esprit, ils auront l'occasion de s'illustrer sur pas mal de registres (pour l'heure, une guitare solitaire sur Bang-bang, plus proche de la version de Nancy Sinatra que de sa version à elle, millésimée 1966).
Sheila ressort ensuite quelques scies des années 70 : Blancs, jaunes, rouges, noirs – attention, chanson à texte – avec une longue intro très réussie qui laisse perplexes tous ceux qui tentent de reconnaître les titres aux premières notes, puis Cœur blessé, Tu es le soleil, et Le couple.
Le dernier titre de cette décennie 70 arrivera masqué : des percus en solo, une petite guitare qui débarque, les choristes et Sheila qui se mettent en place entre les deux, tout ce petit monde en ligne au bord de la scène… Le parti pris d'auto-dérision est confirmé, le bouchon poussé le plus loin possible : voici l'inénarrable Arche de Noé, monument kitsch, même à l'époque (malgré l'alibi "chanson pour enfant" pour une Sheila alors jeune maman d'un Ludovic, aujourd'hui dans la tourmente) et son refrain repris en chœur par la salle, "On le prend, dis maman" !
Le dernier titre de cette décennie 70 arrivera masqué : des percus en solo, une petite guitare qui débarque, les choristes et Sheila qui se mettent en place entre les deux, tout ce petit monde en ligne au bord de la scène… Le parti pris d'auto-dérision est confirmé, le bouchon poussé le plus loin possible : voici l'inénarrable Arche de Noé, monument kitsch, même à l'époque (malgré l'alibi "chanson pour enfant" pour une Sheila alors jeune maman d'un Ludovic, aujourd'hui dans la tourmente) et son refrain repris en chœur par la salle, "On le prend, dis maman" !
Voici l'entracte, l'occasion de retrouver des visages qu'on n'a plus vus depuis plusieurs lunes, et de croiser JPP de Platine balançant un définitif "C'est la meilleure chanteuse française"…
Après une première partie de cette trempe, on se rassoit confiant. Las, on déchante bien vite !… Et on n'est pas tout seul : Sheila perd instantanément le contact avec la salle avec deux titres en anglais quasiment inconnus (tirés de l'album Little darling – on l'apprendra plus tard). Elle le récupérera peu après lorsqu'un piano de concert déboulera tout à trac côté cour (en même temps qu'un violoncelle et un accordéon – magnifique Magali Ripoll – côté jardin) et qu'elle réapparaîtra, sanglée dans une veste noire, pour fredonner des rengaines d'un autre âge (Un gamin de Paris, Padam Padam, Le petit bal perdu).
On est à nouveau dans son fond de commerce (la chanson populaire) et curieusement, quelque chose cloche… Le cœur n'y est pas… Pour être franc, on n'est pas bien loin de La Chance aux chansons… Le problème de Sheila saute alors aux oreilles – et pourtant ce n'est pas un scoop : une absence totale d'émotion. On la regarde, on l'écoute, et pourtant on ne ressent pas grand chose. On se souvient que déjà tout môme, en la regardant prendre un air lugubre et baisser les yeux sous sa perruque sombre dans Adios Amor, par exemple, on avait hâte de la revoir danser et sourire !
On est à nouveau dans son fond de commerce (la chanson populaire) et curieusement, quelque chose cloche… Le cœur n'y est pas… Pour être franc, on n'est pas bien loin de La Chance aux chansons… Le problème de Sheila saute alors aux oreilles – et pourtant ce n'est pas un scoop : une absence totale d'émotion. On la regarde, on l'écoute, et pourtant on ne ressent pas grand chose. On se souvient que déjà tout môme, en la regardant prendre un air lugubre et baisser les yeux sous sa perruque sombre dans Adios Amor, par exemple, on avait hâte de la revoir danser et sourire !
Avant d'arriver à son tube Chic, l'international Spacer, il faudra laisser passer les fameux nouveaux titres. Sans grande qualité mélodique, ils parlent toujours un peu de la même chose. Debout sur le côté, des garçons qui travaillent avec Sheila dansent pourtant dessus, chantant ostensiblement les textes qu'ils connaissent déjà.
L'une de ces nouvelles chansons sera prétexte à un petit sketch : le titre démarre (sans aucun musicien sur scène), Sheila l'interrompt, se tourne vers le public "Vous m'connaissez, chuis cash. Cette chanson, on peut pas la danser et la chanter en même temps : je vais la faire en play-back [énormes applaudissements]. Remarquez, chuis pas la seule. La différence c'est que moi, je l'dis" [énooooormes applaudissements]. Là encore, c'était une bonne idée… Dommage qu'avec son bas-goût, elle finisse par jouer les donneuses de leçons – surtout quand on songe au nombre de télés qu'elle a pu faire en play-back dans sa carrière…
Côté visuel, pour les titres disco, c'est bien sûr la combinaison à paillettes que Sheila, 67 printemps, porte encore avantageusement. Le coiffeur, lui, a mis le paquet : on pense autant à Jamiroquai qu'à Mylène Farmer ! Le lightshow tient la route, les danseurs bougent bien, même si les chorégraphies (nickel dans la première partie) n'évitent pas les clichés du genre et évoquent un peu trop certains plateaux de télé de TF1.
L'une de ces nouvelles chansons sera prétexte à un petit sketch : le titre démarre (sans aucun musicien sur scène), Sheila l'interrompt, se tourne vers le public "Vous m'connaissez, chuis cash. Cette chanson, on peut pas la danser et la chanter en même temps : je vais la faire en play-back [énormes applaudissements]. Remarquez, chuis pas la seule. La différence c'est que moi, je l'dis" [énooooormes applaudissements]. Là encore, c'était une bonne idée… Dommage qu'avec son bas-goût, elle finisse par jouer les donneuses de leçons – surtout quand on songe au nombre de télés qu'elle a pu faire en play-back dans sa carrière…
Côté visuel, pour les titres disco, c'est bien sûr la combinaison à paillettes que Sheila, 67 printemps, porte encore avantageusement. Le coiffeur, lui, a mis le paquet : on pense autant à Jamiroquai qu'à Mylène Farmer ! Le lightshow tient la route, les danseurs bougent bien, même si les chorégraphies (nickel dans la première partie) n'évitent pas les clichés du genre et évoquent un peu trop certains plateaux de télé de TF1.
Bien sûr, on se doit de saluer l'abattage de la chanteuse (2 heures et demie de spectacle), son énergie (d'aucuns ajouteraient "à son âge") même si elle est principalement autocentrée (ouverture du spectacle : "Hé ! Vous trouvez pas qu'on n'est pas mal pour notre âge ?", balancé sans le clin d'œil indispensable à ce genre de sortie). Le spectacle est plutôt bien pensé, et il y a des moyens, bien employés, mais au final on gardera l'image d'une chanteuse auto-satisfaite – la même qui piquait le micro des mains de Danièle Gilbert à l'écran dès que celle-ci ne parlait plus d'elle –, d'une sacrée performer qui, si elle en fait parfois un peu trop, veut sans doute rattraper les années perdues où un vilain producteur lui interdisait la scène…
Bravo, je partage complètement votre avis. Voilà une critique lucide, bien écrite et pleine d'humour. Presque l'inverse de la chanteuse évoquée. Félicitations!
RépondreSupprimerQuoi, elle a remis la combinaison à paillettes ???!!!
RépondreSupprimerEt pas le short ! mais ça ne va pas du tout ! ;-)
Son absence d'émotion, c'était surtout ce terrible réflexe d'allumer son(certes beau)sourire sur n'importe quel texte de chanson, témoin qu'elle ne vivait pas ce qu'elle chantait... Son soi-disant passage chez Lee Strasberg aurait dû radicalement changer cela...!
Sur son humour mal placé, cela dénote surtout qu'elle est mal conseillée, car tout le monde peut avoir envie spontanément de dire des conneries, mais le professionnalisme c'est aussi être bien cadré pour être uniquement à son avantage.
Content de voir qu'elle assume enfin de chanter son répertoire passé (les moulinets de bras, c'était sur "L'heure de la sortie"!).
Et merci pour le joli choix de photos !
Une autre critique pas mal sur un site de Sheila : http://www.sheila-lefildenotrehistoire.eu/comingout.html
RépondreSupprimerJe ne partage pas du tout votre avis sur l'absence d'émotion de notre chanteuse! Il suffit d'écouter et de regarder sa magistrale interprétation de la chanson de Gilbert Bécaud "L'Absent" ( Olympia 2002) pour s'en convaincre!
RépondreSupprimerSheila s'est au contraire montrée très investie dans ses nouvelles chansons et les a défendues avec conviction et une puissance vocale remarquables.
Le problème avec Sheila, ce sont ses détracteurs. Ils en sont restés aux couettes et aux moulinets de bras. Ils jettent les hauts cris dès qu'ils lisent son nom.