• Véronique Sanson | 2011


Nevers
17 décembre 2011

Ne pas aller à la dernière ?... Never say Nevers...
Deux heures de train Corail et nous y voilà, dans la
nuit, le froid et la pluie...
Vive les tournées d'été !

La salle, Maison de la Culture de Nevers et de la Nièvre, est inclinée, avec de l'espace sur les côtés (où quelques-uns iront s'asseoir) et, chauffée par Mika alias Migou alias Michaël Hernandez (qui a eu droit à un rappel), prête pour une nouvelle (youpi) mais dernière (snif) fête à Véro –
du moins en ce qui concerne 2011.
Les premiers rangs se voient offrir des poignées de confettis. Des serpentins et des cœurs en papier vert circulent... Encore un (joli) coup des fidèles parmi les fidèles. D'ailleurs, on aperçoit l'une d'entre eux qui mime Véronique dansant sur Toutes les saisons pour indiquer sur quelle chanson il faudra les lancer...
La dernière de l'année, dans une "petite ville, pardon une énooooorme bourgade" (Véro dans le texte) comme Nevers n'a pas grand chose à voir avec un soir de captation dans une capitale, fût-elle belge : L'atmosphère ce soir est à la détente (mais pas au relâchement), aux blagounettes sur scène (mais pas au n'importe nawak). Véronique l'annonce d'emblée au micro : "Je voulais vous dire que ce soir c'est notre dernier concert de la saison, et qu'on est tous un petit peu tristes... mais... heureusement que vous êtes là finalement !".
Une grande partie du public semble découvrir le spectacle ce soir. La voix de Véronique est belle, malgré la fatigue d'une maladie de saison. Son énergie est au rendez-vous et certains morceaux se verront salués d'un véritable tonnerre d'applaudissements. L'enchaînement Drôle de vie / Si toutes les saisons n'aura jamais aussi bien fonctionné, rythmé par des applaudissements ininterrompus, et les quelques 40 ans qui séparent la création des deux titres voleront en éclat sous les jets de cotillons et serpentins.

Petit coup de folie après Vancouver pendant que défile sur l'écran fond de scène d'inhabituelles photos des techniciens : "Ceux qui veulent venir sur scène pour voir de ce côté-là, vous pouvez : il y a un un escalier, là !". Un volontaire, habitué du premier rang à chaque concert, ne se fait pas prier et grimpe les trois marches, bientôt suivi d'une vingtaine d'autres. Véronique improvise alors une hilarante présentation de trois ou quatre d'entre eux en leur attribuant des noms d'une loufoquerie toute sansonienne (Mlle Tapautour, Mr Georges Fourche), encourageant même le public
- un comble ! - à prendre des photos, avant de virer tous ces intrus sans ménagement d'un "Maintenant il faut que je vous présente mes musiciens et vous êtes devant !'". Ah ah ah !
Comme dans une pièce de théâtre dans laquelle elle serait la Reine des Marlous, elle présente alors – et pour la dernière fois de l'année – ses merveilleux compagnons ("Je pourrais le dire de tous... Je ne vais pas vous dire : attendez, ce sont des minables !"). Et Le one-woman-show continue : elle fait mine de se cacher dans un coin de la scène ("Vous me dites si vous me voyez toujours !"), François Constantin la prend sous son bras et file en direction des coulisses, elle chante (deux fois) ce petit bout de chanson de Michel Berger en changeant la dernière phrase, le chef Dominique Bertram ordonne à chacun de faire 25 pompes... On a beau avoir vu et revu ce moment du spectacle, on ne s'en lasse pas... La joie de Véronique y est celle des enfants, pas très éloignée de celle dont parlent les écrits sacrés : celle qui n'a pas de raison.
La surprise, pour Véronique comme pour nous tous (sauf peut-être pour mon voisin qui en avait rêvé et même soufflé l'idée via facebook à un des musiciens l'après-midi même), vient avec l'arrivée des musiciens et techniciens sur scène, autour du piano, pour un Bahia d'anthologie. Belle émotion et ambiance potache garantie lorsqu'ils joignent le geste à la parole sur les caresse-moi... Egalement, l'occasion de reconnaître la nouvelle intro dans certains refrains de la chanson.

Peu de monde en coulisses. Les musiciens partent de bonne heure et la scène se démonte bientôt sous nos yeux. La réalisatrice du futur dvd
fredonne Bahia dans les couloirs. Des techniciens viennent dire au revoir à Véronique dans sa loge et l'adorable vendeur de merchandising sera le dernier à en sortir, avec sous le bras la dédicace personnalisée d'une chanteuse pour laquelle il a adoré travailler.

Un souhait pour 2012, lancé à l'univers, aux anges et aux étoiles : qu'on offre à cette belle équipe d'autres scènes, d'autres théâtres, pour que le sourire de Véronique continue de rayonner...

Nevers, for ever, la vidéo, est ici.

• Véronique Sanson |2011

Bruxelles
9 décembre 2011

Au départ, Bruxelles n'était pas une date envisagée. Mais il est des arguments finalement persuasifs ("c'est la captation, ce n'est qu'à 1 h 20 de Paris"...). Et puis, c'est une veille de pleine lune – et même d'éclipse lunaire. Allez, en piste pour le Cirque Royal !

Bien sûr, il n'est pas question ici de tout raconter par le menu : après tout, il y a un enjeu commercial (qui explique l'absence de photos et de vidéos) et même si ce blog est relativement confidentiel, l'idée est simplement de donner l'envie de se procurer le dvd dès sa sortie !

Bruxelles donc, dans un froid glacial... Le Palais Royal, la rue Royale... et enfin le Cirque Royal !
La salle, qu'on découvre ce soir, est belle et raisonnablement pleine si l'on considère la rude et néanmoins amicale concurrence du concert annuel de l'association Make-A-Wish présenté par Maurane, à Forest National le même soir avec, entre autres, Christophe Willem, Bénabar, Christophe Maé et Catherine Lara... De toute façon, les gradins tout là-haut on été prévus pour un spectacle qui se déroulerait au centre, sur la piste, occupée ce soir par un parterre de sièges bien remplis...

Le noir se fait peu à peu. Curieusement, pas d'annonce du type "Ne filmez pas ce soir, on s'en charge". On est installé juste derrière Alain Lonchampt (avec vue sur les retours écran), perspective idéale pour avoir une vision plus globale que d'habitude de ce qui se passe sur scène – et s'extasier à nouveau sur les magnifiques tableaux qu'il a créés.

La captation, ça fait peur bien sûr, mais Véronique est - on le sait - un phénomène hors norme, et quel phénomène ! Pas une extra-terrestre, non, mais bien une "terrestre extra" – comme elle l'a dit elle-même sur scène, à Argenteuil. Le premier titre, Je me fous de tout, est un défi comme elle les aime. La voilà qui entre dans l'arène, d'un pas assuré, d'une voix forte. Après tout, elle ne voit pas les quatre caméras (de l'avantage d'être myope…). On la sent pourtant subtilement consciente de ces regards numériques posés sur elle ; certes, elle ne jouera pas différemment, mais fera tout pour les rendre témoins de ce contact précieux qu'elle ne peut nouer qu'avec une énergie humaine. Ce soir, elle sera dans sa vérité, à l'aise comme dans son salon, mais avec une dimension supplémentaire, pas seulement due aux habits de lumière mais à ce charme qu'elle sait déployer l'air de rien, et qui justifie ce qu'elle qualifie elle-même de "prétention" (le fait de monter sur scène, de dire "venez me regarder"). On n'est jamais beau ou belle par hasard, mais bien pour quelqu'un.
Et ce soir, les regards sont nombreux, aimantés. Ceux de petits voyageurs, que l'amour lui a envoyés. Serrés contre la scène,
bras tendus, ils se réchauffent à la chaleur de son sourire...

Le concert se déroulera magnifiquement : son impeccable (ah, la magie de ces vieux théâtres ronds !), public très réceptif ("Sont drôles ces Belges, qui crient Véronique, Véronique !", me lance ma voisine de derrière - ils se mettront à "Véro, Véro !" plus tard) et puis et surtout la chanteuse elle-même, entourée d'un groupe idéal à son bonheur d'être là (encore réhaussé ce soir par la présence de Jean-Jacques Evrard au violon, et Lionel Suarez au bandonéon). Bien sûr, on pourrait dire que la présentation des musiciens fut un peu longue, mais on ne la voit pas pour la première fois, et puis Véronique les a un peu présentés comme si c'était la dernière, en voulant vraiment leur rendre hommage, et d'ailleurs, faisant une digression sur l'album de Loïc Pontieux, elle a même lancé "Vous couperez au montage" !

En quelques mots, hauts faits et petits détails d'un soir :
La note d'intro de Je me suis tellement manquée doublée, suivie d'un silence égal au temps que prend le piano pour résonner, bel effet L'intro de Si toutes les saisons doublée également, installant plus confortablement la chanson, démarrée comme d'habitude sur les chapeaux de roue, sans attendre de ramasser les lauriers de Drôle de vie Doublé également ce soir le pont musical à l'intérieur de ce titre, ce qui permet aux cuivres et à Véronique de se promener tranquillement autour du piano Eclat de rire sur Rien que de l'eau : Véro fait le tour de la batterie pour aller retirer le bonnet de Loïc pendant qu'il joue. Elle a toujours dit qu'elle le préférait sans ! La chanteuse profitant de la salle éclairée pour pointer la caméra girafe, prête à filmer ceux qui ne chanteraient pas ! Ses deux poings qui entrent en collision avec le piano à la fin de Vancouver Vancouver ? "Elle est en si mineur, au début. Après, it's up to you" Son impeccable brushing de retour des coulisses, balayé d'une main pour remonter ses cheveux et les planquer sous le chapeau du soir, qu'elle essaye sous nos yeux en cabotinant pour de faux Eric Vernazobres, tel un grand reporter sur le terrain, se faufilant dans la salle pour prendre ses photos Véronique qui ne veut pas "partir comme ça" et se lance dans une version totalement improvisée et a capella de Goodnight Sweetheart, assurant elle-même les basses : un régal Le mystère du premier rappel très long (le temps de fumer au moins 3 cigarettes ?) et qu'elle dissipe en expliquant qu'elle ne trouvait plus son micro ! Cette façon qu'elle a parfois de tressauter sur son siège, parce que ça ne va pas assez vite, parce que ça manque de mouvement Et puis, ces belles images qu'on emporte avec soi : Véronique saluant debout, attrapée de toute part, cueillant les mains tendues des premiers rangs... Au final, l'impression d'avoir assisté à l'écriture d'une très grande page de l'histoire du rock.

En coulisses, on croise d'abord Gilbert Coullier, qui arbore un large sourire. Du côté des loges, il y a de l'animation : ça chante et ça danse sous l'œil des caméras et des appareils photo. De quoi alimenter le dvd, côté bonus...

• Kate Bush | 2011

Kate Bush
50 Words for Snow


Parenthèse anglaise dans ces chroniques des concerts de Véronique, avec le nouveau Kate Bush, 50 Words For Snow.
Kate Bush est cette artiste singulière qui depuis plus de 30 ans avance à son rythme, sans contraintes, et semble prendre un malin plaisir ces dernières années à semer en route ceux qui auraient envie d'un nouveau Running up that hill ou d'un autre Babooshka, gommant si consciencieusement son image de princesse pop anglaise qu'on ne peut maintenant plus décemment l'y associer... Comme s'il lui fallait se démarquer des "héritières" (Tori Amos, Emilie Simon...), échapper à toute comparaison avec leurs productions en allant toujours plus loin, et surtout dans une autre direction.
On se souvient bien sûr l'avoir vue sur scène, lors de son unique tournée, en mars 1979
, au Théâtre des Champs-Elysées, mais c'est comme dans une autre vie...

50 Words For Snow a été écrit et enregistré rapidement – surtout si l'on considère les habitudes de la dame –, après la sortie discutable d'un autre cd, Director's cut (avril de cette année) dans lequel elle retravaillait des titres de deux de ses albums, Sensual World (1989) et The Red Shoes (1993), sur lequel figurait l'incomparable Moments of pleasure.
Intros démultipliées, piano omniprésent, nocturne... ce n'est pas un album facile d'accès. Il lui faut du temps, de l'espace, pour être apprivoisé, devenir familier. La première semaine, on renoue avec le délicieux plaisir de ces moments où l'on ne connaît pas encore bien un disque, où l'on commence à fredonner un titre pour s'apercevoir qu'on est arrivé dans un autre... Sauf que cette fois-ci, le jeu risque de durer un certain temps : subtiles et dépouillées, ce sont ici des mélodies comme inachevées, avec très peu d'arrangements. Des chansons lentes qui déambulent, prennent leur temps, longs couloirs qui conduisent vers un soudain éclat de voix ou une rare harmonie que la mélodie semble avoir cherchés en explorant toutes les ressources à sa disposition... On a parfois l'impression qu'elle chante et joue avec une mélodie en tête plus développée que celle qu'elle interprète, et dont elle a préféré laisser la colonne vertébrale. L'écoute sera attentive, avec l'envie de suivre l'artiste dans la forêt dense de son inspiration et peut-être même de poursuivre son travail de création. Après tout, on achète un disque autant pour le plaisir de l'écouter que celui de le chanter à notre tour... Et c'est un peu comme si elle avait délivré une matière brute, avec laquelle on pourrait jouer – en toute humilité.
L'album est à savourer au calme, il recentre. Si on l'écoute dehors, en marchant, on se retrouvera vite comme en apesanteur au milieu de nos contemporains. Et d'accord avec Kate Bush : "The world is so loud"...
Aucun des titres qui composent l'album ne fait moins de 7 minutes et Misty (extrait vidéo ici), chef-d'œuvre absolu, culmine à près de 14 minutes.

L'album s'ouvre avec la voix de son fils, 13 ans (lead vocal : Albert McIntosh). Et on imagine sa mère le coachant, lui demandant de bien détacher chaque syllabe. Le résultat est impressionnant ; l'adulte qu'il deviendra aura un souvenir magnifique de sa voix d'enfant. Et lorsque sa voix à elle arrive pour les deux phrases du refrain, on réalise seulement qu'on est maintenant en présence du rare duo d'une mère avec son fils.
La chanson qui donne son titre à l'album est l'énumération de 50 mots en rapports avec la neige, parmi lesquels les notables "creaky-creaky" et "sorbetdeluge" (en un mot), doctement récités par Stephen Fry. Kate Bush les compte d'une voix sensuelle et encourage son champion "Come on man, you've got 44 to go" ! Ce qui nous donne l'occasion de ré-entendre sa voix finir les o en ooooo, comme du temps où ses chansons débordaient de chœurs...
Le duo avec Elton John ? Rien de bien commercial dans cette entreprise, pourraient se lamenter les radios que l'affiche aurait alléché : Kate Bush embarque la star dans l'histoire d'un homme et d'une femme qui se croisent dans chacune de leurs incarnations, qui s'aiment depuis toujours... Particularité : chaque phrase a un nombre de pieds plus important que ne le voudrait la mélodie et pourtant, ça passe bien. Et la voix d'Elton, profonde, plausible, s'épanouit dans une superbe note finale, "Not again". 50 Words For Snow, album aussi ambitieux que l'était The Ninth Wave auquel on pense parfois, tient tout au long de ses 7 titres son climat d'intimité, de grande sensibilité. Didier Varrod ne s'y est d'ailleurs pas trompé l'autre matin dans sa chronique sur France Inter (à réécouter ici).