Olympia, Paris
5 juillet 2013
Pas de quoi pavoiser : jamais vu CSN sur scène ! Ni même CN. Ni même S tout seul ! Une seule petite fois qui a pourtant été un choc : Old man trouble à la Tour Eiffel en 2005, dans le cadre d'une émission que Nostalgie consacrait à celle qui fût son épouse entre 1973 et 1979. Il avait posé sa grosse patte sur le piano et là... frissons. Un guitar hero devant un piano... un piano hero !? Un authentique bluesman, en tous les cas. Assise derrière lui, Véronique avait d'ailleurs émis un petit râle appréciateur et sensuel en reconnaissant l'intro de la chanson et, s'installant elle-même au piano juste après lui, avait fait mine d'être "imprégnée". (la vidéo est là)
© Tony Frank
Voir Stephen Stills sur scène, voir CSN sur scène, c'est aussi visiter son environnement musical américain à elle. Les années Colorado, Hawaï, Los Angeles et San Francisco. Sans se cacher une seule seconde le côté "mythique" de l'affaire : aller le voir sur scène dans la salle-même (à peu de choses près) où a démarré leur aventure il y a plus de 40 ans : le concert de Manassas en mars 1972. Véronique et Michel dans le public. Craquage en direct pour le beau guitariste, qu'elle croise le lendemain dans les bureaux de leur maison de disques commune. Un destin qui se joue en très peu de temps...
On avait tout cela en tête en se rendant à l'Olympia... Sauf que toute espèce de nostalgie a volé en éclat dès qu'ils ont débarqué sur scène : c'est encore dans les vieux pots...
La surprise, c'est d'abord le boulevard des Capucines et ses allures de souk. Les revendeurs à la sauvette n'ont pas de pitié, et pas de mémoire. Celui qui vous demande pour la 3e fois en dix minutes si vous n'avez pas une place à vendre finira par lâcher "On est là pour faire du trafic ; on fait du business mais on ne regarde pas les gens, désolé"...
On retrouve Christopher devant l'entrée des artistes. Il confirme qu'il jouera bien ce soir. Chic ! "Ça tombe bien, on est quand même venus pour ça", rigole son cousin.
Se dépêcher de rejoindre le hall car les rockers sont pile à l'heure : on s'assoit dans le noir. La salle est pleine (les deux shows sont complets) et bien chaleureuse comme il faut. Des "papys" bien sûr, mais aussi leurs fistons, et même des jeunes femmes qui connaissent les textes par cœur. Une, deux... allez go !
Carry on questions, Marrakesh Express, Long time gone... Le son est carré, les éclairages au poil, tout le monde est très en place et les fameuses harmonies vocales sont là. Le temps ne fait rien à l'affaire : quand on est bon, on est bon ! À un bémol près : quelques légers couacs sur la droite qui écorchent les oreilles de mon véronicologue distingué de voisin...
Les morceaux mettent en lumière les uns et les autres, et surtout une évidence : ce n'est pas pour rien qu'en 40 ans de carrière ils n'ont jamais abandonné leur carrière solo respective. Ce groupe n'en sera finalement jamais tout à fait un. Davantage addition que fusion, un talent succèdant à un autre, et on différenciera toujours à la première note une composition de Nash (tendance post-Beatles ou pré-Supertramp) d'une de Stills.
Mondialement connus pour leur jalousie, leurs excès, le nombre de fois où ils ont dissous et reformé le groupe, les 3 "vieux" surprennent leur monde. De droite à gauche : David Crosby, mains dans les poches, cheveux blancs au vent, ressemble à un barde gaulois ou – mieux – au "capitaine d'un navire fantôme" (dixit ma célébrissime voisine de gauche). Il a toujours un truc drôle à dire (ou émouvant lorsqu'il présente une chanson dédiée à sa femme "depuis 35 ou 36 ans"). Graham Nash, l'Anglais à la gestuelle évasive, s'efface souvent – parfait gentleman – pour mettre en valeur ses deux compères, montre du doigt tel ou tel musicien au moment d'un solo. Quant au redoutable Steve, aminci, lunettes sur le nez, il est tout bonnement un des plus grands guitaristes rock au monde et il exhibe son talent sans artifice, avec une forme d'humilité. Les trois sont finalement parfaitement courtois les uns envers les autres, tellement fréquentables en apparence...
Nash présente le jeune homme au clavier à droite, compositeur du prochain titre, Lay me down : "James Raymond, le fils de David" – "Un des...", rigole ma voisine, dont les "Yeah !" bien sonores ponctueront la présentation de chaque musicien, un peu plus tard.
Les guitares se succèdent sur les épaules de Stills, il en change pratiquement à chaque titre. Ses solos, toujours subtils, joués en bord de scène, sont attendus par tout le monde, et en particulier par Véronique qui le pointe à chaque fois du doigt, archi-admirative : "On ne peut pas lutter". Il les termine toujours – légende oblige – par un jeter de médiator. Instantané qui fonctionne toujours...
On annonce 20 minutes d'entracte. Notre voisine tenterait bien d'aller s'en griller une... On la suit en coulisses. Patte blanche montrée, on est devant une porte dont le code d'accès n'a pas changé depuis la dernière fois, note Christian. Au mur, l'empreinte des mains de ceux et celles qui ont fait vibrer le temple. À côté d'Alain Souchon, une petite main – mais qui fait le maximum ! – qu'on photographie sans vergogne.
En coulisses, juste à l'entrée du bar, une affiche géante de notre trio du soir. On croit apercevoir quelque chose à côté du visage de Stills. Mais oui, c'est bien Véronique in person qui l'a dédicacée la veille : "You are all the Best!".
Retour dans la salle. Préoccupations sociales et internationales : Stills déclare, à propos de Teach your children que "les profs devraient gagner plus que les hommes politiques" (applaudissements). Et Graham Nash annonce un nouveau titre, Burning for the Buddha, écrit au sujet des quelques 120 moines tibétains qui se sont immolés par le feu depuis 2009 pour protester contre l'emprise chinoise.
Puis la scène se vide. Restent un guitariste et un clavier. Et Stephen Stills qui présente son fils en prononçant "Véronique" avec son best french accent et presque "Christophe" à la place de Christopher. C'est Treetop flyer (voir lien vidéo plus bas). Et les guitares se répondent, éclatante transmission père-fils.
David Crosby, de retour sur scène, commente, fataliste : "Que voulez-vous... Le fils de Steve et de Véronique Sanson...". Il ajoute : "Nous on fait deux soirs, mais Véronique en fait beaucoup plus !".
Ces types-là ont joué à Woodstock et dans tous les festivals de la planète mais l'Olympia aura toujours une place spéciale dans leurs cœurs.
Un seul rappel, Suite: Judy blue eyes. Christopher revient saluer pour le final. Juste avant de partir, son père tente un "Hip hip hip hourrah" mais il est trop loin du micro. Son fils s'en saisit et lance les "hourrah" avec un joli succès. Une fois sorti de scène, il plaisantera à ce sujet : "Ça ressemblait un peu à "je vais te montrer comment on fait, Dad" !".
En coulisses, on croise Dodo Bertram, lui aussi là pour son premier concert du groupe. Steve Stills fait une apparition, reste peu de temps, prend la pose pour des amis aux côtés de Véronique et Titou. David Crosby lance un "Adieu les amis" en v.f. en direction du bar. Véronique veut savoir ce qu'on en a pensé. Elle précise que "c'était différent hier". Il est vrai qu'elle n'écoute ni ne regarde un concert tout à fait comme tout le monde...
Quelques vidéos déjà en ligne
• 4 juillet :
– Treetop flyer avec Christopher (sur YouTube)
– Treetop flyer avec Christopher (sur facebook)
• 5 juillet :
– Our house
– Long time gone
– Chicago
– Just a song before I go
– Lay me down
– Teach your children
– Treetop flyer avec Christopher
Des photos ici
Compte-rendu passionnant et on s'y croirait presque. Merci Laurent !
RépondreSupprimerRichard F.