Véronique Sanson
Festival de Carcassonne
30 juillet 2017
[Tentative de CR sans trop en dire à ceux qui n’ont pas encore vu le show]
Passé le petit stress du départ parisien (changement de gare de dernière minute, une heure de retard, Montparnasse qui ne signale plus…), on débarque à Bordeaux pour y retrouver des visages amis. En route pour l’Occitanie !
Vue d’en bas, Cité est très impressionnante. On y grimpe sous un soleil de plomb. Les répètes ne sont pas pour tout de suite : on ne peut pas faire de bruit avant 18 h 30. Petit tour dans les ruelles où fourmillent les “marchands du temple”, et on arrive tout naturellement en haut du théâtre d’où on entend déjà s’échapper quelques notes. On s’approche. Signalons au passage que tous les gens travaillant sur ce site sont d’une extraordinaire gentillesse.
Véronique arrive tout juste sur le plateau, elle arbore la forme des grands jours et un tee-shirt déroutant et hilarant “acheté en 1989” dit-elle, et qu’elle mettra sur scène pour les rappels. Le groupe n’a pas joué depuis 15 jours, les répétitions dureront près d’une heure, entrecoupées de conciliabules.
Le temps d’un petit dîner en terrasse et nous voilà de retour dans une salle bien pleine : il doit juste rester quelques sièges vides tout là-haut. Au bas des escaliers, en retrait, j’aperçois Jean-Pierre Castelain en train de s’en griller une, chapeau de cowboy noir sur tignasse blanche. Il a demandé à voir le show ce soir, lui qui a accompagné Véronique pour sa toute première scène, à la Tour Eiffel en mars 1972. Respect ! Il demande qui joue de la basse ce soir et il est comme un fou à l’idée de revoir Dodo (qui viendra le saluer en sortant des loges) : ils ne s’étaient pas vus depuis 1977…
Le show commence. Même voix qu’aux répètes, avec une furieuse envie d’en découdre, grand show en vue donc !
Établir la setlist cette année aura été un authentique casse-tête : ranger dans le bon ordre des titres du nouvel album, quelques bons vieux morceaux qu’elle n’a pas chantés depuis quelques lunes et les inévitables “golds” (en évitant une redite des Années américaines), le tout sans perdre de vue que les cordes une fois en place ne doivent pas sortir et rentrer toute la soirée, et qu’on ne fait pas danser les gens pour les faire pleurer la chanson qui suit… À Blainville-Crevon (première date de la tournée des festivals), on y était presque. Ce soir, on y est ! Véronique peut déployer sur scène l’éventail de sa musique le plus large qui soit, celui de sa raison d’être sur scène. De sa raison d’être tout court puisque sa vie, c’est la scène…
Sitôt après l’impeccable Dignes, dingues, donc…, Véronique a placé des titres dont on comprend que le propos est peut-être plus intéressant que la musicalité. Elle a à cœur de mettre en avant ces textes-là et on se rend compte qu’elle s’aventure là sur un terrain sur lequel on ne l’attendait pas forcément. Bien sûr, elle n’est jamais aussi poignante et proche de nous que quand elle parle d’amour, mais sa démarche offre une vraie diversité dans la setlist et une cohérence avec les “12 000 pétitions qu’elle signe toute la journée”. Pour être sûre d’être entendue, on notera ce soir une belle diction, des syllabes parfaitement détachées.
Vient ensuite, et pour la première fois, un tableau acoustique multi-instrumental parfaitement réussi. Elle s’y démène comme une belle diablesse, visitant un genre musical qui manquait à sa palette et qui ravit la foule. Applaudissements nourris garantis.
Pour Ces moments-là, finalement plus difficile à faire groover sur scène qu’on aurait pu le croire, elle se lance à fond, chante même des arrangements que pourraient reprendre les cuivres plus tard… Et quel plaisir de voir le beau Yannick Soccal un genou en terre devant la “patronne” ! Le titre est très applaudi. On se lève au premier rang, en entraînant d’autres...
Elle l’avait introduite en parlant de Simone Veil (applaudissements) et on songe rétrospectivement que, cette nuit-là, Jeanne Moreau était en train de rendre son dernier soupir… Une autre femme qui, par sa manière d’être au monde, aura beaucoup fait pour le sort des femmes. Véronique évoquera également plus tard Jacqueline Sauvage à propos d’une des nouvelles chansons (“Tout le monde croit que je l’ai écrite en pensant à elle alors que c’était bien avant”).
Elle souligne au micro des problèmes récurrents avec ses Ears. Le son arrive haché menu dans ses oreilles. Direction côté jardin où un technicien essaie d’arranger ça. Ma voisine, un brin jalouse, s’insurge “Qu’il en profite pas pour la peloter !”
Véro retourne à son piano en dansant et en faisant le pitre. Sa côte d’amour, déjà enviable, grimpe en flèche !
Elle trouve qu’elle parle trop et pas assez bien à son goût (ce qui est ridicule bien sûr), promet de parler moins, déclenchant des “Véro, on t’aime” bien sonores, véritables cris du cœur.
Côté lumière, tout va bien. Nicolas Maisonneuve a créé de magnifiques tableaux, en particulier un dans les tons bleu-rouge. On le saisit et on le met devant son cœur…
Vient Drôle de vie, et tout le monde descend vers la scène sans avoir eu besoin de carton d’invitation. Incontournable et joli moment de liesse.
Sur Rien que de l’eau, Véronique se promène d’un bout à l’autre de la scène (pas d’écrans géants ce soir), pointe Dodo du doigt sur “Toi tu te caches dans les ruelles”, accentue sa gestuelle, pense sans doute aux derniers rangs (et donc aux conseils de Cloclo en 1972 ?).
La présentation des musiciens se fait sur Et s'il était une fois. Ce n’est pas la version-express-30-secondes-chrono de Blainville-Crevon (uniquement leurs prénoms) mais pas loin ! Les cordes ont été présentées juste avant : recrutés chaque fois dans la ville du concert, les musiciens ont répété avec Anne Gravoin, que Véronique ira rejoindre lors des saluts pour une mention spéciale.
Un coup de vent nous fait frissonner – ou bien était-ce la dernière note de Toute une vie sans te voir, plus aiguë qu’à l’accoutumée ? Le vent est fantastique, il nous rappelle qu’on est en plein air, tous ensemble, enveloppés de nuit dans cet extraordinaire croisement de l’espace-temps : la musique de Véronique en 2017 dans le décor d’une Cité médiévale...
Pas de Mortelles pensées ce soir. “Ça vous dirait un p’tit Bahia ?” Tu parles ! Et la salle de reprendre d’une même voix (ou presque) les célèbres lalala lalala et à s’essayer sur les “caresse-moi” avec plus ou moins de sensualité et d’audace, le tout définitivement dépassé par le retour au micro de la voix de Véronique, modulant ces deux mots de façon toujours plus inventive. À la fin de la chanson, elle tape dans ses mains comme pour se décider à se lever, à aller recevoir en bord de scène le plus beau cadeau du monde : des vagues d’amour inconditionnel, des regards étoilés et des sourires tranquilles, avant de saluer de dos avec ses mains.
Certains ne l’entendent pas de cette oreille et l’appellent encore (facile)...
On est à l’extérieur et pourtant les lumières se rallument. Sur scène, les roadies remplacent les musiciens. Chacun va reprendre le cours de sa (drôle de) vie.
On écoute les commentaires, on parle “d’une setlist renouvelée et particulièrement bien choisie”, d’une “Véronique très en forme”. Le père de Nicolas, qui ne l’avait jamais vue sur scène, estime que “ça n’a rien à voir avec les télés”. Sur scène, pas d'âge, pas de genre. Juste une boule d’énergie qui capte celle qui vole d’âme en âme, la renvoie embellie, magnifiée. Mission accomplie encore ce soir.
L’accès à la loge des musiciens se fait par une toute petite porte. Celle de Véronique par un escalier à sa gauche. L’endroit est assez moche, peint en blanc avec des chaises en plastique dans un couloir devant la loge. On se croirait dans la salle d’attente d’un médecin, commente Christian David, venu en voisin. La loge en elle-même est plus jolie. Mais il y a du bruit au-dessus : on est juste sous la scène et on entend les techniciens faire rouler les caisses de matériel. On les aperçoit même entre les poutres du plafond en bois ! Véronique n’a pas l’air fatigué, elle doit signer le livre d’or, pense à y mettre un petit mot pour les occupants de la place demain soir : Julien Doré et Juliette Armanet.
Elle remonte à l’air libre, longe la salle sur le côté gauche. On lève les yeux : au-dessus de nous se balance un énorme chargement. La scène sera bientôt entièrement démontée. On presse le pas, par réflexe. Puis vient un mystérieux escalier, une lourde grille cadenassée. Quelqu’un vient avec la clé et on laisse bientôt la championne dans un décor de rêve, le jardin d’un hôtel digne d’un film hollywoodien…
© L. Calut
Le show commence. Même voix qu’aux répètes, avec une furieuse envie d’en découdre, grand show en vue donc !
Établir la setlist cette année aura été un authentique casse-tête : ranger dans le bon ordre des titres du nouvel album, quelques bons vieux morceaux qu’elle n’a pas chantés depuis quelques lunes et les inévitables “golds” (en évitant une redite des Années américaines), le tout sans perdre de vue que les cordes une fois en place ne doivent pas sortir et rentrer toute la soirée, et qu’on ne fait pas danser les gens pour les faire pleurer la chanson qui suit… À Blainville-Crevon (première date de la tournée des festivals), on y était presque. Ce soir, on y est ! Véronique peut déployer sur scène l’éventail de sa musique le plus large qui soit, celui de sa raison d’être sur scène. De sa raison d’être tout court puisque sa vie, c’est la scène…
Sitôt après l’impeccable Dignes, dingues, donc…, Véronique a placé des titres dont on comprend que le propos est peut-être plus intéressant que la musicalité. Elle a à cœur de mettre en avant ces textes-là et on se rend compte qu’elle s’aventure là sur un terrain sur lequel on ne l’attendait pas forcément. Bien sûr, elle n’est jamais aussi poignante et proche de nous que quand elle parle d’amour, mais sa démarche offre une vraie diversité dans la setlist et une cohérence avec les “12 000 pétitions qu’elle signe toute la journée”. Pour être sûre d’être entendue, on notera ce soir une belle diction, des syllabes parfaitement détachées.
© L. Calut
Pour Ces moments-là, finalement plus difficile à faire groover sur scène qu’on aurait pu le croire, elle se lance à fond, chante même des arrangements que pourraient reprendre les cuivres plus tard… Et quel plaisir de voir le beau Yannick Soccal un genou en terre devant la “patronne” ! Le titre est très applaudi. On se lève au premier rang, en entraînant d’autres...
Elle l’avait introduite en parlant de Simone Veil (applaudissements) et on songe rétrospectivement que, cette nuit-là, Jeanne Moreau était en train de rendre son dernier soupir… Une autre femme qui, par sa manière d’être au monde, aura beaucoup fait pour le sort des femmes. Véronique évoquera également plus tard Jacqueline Sauvage à propos d’une des nouvelles chansons (“Tout le monde croit que je l’ai écrite en pensant à elle alors que c’était bien avant”).
Elle souligne au micro des problèmes récurrents avec ses Ears. Le son arrive haché menu dans ses oreilles. Direction côté jardin où un technicien essaie d’arranger ça. Ma voisine, un brin jalouse, s’insurge “Qu’il en profite pas pour la peloter !”
Véro retourne à son piano en dansant et en faisant le pitre. Sa côte d’amour, déjà enviable, grimpe en flèche !
Elle trouve qu’elle parle trop et pas assez bien à son goût (ce qui est ridicule bien sûr), promet de parler moins, déclenchant des “Véro, on t’aime” bien sonores, véritables cris du cœur.
Côté lumière, tout va bien. Nicolas Maisonneuve a créé de magnifiques tableaux, en particulier un dans les tons bleu-rouge. On le saisit et on le met devant son cœur…
© L. Calut
Vient Drôle de vie, et tout le monde descend vers la scène sans avoir eu besoin de carton d’invitation. Incontournable et joli moment de liesse.
Sur Rien que de l’eau, Véronique se promène d’un bout à l’autre de la scène (pas d’écrans géants ce soir), pointe Dodo du doigt sur “Toi tu te caches dans les ruelles”, accentue sa gestuelle, pense sans doute aux derniers rangs (et donc aux conseils de Cloclo en 1972 ?).
La présentation des musiciens se fait sur Et s'il était une fois. Ce n’est pas la version-express-30-secondes-chrono de Blainville-Crevon (uniquement leurs prénoms) mais pas loin ! Les cordes ont été présentées juste avant : recrutés chaque fois dans la ville du concert, les musiciens ont répété avec Anne Gravoin, que Véronique ira rejoindre lors des saluts pour une mention spéciale.
Un coup de vent nous fait frissonner – ou bien était-ce la dernière note de Toute une vie sans te voir, plus aiguë qu’à l’accoutumée ? Le vent est fantastique, il nous rappelle qu’on est en plein air, tous ensemble, enveloppés de nuit dans cet extraordinaire croisement de l’espace-temps : la musique de Véronique en 2017 dans le décor d’une Cité médiévale...
© L. Calut
Pas de Mortelles pensées ce soir. “Ça vous dirait un p’tit Bahia ?” Tu parles ! Et la salle de reprendre d’une même voix (ou presque) les célèbres lalala lalala et à s’essayer sur les “caresse-moi” avec plus ou moins de sensualité et d’audace, le tout définitivement dépassé par le retour au micro de la voix de Véronique, modulant ces deux mots de façon toujours plus inventive. À la fin de la chanson, elle tape dans ses mains comme pour se décider à se lever, à aller recevoir en bord de scène le plus beau cadeau du monde : des vagues d’amour inconditionnel, des regards étoilés et des sourires tranquilles, avant de saluer de dos avec ses mains.
Certains ne l’entendent pas de cette oreille et l’appellent encore (facile)...
On est à l’extérieur et pourtant les lumières se rallument. Sur scène, les roadies remplacent les musiciens. Chacun va reprendre le cours de sa (drôle de) vie.
On écoute les commentaires, on parle “d’une setlist renouvelée et particulièrement bien choisie”, d’une “Véronique très en forme”. Le père de Nicolas, qui ne l’avait jamais vue sur scène, estime que “ça n’a rien à voir avec les télés”. Sur scène, pas d'âge, pas de genre. Juste une boule d’énergie qui capte celle qui vole d’âme en âme, la renvoie embellie, magnifiée. Mission accomplie encore ce soir.
L’accès à la loge des musiciens se fait par une toute petite porte. Celle de Véronique par un escalier à sa gauche. L’endroit est assez moche, peint en blanc avec des chaises en plastique dans un couloir devant la loge. On se croirait dans la salle d’attente d’un médecin, commente Christian David, venu en voisin. La loge en elle-même est plus jolie. Mais il y a du bruit au-dessus : on est juste sous la scène et on entend les techniciens faire rouler les caisses de matériel. On les aperçoit même entre les poutres du plafond en bois ! Véronique n’a pas l’air fatigué, elle doit signer le livre d’or, pense à y mettre un petit mot pour les occupants de la place demain soir : Julien Doré et Juliette Armanet.
Elle remonte à l’air libre, longe la salle sur le côté gauche. On lève les yeux : au-dessus de nous se balance un énorme chargement. La scène sera bientôt entièrement démontée. On presse le pas, par réflexe. Puis vient un mystérieux escalier, une lourde grille cadenassée. Quelqu’un vient avec la clé et on laisse bientôt la championne dans un décor de rêve, le jardin d’un hôtel digne d’un film hollywoodien…
© L. Calut
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire