RÊVERIES D’UN PROMENEUR
publiée en juillet 1996 dans Live Music
Référence incontournable dans les CV de Marc Almond, Nick Cave ou Bowie au chapitre « voix influences », Scott Walker, le crooner ténébreux, est de retour avec la chanson générique de Toxic Affair, comédie française starring Isabelle Adjani. Parcours d'un homme (trop) discret.
Scott Walker ou l'éloge d'une voix. The Voice. Reflet d'une belle assurance mâle (des graves chauds et profonds) teintée de doutes, d'innocence, voire de pureté. Un organe au timbre suave, rompu à la technique des crooners, coupable de pâmoison auprès de milliers d'adolescentes dans les années 60. Evoquez Love Her, The Sun ain't gonna shine anymore ou Make it easy on yourself et regardez votre mère soupirer !
Voyage dans le temps. En 1965, Scott Walker forme les Walker Brothers avec John Maus et Gary Leeds. Une poignée de tubes, des tournées hystériques, une popularité menaçante pour les Beatles, le tout résumé par Scott en ces termes : « le plus grand groupe d'ivrognes »…
Deux ans plus tard, le groupe se dissout et Scott s'évapore. On ne le retrouvera jamais plus aussi accessible. Tournant le dos aux feux de sa jeune gloire, le géant américain (il mesure près de 2 mètres) se replie sur lui-même, lit beaucoup (Sartre, Camus) et développe une fixation sur Ingmar Bergman. En un mot, il part à la recherche de lui-même et sera bientôt en mesure de nourrir ses textes et mélodies d'expériences personnelles – jusque-là, le répertoire des Walker Brothers se cantonnait à des compositions (excellentes) apportées sur un plateau par la crème des auteurs de pop songs de l'époque.
Autre révélation : Brel, dont il va glisser des adaptations dans chacun de ses quatre premiers albums solo, reprises qui comptent parmi les plus appréciées par les puristes et qui, compilées, ont fait l'objet d'une réédition CD : Scott Walker sings Brel (tout comme chacun des albums solo sobrement baptisées Scott 1, 2, 3 et 4).
Ces enregistrements constituent les éléments majeurs de l'œuvre flamboyante d'une jeune homme ténébreux qui parle d'amour, de sexe et des solitude ; lentes introductions tourmentées, nuages de cordes somptueusement orchestrées et mélodies de voix inventives font de chaque écoute une expérience inoubliable.
Nouveau silence, brisé en 1984 avec Climate of the Hunter, magnifique anti-album dont la mévente lui vaudra la rupture de son contrat avec Virgin.
Entre temps, les faux frères Walker se reformeront le temps d'un hit (No Regrets, en 1975) suivi d'un album (Nite Flights, dont le titre éponyme figure brillamment repris, sur le Black Tie White Noise de Bowie). Les hommages et reprises ne manqueront pas, mais l'énumération serait trop longue ; il faut pourtant citer Julian Cope, à l'origine d'une compilation en 1981 et Marc Almond d'une autre en 1990 (Boychild, entrée en matière idéale pour néophyte à convaincre).
Depuis 1984, l'homme – un modèle de discrétion – est difficile à débusquer. Diverses collaborations (Eno, Lanois) sont évoquées, un album est même annoncé... lorsque, soudain, arrive la surprise de (petite) taille : un CD deux titres, fruit d'une improbable rencontre avec Goran Bregovic (auteur inspiré des BO du Temps des gitans et d'Arizona Dream).
Man from Reno et Indecent Sacrifice (tous deux extraits de la BO de Toxic Affair, comédie qui marque le retour à l'écran d'Isabelle Adjani sur fond d'échec commercial) nous restituent l'inimitable voix, calme mais sans une ride (Scott aura 50 ans l'an prochain), servie par une orchestration simple et pleine de charme. Le crooner a signé les textes. Et l'on se prend à rêver que ce petit objet soit le signe avant-coureur d'un véritable come-back…
Deux ans plus tard, le groupe se dissout et Scott s'évapore. On ne le retrouvera jamais plus aussi accessible. Tournant le dos aux feux de sa jeune gloire, le géant américain (il mesure près de 2 mètres) se replie sur lui-même, lit beaucoup (Sartre, Camus) et développe une fixation sur Ingmar Bergman. En un mot, il part à la recherche de lui-même et sera bientôt en mesure de nourrir ses textes et mélodies d'expériences personnelles – jusque-là, le répertoire des Walker Brothers se cantonnait à des compositions (excellentes) apportées sur un plateau par la crème des auteurs de pop songs de l'époque.
Autre révélation : Brel, dont il va glisser des adaptations dans chacun de ses quatre premiers albums solo, reprises qui comptent parmi les plus appréciées par les puristes et qui, compilées, ont fait l'objet d'une réédition CD : Scott Walker sings Brel (tout comme chacun des albums solo sobrement baptisées Scott 1, 2, 3 et 4).
Ces enregistrements constituent les éléments majeurs de l'œuvre flamboyante d'une jeune homme ténébreux qui parle d'amour, de sexe et des solitude ; lentes introductions tourmentées, nuages de cordes somptueusement orchestrées et mélodies de voix inventives font de chaque écoute une expérience inoubliable.
Nouveau silence, brisé en 1984 avec Climate of the Hunter, magnifique anti-album dont la mévente lui vaudra la rupture de son contrat avec Virgin.
Entre temps, les faux frères Walker se reformeront le temps d'un hit (No Regrets, en 1975) suivi d'un album (Nite Flights, dont le titre éponyme figure brillamment repris, sur le Black Tie White Noise de Bowie). Les hommages et reprises ne manqueront pas, mais l'énumération serait trop longue ; il faut pourtant citer Julian Cope, à l'origine d'une compilation en 1981 et Marc Almond d'une autre en 1990 (Boychild, entrée en matière idéale pour néophyte à convaincre).
Depuis 1984, l'homme – un modèle de discrétion – est difficile à débusquer. Diverses collaborations (Eno, Lanois) sont évoquées, un album est même annoncé... lorsque, soudain, arrive la surprise de (petite) taille : un CD deux titres, fruit d'une improbable rencontre avec Goran Bregovic (auteur inspiré des BO du Temps des gitans et d'Arizona Dream).
Man from Reno et Indecent Sacrifice (tous deux extraits de la BO de Toxic Affair, comédie qui marque le retour à l'écran d'Isabelle Adjani sur fond d'échec commercial) nous restituent l'inimitable voix, calme mais sans une ride (Scott aura 50 ans l'an prochain), servie par une orchestration simple et pleine de charme. Le crooner a signé les textes. Et l'on se prend à rêver que ce petit objet soit le signe avant-coureur d'un véritable come-back…
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