C'est un jeune homme fougueux, prêt à en découdre, qui s'est élancé vers un piano de concert noyé sous des projections de motifs graphiques, mardi dernier à l'Archipel. Curieux Archipel, boulevard de Strasbourg à Paris, où l'on projette des films dans la journée et des images – parfois animées – sur des musiciens le soir...
Double plateau (avec Isabelle Mayereau) rimant parfois avec double public, Mathieu Rosaz ne fait pas les présentations : ceux et celles qui ne le connaissent pas, il va les prendre à la hussarde. Il affiche un air déterminé, doublé d'une certaine force intérieure. La voix est assurée, peut-être un peu plus grave, et l'acoustique est excellente qui nous la restitue claire et forte. Cintré dans une longue veste de velours noir doublée de mauve, il va donner en une quinzaine de titres un bel éventail de ce qu'il sait faire.
Il faut dire que Mathieu Rosaz est un homme de scène. C'est là qu'il déploie ses ailes, qu'il respire. Et la formule piano-solo lui va à merveille.
"Je suis un fils de famille / qui ne tient pas son rang". Son répertoire d'un soir est pour moitié pioché dans son dernier album La tête haute quitte à me la faire couper !. Avec l'aplomb de qui a ôté tous ses masques, il plante son regard dans les yeux des premiers rangs. "Je mets ma robe / Mon chapeau, des plumes, des paillettes / Si ça me botte / Je parais comme j'aime apparaître". Et pourtant, on est bien au-delà d'une gentille provocation ; Mathieu affiche la force tranquille de celui qui assume toutes ses différences et peut ainsi affronter tous les regards.
“Si je te disais / On s'en va / On s'enfuit / N'importe où / Loin d'ici". On se demande parfois ce qui nous pousse à sortir, à aller s'asseoir dans l'obscurité et à fixer quelqu'un qui, lui, est dans la lumière. En ce qui concerne Mathieu Rosaz, c'est une évidence, il fait partie de ceux que la lumière appelle. Et puis il y a ses chansons qu'on fredonne, qui ont rejoint un patrimoine imaginaire, futurs classiques que trop peu de gens connaissent...
Anniversaire oblige (12 ans que Barbara s'en est allée), après un très beau Vol de nuit, il nous offre un Nantes tout en émotion, dans le respect de l'original, ni trahison, ni copie conforme. La synthèse est réussie : Mathieu sait convoquer d'illustres fantômes pour mieux les tutoyer et surtout nous rappeller qu'une chanson n'existe que si elle est interprétée sur une scène. En rappel, il sortira ainsi de l'oubli où il dormait un titre du répertoire de Cora Vaucaire, Heureusement on ne s'aimait pas, choses graves dites sur un ton léger.
“Ils font la fête sans moi / Dans la maison d'à côté". Le piano tremble sous les coups martelés. La bouche s'éloigne du micro lorsque le ton monte et Mathieu baigne son beau visage dans les lumières, s'abandonnant un instant les yeux clos.
Vient le single Pour ne plus retomber dans ses nouveaux arrangements piano-voix. Et un dernier titre surprise. Comme un homme qui brûle de vous parler d'une rencontre amoureuse, il reprend C'est bon que tu sois là, écrit par Michel Berger pour un album de France Gall, occasion pour Mathieu d'annoncer la mise en chantier d'un spectacle de reprises des chansons de Berger pour 2010.
Il quitte la scène parce qu'il le faut bien et on se dit qu'il ne sera pas simple de lui succéder. Les premières parties peuvent s'avérer dangereuses... Pourtant, Isabelle Mayereau n'a pas l'air inquiète quand, après un court entracte, elle monte à son tour sur une scène vidée du grand piano noir et où l'attend sagement sa guitare. Et elle a mille fois raison : son charme opère immédiatement et on bascule moelleusement dans son univers, sans même s'en rendre compte.
A l'inverse de Mathieu qui se laisse regarder dans une séduction passive, Isabelle Mayereau scrute chaque visage, convainc de ses regards appuyés, de son beau sourire et surtout avec cette voix si particulière. Les mots sont choisis autant pour leur sonorité que pour leur sens. Ils semblent éclore entre ses lèvres, parfaitement détachés, tranquillement chuchotés.
Il est à nouveau question de Différence : "T'as pas les mêmes yeux / T'as pas les mêmes mots / Ta vie en couvre feu / Tu la vis en solo". Guitare inventive, impeccable. Connivence avec son public. Isabelle parle beaucoup entre les chansons, évoque ses voyages avec un humour irrésistible et on pense à Laurie Anderson...
Les titres s'enchaînent, liés par une sorte de concept créé pour inclure son nouvel album Hors-pistes à son répertoire et nous emmener loin, bien loin du boulevard de Strasbourg. Et les superbes images projetées derrière elle y sont certainement pour quelque chose.
Elle s'en va sur l'intemporel Tu m'écris, dernier titre avant rappel, repris sur son dernier album. “Et le temps passe comme ça / Douceur de papier soie".
N'auront manqué ce soir-là que quelques titres chantés en duo...
Merci Laurent. Merci pour ton regard !
RépondreSupprimerMR
Très bel éloge. Bravo
RépondreSupprimerPierre.