• le Maudit 1974-2024

“Le Maudit”
Véronique Sanson
Réédition 50e anniversaire
1er novembre 2024
 
Ah “Le Maudit”… 3e album studio de Véronique, il fête ses 50 ans ce 26 septembre et Warner Music, maison de disques historique de Véronique, proposera le 1er novembre une nécessaire réédition aux formats double vinyle et CD + Blu-ray, pré-commandable ici-même.
 

 
Premier album de ses “années américaines”, écrit, composé, enregistré et produit aux États-Unis par elle-même, “Le Maudit” est celui qui marque un tournant essentiel dans son inspiration (en ces temps sans portables, les paroles sont autant de messages personnels) mais c’est aussi et surtout un album qui recèle une incroyable richesse mélodique : on y embarque sur des sonorités latines (Alia Soûza), suivies de bons coups de blues (Christopher, Un peu plus de noir…), on a les doigts qui pianotent tout seuls (Cent fois) ou miment les Strat’ (On m’attend là-bas) – le tout toujours au cœur des tourments de Véronique. Une belle diversité qui n’empêche pas un sentiment d’unité à l’oreille, sans doute grâce aux f***ing good musicians qui l’entourent, “prêtés” pour l’occasion par son “vieux mari” Stephen Stills.


On en parle avec d’autant plus de trémolos dans la voix qu’on a eu droit à une expérience Dolby Atmos de toute beauté.
La première fois c’était en décembre 2021, dans le salon-studio construit au sein du QG de Warner Music à Paris. Ce jour-là il était question pour Véronique de donner son avis sur les options prises par l’ingénieur du son, Hubert Salou. Si elle était un peu déçue, c’est uniquement parce qu’elle pensait écouter l’intégralité du disque alors que seuls deux titres lui étaient proposés : Christopher – l’occasion de (re)découvrir les cordes et ce côté presque symphonique du titre – et On m’attend là-bas et ces guitares qui se répondent d’est en ouest. Pour le reste, elle était satisfaite : les options choisies étaient les bonnes.

Selfie by Chris.
 
Hubert Salou, Chris, Véro, David et Fabien de chez Warner Music et Vio.

La seconde fois, c’était le 18 juillet de cette année pour une écoute complète au studio Kashmir, celui de l’ingé-son. Le point stratégique (ou sweet spot) pour une écoute optimale se trouve à peu près au centre de la pièce et, étant arrivé un peu en avance, j’ai pu modestement m’y asseoir pour commencer l’écoute. Grande émotion, parfaitement inattendue de la part d’un album que je pensais connaître archi par cœur. Violaine n'a pas tardé et je lui ai bien sûr cédé la place, avant l’arrivée de Véro accompagnée de Christopher, un poil en retard pour cause de coinçage sur le périph. On a repris l’écoute du début et, sans sombrer dans trop de sentimentalisme, je me disais tranquillement que regarder Christopher, même de dos, écouter attentivement la chanson écrite sur lui par sa mère il y a 50 ans, était une expérience plutôt émouvante…

 
Véronique était très concentrée mais, pour elle, une chanson (comme on le dit d’une langue) est vivante et il lui manquait à l’oreille les arrangements qu’elle a pu écrire depuis en les interprétant sur scène. L’ingé-son expliquera le challenge, véritable numéro d’équilibriste : respecter l’enregistrement original tout en utilisant les moyens modernes de le faire sonner le mieux possible. Évidemment, peu de monde est équipé avec ce dispositif mais on nous a assuré qu’on le retrouvait tel quel dans les Airpods…

Dessin retrouvé chez Véronique

Attardons-nous un moment sur les bonus de cette réédition :
• Un nouveau remix d’On m’attend là-bas, disponible sur les plateformes dès le 25 octobre. Signé Fred Falke, on le trouve sous deux formats : club et edit.
• Un document inédit qui vaut le détour : la version originale d’On m’attend là-bas, ce fameux Patois noté partout sur les cahiers de Véronique ! Retrouvé sur une bande simplement annotée Concert Véro Québec Canada (Patois, L’irréparable…), il s’agit d’un titre que Véronique introduit ainsi sur scène, le 16 avril 1973 : “Écoutez je vais vous jouer une chanson à la guitare que j’ai faite avec mes amis musiciens et jouée hier soir à Québec… C’est la seule fois alors… mais c’est une bonne chanson vous allez voir… C’est en patois français : si vous ne comprenez pas les paroles, ça fait rien parce que c’est en patois. Le patois, c’est très bizarre, c’est normand… C’est en patois normand… Bizarre !” Lorsque, il y a quelques années, on lui a fait écouter pour la première fois, elle s’est bien marré : “Quelle escroque… !”
• Au rayon inédits (au pluriel), on trouve aussi 6 séances de travail en studio, courtes démos instrumentales enregistrées en juillet 1973 et conservées sur une bande non annotée. Elles concernent 3 titres au total : On m’attend là-bas, Ma musique s’en va (tentation bossa) et Un peu plus de noir
• Enfin, pour faire bonne mesure, ont été ajoutées la version alternative de Cent fois et celle d’Un peu plus de noir, ainsi que la magnifique version italienne du Maudit (1978) dont on peut lire les paroles ici.
Bref, du lourd.
Ah et bien sûr l’album a été remasterisé et la version Dolby Atmos figure sur un DVD Blu-ray inclus dans le digipack (tant de mots qui n’existaient pas en 1974…).
 
 
© Jean-Marie Périer, été 1972
 
Un mot sur la pochette : étant donné son côté iconique, il a été décidé – avec l’accord de Véronique – de garder les photos originales et ne changer que la couleur (bleu, au lieu de blanc). On ne saura sans doute jamais pourquoi ce sont deux photos de 1972 qui ont été choisies (front et back, comme on dit en français). On peut légitimement penser qu’en 1974, Véronique ayant peu séjourné en France (naissance de Christopher, enregistrement de l’album, sur les routes en tournée avec Stills et ses acolytes, puis préparation du Musicorama à l’Olympia), WEA n’a pas trouvé le temps d’organiser une séance photo. On peut aussi imaginer que la photo du front correspondait vraiment bien au sentiment de culpabilité traversant les chansons de l’album et présentait surtout une troublante similitude avec celle du back de l’album de Michel Berger, paru l’année précédente, l’explicite “Cœur brisé”.  
 
© Jean-Michel Hérin
 
On ne peut décemment pas terminer un papier sur “Le Maudit” sans rappeler la remarque d’un spectateur après un concert (à Lille, d’après le souvenir de Véronique) : “Qu’est-ce que vous voulez dire quand vous chantez Mais le facteur écrase la taupe dans Le Maudit ?”. Authentique.
 
Et laissons le dernier mot à Michel Berger (le 6 octobre 1990, dans l’émission télé Étoile Palace) : “Mon métier – si on peut appeler ça un métier – c'est d’écrire des chansons et je voudrais dire que Le Maudit c’est une des plus belles chansons qui ont jamais été écrites et voilà... je voulais juste le dire.” Insurpassable.
 
PS. En complément de cet article, on a signé avec Yann un texte le plus complet possible sur l’album qui a été intégré dans la version CD et vinyle de cette rééditon.