• Bastien Lucas et Julie Rousseau | 2022

 

Bastien Lucas et Julie Rousseau,
Toute une vie sans se voir,

17 décembre 2022


S’attaquer au répertoire Sanson-Berger en piano(s)-voix, imaginer un spectacle de leurs chansons entremêlées, oser afficher leur correspondance… Le type même du concept archi casse-gueule, abyssal défi auquel Bastien Lucas et Julie Rousseau ont choisi de se confronter. Avec respect, émotion et surtout zéro caricature. 
 
Tout en habileté et finesse, ils prêtent leurs traits et leur énergie au couple formé par Véronique et Michel au début des années 70. Julie est passionnée et volontaire. Bastien est plein de charme et de second degré. Leurs sourires et leurs regards trahissent des années d’amitié.  
 

 
On évite instantanément l’écueil mental que serait la comparaison de leurs interprétations face aux versions originales d’autant plus facilement qu’ils impriment d’emblée leur patte sur des chansons qu’on connaît pourtant par cœur (reprises trois fois par jour sur YouTube pour le meilleur et pour le pire) : une certaine façon de s’arrêter sur un mot, d’en esquiver un autre, d’alterner les rôles, de faire le choriste dans l’ombre quand le partenaire est dans la lumière, d’oser des bruitages avec la bouche (formidable Fais attention à mon amour) ou encore de fredonner les dernières notes de piano d’une chanson jusqu’à glisser subtilement dans la suivante (intro de Ma musique s’en va si ma mémoire est bonne). Sans oublier une grande prise de liberté dans le jeu de piano et les harmonies pour offrir une relecture très travaillée de certains titres – on va jusqu’à entendre du Bach chez Sanson-Berger ! Je ne connais pas bien leurs parcours respectifs, sais juste qu’ils vivent de et pour la musique H24 (et qu’ils touchent leur bille au piano), mais on est très vite comme chez soi dans leur univers, tout en imaginant l’œil bienveillant de leurs illustres aînés. 
 

Illustres aînés dont l’histoire est loin d’être ordinaire, même si elle n’est pas encore tout à fait un mythe (laissons les “couples mythiques” et autres “chansons cultes” à RTL quand on y évoque Stone et Charden). C’est peut-être pourquoi ils ont choisi de superposer celui d’Orphée et Eurydice au romanesque destin de nos chanteurs pop. Séparation, descente aux Enfers, malédiction, départ irrémédiable… Le conte est bon.

Si, dans la salle, on a l’impression de faire partie d’une secte (celle des initiés aux secrets de cette histoire), cette correspondance par chansons interposées n’est pas non plus une légende, n’en déplaise aux réécriveurs d’histoire et autres acharnés de la propagande Gall-Berger über alles. On ne parle ici ni de théories d’amour de substitution ni d’adultère fantasmé mais de quelque chose de bien plus poétique, qui d’ailleurs n’aurait sans doute pas fait long feu face aux ennemis (l’habitude, le temps qui passe…) mais a (bien) nourri ce qu’il convient d’appeler une œuvre. 
 

Comme l’a rappelé le propriétaire de la salle, d’annulations en reports, le spectacle a failli porter un nom prédestiné. Souhaitons lui maintenant longue vie dans de grandes salles avec de beaux éclairages. Le Forum Léo Ferré d’Ivy sur Seine est certes convivial mais tient du mouchoir de poche. Entre le grand piano noir et le petit piano droit, les deux musiciens-acteurs étaient un peu à l’étroit – contraste total (pour l’anecdote) avec la Seine Musicale et ses 3000 projecteurs (re)vus la veille chez Starmania en ce qui me concerne ;-)
 
Ajoutons, pour finir, que je pense pouvoir affirmer que Véronique aurait été émue et fière à Ivry ce samedi soir…
 


NB. Nulle faute dans le choix des chansons, il avait été travaillé en amont avec mon camarade en véronicologie, Yann Morvan, ami de longue date de Julie, et responsable d’une analyse de cette correspondance en chansons à lire ici.
 
Update juillet 2023 : ce spectacle sera joué du 7 septembre 8 octobre du jeudi au dimanche au Studio Hébertot à Paris ! Chronique à lire ici

2 commentaires:

  1. Voilà un très beau résumé de cette soirée tant attendue. Magnifique moment où le son des voix et des pianos se sont mêlés. Oui ce spectacle mérite d’aller loin, très loin et bien sûr, dans une plus grande salle

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  2. 100% d’accord avec le compte-rendu de Laurent. J’ajouterai pour ma part que l’émotion est au rendez-vous, et que plus d’une fois au cours de la représentation, ma gorge s’est serrée et les larmes me sont montées aux yeux. J’ai déjà hâte de revoir ce concert dans une salle plus adaptée, avec deux vrais beaux grands pianos et des banquettes plus solides 😉
    des lumières plus travaillées et des sièges plus confortables pour les spectateurs.

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