• "Alcaline" spécial Véronique Sanson | 2014


Le Trianon, Paris 
15 décembre 2014

Un lundi après-midi vers 16 h 30. On échappe aux revendeurs de parfums à la sauvette du boulevard Rochechouart pour s’engouffrer dans le Trianon, oasis de musique où s'activent techniciens, roadies et assistants dans un sympathique décor de câbles et de caissons. Direction la loge de Véronique, dans les sous-sols. Une vague odeur de salpêtre flotte dans l’escalier recouvert de moquette verte et l’on passe devant la régie d’où s’échappent des voix anglo-saxonnes : Charlie Winston est sur le plateau, il répète Like a hobo. Les portes restant ouvertes, on aura l’occasion d’entendre plusieurs prises, toutes meilleures les unes que les autres. 

L’équipe de l’émission vient se présenter – tout comme elle viendra saluer après l’enregistrement. Drôlement sympa et ils ont tous l’air très fans de Véronique… Leur journée est plutôt bien remplie : trois émissions à mettre en boite (Ibrahim Maalouf et Oxmo Puccino, Charlie Winston donc et Véronique pour la bonne bouche). Alors qu’elle est en phase de coiffage/maquillage, on vient lui demander dans quel ordre elle veut interpréter ses trois titres. Sans hésiter, elle répond qu’elle veut terminer par On m’attend là-bas et commencer par Full tilt frog.

Une fois changée (gilet en cuir noir sur tee-shirt coloré, le tout sur un tee-shirt noir à manches longues), elle quitte la loge. L’escalier est étroit, on a l’impression d'une procession. Derrière Véronique : Kanou, l’attachée de presse, la maquilleuse et le jeune coiffeur. On ferme le ban. 
Deux étages au-dessus, dans une petite pièce bien chauffée par les projos, elle prend place sur une méridienne pour les essais lumière. On ne peut pas dire que ce soit très confortable, à moins peut-être d’y allonger les jambes – ce que bien sûr elle s’empresse de tester ;-) avant qu’un assistant parte en quête d’un coussin qu’elle pourra se glisser dans le dos. 
On veut nous équiper de casque et, n’ayant jamais vu l'émission, je ne comprends pas tout de suite pourquoi. Il s’agit du côté En aparté d’Alcaline : Laurent Thessier, qui va interviewer Véronique, se trouve dans une autre pièce et elle répondra à ses questions, équipée d’une petite oreillette et d’un micro – le tout caché dans le col de son tee-shirt. 

Belle surprise, les premières questions révèlent une évidence : le livre Véronique Sanson, les années américaines est déjà parvenu jusqu’ici – du moins sa version photocopiée puisque les exemplaires imprimés n’arriveront chez l’éditeur que le 5 janvier. Confirmation au bout de quelques minutes dans la voix du journaliste qui prononce même le nom des auteurs (on sursaute intérieurement sous son casque). D’où des questions plutôt pointues et surtout des dates et des événements dans le bon ordre  : on n’est pas à C à vous ici ;-)


Véronique est à l’aise. Une télé aujourd'hui, cela revient souvent pour un invité à tenter d’exister entre deux chroniqueurs, à n'avoir d’autre recours que d’entrer en compétition avec eux – ce qu’on appelle être un « bon client ». Ici, elle apprécie le fait de prendre son temps pour répondre, chercher la formulation la plus proche de ce qu’elle veut exprimer. Une question bien tournée et elle n’est pas loin de raconter l’histoire de cette Sad limousine, avant de se reprendre en arguant que tout est dans le texte. Parfois, elle hésite sur une date, lève les yeux pour s’assurer qu’elle a raison. Juste en face d’elle, derrière le cameraman, d’un hochement de tête ou d’un chiffre fait avec les doigts de la main, on lui confirme que finalement, elle n’est pas si nulle que ça en date (elle annoncera même spontanément l’année 1982 pour le tournage de Room Service, alors que ce n'était pas facile !). [Le sujet sur le cinéma ne sera pas retenu au montage.]
Cette façon de sourire, le bras sur l’accoudoir de la méridienne, la tête un peu penchée… À certains moments, on jurerait voir bouger devant soi la photo en couverture du 45 tours How many lies… 

Il y a des questions pour elle sur le moniteur. Un des auteurs du livre, celui qui vit maintenant au Mexique, filmé au bord du Pacifique au petit matin. Véronique n’en revient pas, pointe l’écran du doigt : « C'est Yann ! ». Son sourire s'élargit lorsqu’il lui dit qu’il joue de vieux blues dans des boites, qu’elle « adorerait ça ». Viendrait-elle le voir sur sa plage abandonnée ? En chemin vers la Californie de son fils et ses petites-filles, pourquoi pas… [non conservé au montage]
La seconde intervention l’émeut sincèrement (Nathalie Dessay demandant des conseils pour sa fille). Ce n’est pas tant la question posée que le fait que cette cantatrice que Véronique admire s’adresse à elle. 

À la fin de l'interview, le photographe à la taille impressionnante qui évolue sur le plateau a droit à une minutepas plus ! – pour immortaliser la chanteuse sur la méridienne. En même temps que la jeune fille qui filme, photographie et poste en direct sur les comptes twitter et facebook de l'émission, on profite lâchement de l’instant pour en faire autant. Pas notre meilleure idée : le photographe nous demande légitimement de nous arrêter…


Sortie de plateau : Véronique se fraye un passage parmi les paravents pour revenir vers nous et se diriger vers cette pièce remplie d’instruments de musique. Elle y accède par une tenture de tissu noir. La régie n’est pas loin, Laurent Thessier non plus, et on le regarde en direct lui poser quelques questions, avant de lui offrir l’imposant cadeau avec lequel elle ressortira en écartant le même rideau noir. 

L’après-midi ressemble à un jeu de piste : c’est maintenant à l’étage au-dessous que l’attend la suite des événements, le live, dans la salle de spectacle du Trianon qui offre un spectacle plutôt inhabituel : un podium rond est installé là où s’assoient d’ordinaire les spectateurs, la scène étant occupée par la régie et le « promptologue » (Véro dixit !). Mehdi, Rycko, Dodo, Basilou, Lolo et Franck sont en place. Ils ont déjà répété. Un peu plus tôt dans l’après-midi, on a même cru entendre s’échapper de l’endroit un petit Shaft des familles avec Rycko dans le rôle d’Isaac Hayes…


Le clap-man s’affaire sur le plateau. Pour chaque titre, une balance, un réglage lumières et 2-3 prises, entrecoupé des ballets de retouches maquillage-coiffage. Un traveling dessine un arc de cercle devant le podium, inlassablement poussé et tiré par un technicien. On a hâte de voir le rendu sur écran, les musiciens comme satellisés autour de l’astre au piano…


Silence plateau, ça tourne ! Pour le premier titre, Full tilt frog, la 2e prise sera franchement magique : Véronique chante comme s’il y avait 2 000 personnes dans la salle !  
Puis, lors d’un réglage qui dure un peu plus longtemps que prévu, lui revient sans doute à l’esprit la deuxième partie de la question de Yann (ferait-elle une reprise de Randy Newman sur scène ?) puisqu’on la surprend à jouer en douce un extrait de God’s Song (That's Why I Love Mankind) !  


Le temps que les techniciens descendent le piano de la scène improvisée, Véronique s’offre une pause cigarette sur le côté. Courte, la pause : il est question d’enchaîner avec Bernard’s song. Les arrangements ne sont pas les mêmes que lors de la dernière tournée, un esprit « année américaine » semble déjà se dégager et, en l'absence des cuivres, Véronique et les choristes chanteront leur partition. 
Puis vient On m’attend là-bas. Mon voisin moustachu lâche « Quand Basile joue la bouche ouverte, c’est que c’est du bon ! » et il n’a pas tort : il est tout bonnement en train de dynamiter le morceau. 


Il se fait tard, l’émission est en boîte et un certain sentiment de travail bougrement bien fait domine. Le mot de la fin à un des Alcaliniens, dans la loge : « Vous revenez quand vous voulez, vous avez votre rond de serviette ici ». Véronique répondra d'un sourire, l’expression lui plaît bien.

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