• Véronique Sanson | 2012

Théâtre St-Denis, Montréal  
1er juin 2012 

On y croit à peine soi-même et pourtant les faits sont là, irréfutables : on la suivrait jusqu'au bout du (Nouveau) monde, même pour un concert unique ! 
À 6 000 km et des poussières de Paris, en ce milieu d'après-midi de mai, on pose pour la première fois le pied sur ce sol qui l’a accueillie dès ses débuts, lui donnant d'emblée un statut de chanteuse pop-rock puisque, de ce côté-ci de l'Atlantique, la notion de variété n'existe pas.

La préposée aux douanes s'étonne du peu de temps qu'on vient passer à Montréal. Dehors, on laisse le soleil lécher une peau glacée par la clim' de l'avion. Sur la plaque minéralogique devant nous, comme sur toutes celles que l'on croisera, ce fameux "Je me souviens" que Véronique connaît par cœur ("Je me souviens / Que né sous le lys / Je croîs sous la rose").  Le Québec est peuplé d'irréductibles, de gens qui se battent tous les jours pour conserver leur identité.  

Depuis quelques jours, ici, Véronique est un peu partout (radios, télés, presse), entre les concerts de casseroles des étudiants et les aventures du dépeceur local dont on ne sait pas encore qu'il s'est réfugié en France…

15 h 30, le lendemain, rue Saint-Denis (rien à voir avec son homonyme parisien). Un couple arborant des tee-shirts merchandising d'anciennes tournées passe devant le théâtre.
À l'intérieur, Véronique et ses musiciens répètent pratiquement tous les titres, certains dans leur intégralité. La salle est vide, l'acoustique magnifique.  
Vers 17 h 30, pile à l'heure prévue, arrive Grégory Charles, répétiteur de Star Académie invité par Véronique en février dernier à la rejoindre sur scène ce soir. L'homme, énorme star au Québec, est un modèle d'humilité. Le morceau, déjà choisi, est Bernard's song. Installé au piano, il propose aux musiciens de jouer, annonce qu'il s'intégrera du mieux qu'il pourra - ce qu'il fait avec une jolie décontraction, remplaçant au passage les "il" en "je" : Bernard, ce sera lui !
Vient la fin du titre et son impayable clin d'œil à Johnny. Grégory Charles improvise, jazzifie, met à sa sauce : "Il n'est de nu-nu-nu-nu-nu-nu-nu-nulle". Véronique lui répond. Quel bonheur de les voir rebondir, trouver de nouvelles pirouettes vocales ! Allez, on la refait pour la forme. "Ça vous va ?", demande Grégory à l'entour. Véronique est contente : "Oui, ça sonne super bien !".
La balance suit son cours, dans l'ordre, jusqu'aux titres piano solo que Véronique joue, comme souvent dans ces cas-là, à très grande vitesse, suivie au plus près par le redoutable Franck Sitbon aux claviers (qu'elle présentera plus tard sur scène d'un "Je vais prendre des cours avec lui").

Leur succède Titou, jusque-là sagement assis sur un côté de la scène, cheveux plus longs, raie au milieu, lunettes de vue. Christopher Stills, inconcevable énigme du rock : un talent inouï – pierre précieuse aujourd'hui polie par l'expérience de la scène – une sensibilité qui lui fait chercher à chaque concert toujours plus haut, toujours plus loin la grâce d'une harmonie de voix, le toucher de piano ou l'accord de guitare qui feront la différence, qui surprendront… et toujours pas de vraie reconnaissance publique. Où sont les médias ?
On sort de la salle pour aller saluer, à 100 mètres de là, les fondatrices de SansonQuébec qui reçoivent dans une salle du Saint-Sulpice, resto-bar légendaire du quartier. On y croise Michel Dion
, bassiste du Ville Émard Blues Band, ému d'avoir visionné le dvd du fameux concert de Longueil dans lequel il jouait avec Véronique il y a presque 40 ans ! 

Retour au théâtre, qui se remplit à vue d'œil. Le noir se fait et la voix de Véronique retentit, qui présente Christopher en concluant "Et puis si vous n'aimez pas ça, on en reparle tout à l'heure. Je vous embrasse." ;-)
Sa guitare verte en bandoulière, il vient se planter au-devant de la scène pour balancer God won't make you a man, mise en bouche musclée, avant de présenter un nouveau titre, I'm still in love with you à la mélodie subtile dans laquelle revient régulièrement un beau leitmotiv ("in the meantime"). 
Petit problème avec ses oreillettes : il finit par les retirer. "I hate these f***ing things". 
"En freinssé !", lui répond une voix féminine dans la salle. Qu'à cela ne tienne, le beau gosse bilingue dit quelques mots dans la langue de sa mère et s'assoit au piano pour ce qui à ce jour peut être considéré comme son chef-d'œuvre absolu, Don't be afraid, dans une sublime version qui mériterait d'être gravée sur CD et qu'on peut écouter ici, avant de terminer par Say my last goodbye, que le public reconnaît et applaudit en rythme dans les refrains.
Quatre titres seulement et Christopher a réussi à mettre 2 200 personnes dans sa poche !

Quelques minutes d'entracte, pas suffisantes pour rejoindre le bar, et la salle, bien chauffée, réclame "Véro, Véro !", juste avant qu'elle ne déboule sur scène sur l'intro de Je me fous de tout, bras levé, voix forte. L'ordre des chansons sera celui du dvd (sorti en début de semaine sur place). Le bonus – incommensurable et qui justifiera toujours les kilomètres parcourus –, c'est bien sûr le fait de vivre le concert avec nos yeux à nous pour caméra (qui se posent, libres, là où bon leur semblent), avec ce son qui traverse le corps, avec cette voix qui le fait vibrer, qui atteint le cœur : pour chaque chanson, autant de versions différentes que de concerts vécus.

Curiosité : noter les titres auxquels le public de Montréal réagira le plus. P
ar exemple, Sans regrets, salué par une belle salve d'applaudissements – moins nombreux bien sûr que pour Chanson sur ma drôle de vie ou Vancouver. Sans parler de l'accueil fait au duo avec Grégory Charles, qui se glisse derrière le piano, tout de blanc vêtu, pendant que Véronique attaque le premier couplet de Bernard's song, et qui se prosternera devant elle à la fin de leur duo. Applaudimètre explosé !  
Des voisins réclameront jusqu'au bout Quelques mots d'amour, même lorsqu'on leur aura expliqué qu'il est hautement improbable qu'ils y aient droit… Mais le gagnant du palmarès sera sans conteste Amoureuse (dans une belle et rapide version), couronné d’une standing ovation. On est en Amérique du Nord et on se demande si un certain public ne se contenterait pas finalement d'un prestigieux best of, suite de golds (Vancouver, Besoin de personne, Une nuit sur sur son épaule, Ma révérence…) enchaînés par une star française qui viendrait périodiquement relever les compteurs à l'étranger… Ce serait mal connaître Véronique, bien vivante, qui écrit et compose (et bouge !) encore – et entend bien présenter ses nouveaux titres sur scène comme elle l'a toujours fait. Le public (parmi lesquels on devine pourtant de nombreux fidèles) semblera presque découvrir les titres de Plusieurs lunes : raison de plus pour les leur jouer !

Revenons à Véronique, qui sourit, bouge, heureuse sur scène, cet endroit où on lui "fiche une paix royale". On ne l'apprendra qu'après, mais ses Ears (ces fameuses oreillettes, qui ne remplaceront jamais les bonnes vieilles enceintes) ne lui donnent aucun confort de retour et du coup,
elle ne peut pas toujours lancer sa voix autant qu'elle le souhaiterait : pas assez de retour piano, ni de retour voix. Rétrospectivement, on lui tire son chapeau d’en laisser paraître le moins possible…
On quitte son siège pour s'approcher de la scène, pensant suivre, voire initier un mouvement. Pas vraiment… En revanche, on ne peut s'empêcher de remarquer au tout premier rang, au milieu de gens bien vivants et contents d'être là, ce qui semble être un fils et son père, tous deux jambes croisées, sans un sourire, sans un applaudissement. Ils s'éclipseront à la dernière note de La nuit se fait attendre. Merci messieurs d'avoir libéré les deux meilleures places de la salle ! À nous la présentation des musiciens et les titres piano solo en gros plan ! Par contre, on se fera bien sûr repérer caméra au poing par la chanteuse qui nous tirera discrètement la langue ;-)
(Petit montage vidéo ici.)

Backstage, c'est un peu la rigueur allemande : il ne faut pas mélanger les invités production à ceux qui ont gagné un accès à la loge de Véronique suite à un concours radio (dont elle n'a jamais entendu parler). Certains doivent même décliner leur identité avant d'entrer. Mais une fois sur place, tout va bien et l'on croise les musiciens qui se préparent (déjà) à partir, Gilles Valiquette, Michel Dion se faisant dédicacer sur son dos la carte promo du livre des SansonQuébec par Véronique (elle s'y dessinera un petit chapeau), les filles de SansonQuébec justement – avec sous le bras les épreuves de leur ouvrage à paraître – et bien sûr Christopher, qu'on voit prendre la dite carte promo de ce fameux livre en photo avec son iPhone. Véronique est dans une forme incroyable. Elle raconte, partage, pose, donne de son temps à chacun. Et surtout sourit de ce sourire si généreux…

3 commentaires:

  1. Merci Laurent pour ce magnifique compte-rendu, on s'y croirait presque (... et on regrette d'autant plus de ne pas avoir pu faire le voyage)!

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  2. Merci Laurent!
    Des souvenirs impérissables.

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