REM VERS DE NOUVELLES AVENTURES
publié le 11 octobre 1996 dans Le Quotidien de Paris
Après une tournée au long cours émaillée de sérieux problèmes de santé, les quatre Américains de REM sont de retour plus tôt que prévu. New Adventures in the hi fi, bel album-renaissance, témoigne tant du chemin parcouru que de leur joie simple de prouver qu'ils sont vivants.
On peu déplorer le fait que l'actualité nous oblige à parler gros sous dans une colonne Musique. Néanmoins les faits sont là : Warner triomphant annonçait il y a peu, qu'ayant surenchéri aux sirènes cousues d'or de ses concurrents, il gardait ses poulains en déboursant - il est vrai - la coquette somme de 80 millions de dollars, accordée à titre d'avance sur un contrat pour 7 albums à venir. Précédent record (Janet Jackson) battu. Rideau sur l'info financière.
L'autre actualité de REM, plus passionnante, consiste en la sortie de New Adventures in the hi fi (numéro un en Grande-Bretagne), précédé d'E-Bow the Letter, single mélancolique et linéaire.
Mi-vrai nouvel album, mi-faux live studio, ces nouvelles aventures ont vu le jour sur la route, lors de l'interminable tournée Monster. Accouchés dans l'attente des soundchecks, ajoutés au fur et à mesure sur des tracklistings variables, rodés chaque soir face à un public différent, ces nouveaux titres ne ressemblent pas pour autant à un journal de bord (Road Movie, film vidéo de la tournée, remplissant parfaitement cette fonction). Michael Stipe, tête lunaire pensante des REM, qui regarde le monde à travers ses yeux trop pâles, derrière le rideau de ses cils trop longs, en a écrit – comme à son habitude – tous les textes.
« Je n'ai jamais été amoureux »
Authentique témoin de génération, l'homme se débarrasse de ses tourments intérieurs de façon quasi impudique, décortiquant habitudes, sentiments ou rêves sans affectation, l'air de ne pas y toucher. Et la plupart du temps avec un humour vaguement cynique, ce qui pourrait nous faire regretter l'absence des textes sur la pochette. Mais on comprendra aisément qu'il n'ait pas envie de se livrer au périlleux exercice de l'explication de texte avec les journalistes de la planète. Surtout depuis qu'il a déclaré, façon gentille provoc' à un magazine anglais : « Je connais mes inclinaisons sexuelles depuis que j'ai 15 ans. Elle sont plutôt larges. Je suis un coureur qui ne fait pas de discrimination. […] Je n'ai jamais été amoureux, mais j'ai une sorte d'amour global de la vie et, avec un peu de chance, je tombe amoureux de la plupart des gens que je rencontre. »
C'est avec des titres comme Losing my religion ou Everybody Hurts que REM est passé su statut de groupe qui vend honnêtement à celui d'un des rares groupes multimillionnaires du disque. Et toute leur histoire est l'histoire de ces trois hommes curieusement acoquinés à cet éternel adolexcent fin de siècle.
Quinze ans que l'alchimie fonctionne et les récents problèmes de santé des uns sont devenus la priorité des autres, comme dans une vraie famille : outre une opération abdominale pour le bassiste et l'ablation d'une hernie pour le chanteur, la dernière tournée aura vu le batteur victime d'une rupture d'anévrisme. « Cela fait quelque chose d'approcher la mort de près, ou de voir un ami proche subir cette exepérience, admet Michael Stipe. ça remet les choses en place. Votre travail et son utilité reprennent une vraie valeur. »
« Notre meilleur album »
Remis sur pied deux mois plus tard, le batteur déborde d'une énergie communicative. Du coup, ce nouvel album rassemble l'essence de REM, cette capacité à écrire des chansons propres à séduire les fondus de MTV comme les lecteurs des Inrockuptibles, une sorte d'échantillonnage, un best of fait de nouvelles compositions.
Du piano exotico-jazz de How the West has won and how it got us à un rock quasi cacophonique (Leave) en passant par des textures plus proches d'Automatic for the People (New Test Leper), sans oublier la magie du single E-Bow the Letter, qui voit Patti Smith hanter les refrains de son timbre à la gravité si particulière (le titre faisant référence à une lettre jamais envoyée par le chanteur et à un effet de guitare que les spécialistes reconnaîtront sur le morceau).
Seul fil rouge, l'accent traînant de Michael Stipe et ses textes à la première personne du singulier. « Notre meilleur album », proclament-ils. Et on n'est pas loin de les croire…
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