• Jeanne Cherhal / Véronique Sanson | 2015

Les Nuits de Fourvière 
4 juillet 2015

© Christian Meilhan
 
Il est 15 heures sur le site du parc archéologique de Fourvière. Quelques touristes errent dans le Grand Théâtre. L’air vibre d’une chaleur caniculaire. La pierre des gradins, deux fois millénaire, brûle sous les doigts. Aux pieds de la scène, ce ne sont pas de simples touristes qui se sont approchés aux premières notes d’Alia Soûza, mais des têtes déjà bien souvent croisées… C’est l’heure de la balance pour Véronique et ses musiciens, derrière une vaste tenture noire. Pas certain que ça empêche d’aucuns de photographier ou de filmer… En tous cas, le plus sûr moyen d’étouffer !
Un ventilateur tente d’ailleurs de maintenir la température de la console en-dessous des fatals 62°… En vain : elle rendra l’âme dans l’après-midi et devra être remplacée fissa avant les concerts.

Répétition de l’entrée en scène sur Vancouver, de Toi et moi, deux-trois choses à régler puis nous parviennent quelques notes de C’est long, c’est court… Un bonus ? “Non, je voulais voir si je la savais encore” avouera Véronique plus tard dans sa loge. 

L’organisation du lieu est vraiment bien faite. Après les balances de Jeanne Cherhal, on demande poliment à tout le monde d’évacuer le site, pour mieux revenir au moment propice. La file d’attente commence tout juste au dehors. D’un côté le public, debout, protégé du soleil par une toile banche, de l'autre les invités sur quelques chaises à l’ombre. Et à 18 h 30, tout le monde dedans ! On nous distribue les traditionnels coussins verts en plastique, qui se révèleront redoutablement dangereux à la fin du show… 

20 heures. Mine de rien, on est ravi de revoir Jeanne Cherhal sur scène, après cette Fête de la musique France Inter à l’Olympia l’année dernière (où elle avait déjà joué en compagnie d’un orchestre classique). Elle n’est ni une fille spirituelle de Véronique, ni une Sanson wannabe. Il n’y a pas plus de passage de relais que de compétition. Pas même une qui ouvre pour l’autre : ce sont bien deux concerts successifs. Mais les voir toutes les deux le même soir fait inévitablement ressortir leurs points communs sur scène : même envie de partager leur bonheur d’être là, même reconnaissance admirative envers leurs musiciens, même amour infini de la musique (et de l’instrument à touches blanches et noires en particulier), même audace dans la pitrerie aussiDeux belles musiciennes, deux petites filles dans des corps de femmes.

“Je suis comme une dingue !” annonce Jeanne Cherhal au micro, précisant qu’elle réalise un triple rêve : rejouer à “Fourfour” (comme elle dit), ouvrir pour sa chanteuse française préférée et être accompagnée d’un orchestre cordes/cuivres. Elle arrive pratiquement au terme de sa longue tournée avec l’album Histoire de J et, après avoir vu sa prestation et même si on sait que le marché du disque n'est plus tout à fait en fleurs, on ira lui dire qu’il serait un peu temps de songer à réaliser un DVD live ! 

Le mariage entre les cordes et les cuivres du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon avec ses excellents musiciens à elle fonctionne bien – même si ces derniers ont parfois le dessus d’après une spectatrice qui criera “C’est trop fort !” entre deux titres. Les arrangements sont tels (du niveau de ce qu’on a pu entendre chez Divine Comedy, par exemple) qu’on se surprendra à frissonner au moins à trois reprises – ce qu’on ne peut décemment pas attribuer au climat…  
Devant le public, Jeanne ose tout. Comme chanter debout face au public Cheval de feu et son texte si évocateur qu’on peut voir défiler de drôles d’images dans les yeux des dames du public, ou bien faire un “cardio” (c’est elle qui le dit) sur l’opportun Canicule, version plutôt musclée. 
À l’issue d’un sondage pour savoir si l’on préfère une chanson grivoise ou bien un titre de son répertoire plus ancien, elle nous traite de « coquinous » mais choisit son épatante mise à jour de la chanson de Colette Renard, Les nuits d’une demoiselle 2.0, qui déclenche des éclats de rire un peu partout – et quelques interrogations chez les plus jeunes… Les filles de l’orchestre rient franchement, tout comme elles se dévisseront la tête, à la fois sur scène et pourtant spectatrices, pour ne rater aucun mouvement des chorégraphies de l’artiste. 

On peut voir la captation Culturebox d’un concert datant d’avril 2014 ici.


Une fois le set terminé, un petit coup d’œil circulaire dans les gradins bien remplis permet de repérer en haut à gauche un Julien [Tricard] et sa charmante moitié, venus sans mot dire faire une surprise à Véro…

On boit encore quelques hectolitres d’eau et hop, changement de décor : exit les pupitres, bienvenue aux podiums lightshow et au piano à droite ! Welcome les années américaines !

© Laurent Calut

La nuit se fait encore attendre lorsque Véronique entre en scène. Pour l’accueillir, on retrouve instantanément une ovation semblable à celle reçue par Jeanne Cherhal, venue d’un public totalement musico-compatible qui sait même applaudir sur les “avec des rires et des bravos”. Show entier ce soir (contrairement à la version allégée attendue la semaine suivante aux Francos), un défi de plus pour celle qui n’est pas du genre à envisager les choses à l’économie sous prétexte qu’il fait un peu chaud. Enfiler un pantalon de cuir et danser sous des projecteurs… ce soir, il faut vraiment aimer son métier… ! Et ça tombe plutôt bien puisque la scène, c'est son terrain de jeu, son espace de liberté. Vaillante, une fois de plus, elle donnera tout, ne cédant à l’ennemi que le temps du Maudit (“C’est la première fois que ça m’arrive, un coup de chaud pareil…”) alors même que le reste du concert sera une incroyable fête.         
Très vite, le théâtre antique n’est plus qu’une immense chorale, « sa » chorale – peut-être uniquement silencieuse sur Je me suis tellement manquée, clouée par une implacable version. 

© Laurent Calut

Sur certains titres, les lumières illuminent les tous premiers rangs seulement, donnant à l’ensemble un petit côté Rencontres du 3e type, pas désagréable du tout. 

© Christian Meilhan

Sur Besoin de personne, Jeanne repointe son minois pour un joli moment, ponctué par Véronique d’un “I love you, hein ?!”.  

© Laurent Calut

Rycko n’est pas oublié au moment de la présentation des musiciens puisque Véronique appelle Mehdi “Éric F…” avant de rebondir avec ces noms fantaisistes dont elle a le secret : “Robert Machalou” pour Mehdi, puis, se tournant vers Guillaume : “Marinette Tapautour” !
Dominique Bertram, “le meilleur bassiste du monde, de l'univers, du cosmos”, est sommé de nous le démontrer (“Make me dance!”) et s’exécute avec le sourire. 
Pour la fin de Drôle de vie, Véronique ne rejoint pas son piano et chante les dernières notes au micro, entre Guillaume et Mehdi. Tout aussi efficace !


© Laurent Calut

Et c’est sur Paranoïa que commencent les fameux lancers de coussins. Tradition dangereuse étant donné le fait que la matière plastique peut être particulièrement tranchante dans les angles (cf. le premier reçu, pile dans l’œil droit !). 
Pendant qu’on se protège des prochains assauts, on jette un œil (le gauche, donc – en même temps, autant jeter le droit, inutilisable pour un moment) sur scène où Véronique avance pour saluer, inconsciente du danger qui ne sera peut-être pas doux. Franck Sitbon, juste à sa gauche, place ses mains devant son visage pour éviter le pire… Les coussins continuent de pleuvoir et certains musiciens font des retours à l’envoyeur. Yannick Soccal feint même de balancer son sax dans la foule en guise de représailles !  

© Christian Meilhan

Véronique quitte de nouveau la scène après un homérique On m’attend là-bas, claudiquant comme en général à ce stade du concert, à cause de “quelque chose qui bouge” dans sa chaussure (aujourd'hui, un petit scorpion !). Dernier rappel : le très attendu tryptique Amoureuse, Ma révérence et Bahia, un peu de tendresse dans ce monde de brutes. Et tout le bonheur reçu ce soir qui rejaillit dans ses sourires… 

Pendant que les gradins se vident dans le calme, des jeunes gens ramassent et empilent déjà les coussins pour de futurs lancers… On retrouve Julien. C’est bien beau de vouloir faire une surprise mais il s’agirait de ne pas oublier son pass : neveu de Véronique ou pas, la sécurité ne veut rien entendre et il devra attendre l’arrivée d’un fameux sauveur à moustache…
En l’attendant, on papote avec Michael Hernandez et Ariane, puis, enfin réunis, on passe un bon moment avec Jeanne Cherhal avant de tous descendre d’un étage jusqu’à la loge de Véronique. Dans l’étroit couloir, on se fait doubler par un technicien sortant des douches, une serviette autour des reins, sourire aux lèvres : “Qu’est-ce que vous faites dans ma chambre ?”. 
Il fait toujours un peu tiède et personne ne s’attarde dans la loge. Les régisseurs viennent dire au revoir, règlent les derniers détails pour le prochain show. On ramasse les sacs, les valises et les bouquets de fleurs. C’est l’heure de la “remballe”.  
De retour à l’air libre, au-dessus de cet étonnant décor camouflage, Véronique remarque tout de suite la lune qui, bien que “française”, n'en est pas moins de dimension respectable [elle était pleine quelques jours auparavant]…


Également sur YT, une vidéo avec des extraits des deux concerts ici

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