Véronique (Tom Volf, 2025)
Festival du Film d’Angoulême
29 août 2025
On nous annonçait Angoulême sous la pluie mais ce sont à peine trois gouttes qui nous accueillent à la descente du TGV – bien insuffisant pour dissuader les chasseurs d’autographe à l’affut des stars débarquant de la capitale (Muriel Robin et Romane Bohringer, entre autres, en l’occurrence).
Avec Lucas Liagre, Samuel-François Steininger, Léonie Briand,
Tom Volf et Thomas Arbez © Baptiste Vignol
Tom Volf et Thomas Arbez © Baptiste Vignol
Un peu plus tard, c’est même sous un soleil radieux que s’improvise un photo call devant la salle Franquin. Une grande partie de l’équipe du film a fait le déplacement. Le précieux sésame du film en main, on pénètre dans le cinéma avec la consigne de rester en haut des marches qu’il faudra descendre un peu plus tard sous les applaudissements…
Sur scène, Marie-France Brière (créatrice du festival avec Dominique Besnehard) est la première à prendre la parole, rappelant sa proximité avec Véronique : “Elle a pris quelques jours de repos, très loin, et m’a confié cette merveille que vous allez découvrir en me disant Ça va, c’est en de bonnes mains. […] Elle sait que vous regardez le film ce soir”. Plus tard, quand Tom Volf rappellera qu’on la voit dans le film, elle commentera : “Ce n’est pas pour ça que j’ai choisi le film, j’ai découvert ça avec stupeur, je ne savais pas d’où ça venait…” (archives Ina de 1979).
Thomas Arbez (responsable du service Création Conception de l’Ina) lui succède, évoquant le regard que les cinéastes portent sur les archives pour mieux louer ici “un travail particulièrement sensible et talentueux”. Il est clair qu’empiler des vidéos est à la portée du premier pékin débutant sur YouTube. Les assembler subtilement au service d’une narration est une autre histoire…
© JéAdr
L’intérêt de Véronique en comparaison à ce qui existe déjà sur le (formidable) sujet est bien sa narration. Les chansons de Véronique parlent pour elle, l’explication de texte est parfois superflue. Tom Volf a donc choisi de sous-titrer certaines chansons pour mieux souligner leur proximité avec ce qu’elle vivait au moment de leur composition, et surtout de rendre la musique très présente dans le film – ce qui lui a valu le compliment ayant sans doute le plus de valeur à ses oreilles, celui de Véronique herself lorsqu’elle a visionné le film pour la première fois : “Tu as tout compris. L’architecture de ce film est absolument magnifique. Tu a pris les bons morceaux aux bons moments, les enchaînements sont fluides, ça coule de source.” Pas mieux.
3 décembre 2024 © LC
Mais l’histoire racontée n’est pas juste son histoire. Elle peut fédérer – même si tout le monde n’a pas disparu du jour au lendemain sans prévenir personne pour suivre l’amour. Qui n’a pas fait l’expérience du remords en amour ? Qui n’a pas regretté d’avoir sabordé une histoire d’amour tout en sachant très bien qu’elle était de toute façon vouée à l’échec ? Qui n’a pas eu envie de revenir auprès d’un amour quitté en étant certain de retomber un jour sur l’envie de partir ? Le courrier que Véronique reçoit regorge de témoignages de femmes et d’hommes qui s’identifient à son parcours et dont les chansons les ont aidé à surmonter les hauts et les bas de la vie, à panser les blessures d’amour…
Retour au festival d’Angoulême, à la grande ferveur du public pendant la projection, à ceux qui chantent distraitement, à ceux qui essuient une larme et surtout aux applaudissements qui crépitent dès le début du générique alors que la salle reprend en chœur Drôle de vie. Quelle émotion ! On a ensuite l’occasion d’échanger quelques mots avec Robert Charlebois (représentant québécois avec Claude Dubois et la productrice Denise Robert) se souvenant de Stills courant après Véronique un couteau à la main ! On repense alors à cette remarque de l’éditrice chez
Grasset lors des séances de relecture du livre Les années
américaines, regrettant le tournant sombre de l’histoire : “Le début est bien, mais ça devient vite noir…”
Plus tard dans la nuit, à un after où se produit entre autres le DJ Gauffrrette, on croise Élise Lucet (en conversation avec Marie-France Brière et Jean-Pierre Lavoignat) confiant, elle aussi, son amour pour Véronique.
Le film a en premier lieu été conçu pour le cinéma et ce vendredi soir à Angoulême, c’est une énorme claque de découvrir le magnifique travail sur les images, toutes numérisées en haute définition pour le film et étalonnées par le magicien Samuel-François Steininger. On a beau connaître par cœur celles de l’Olympia 76 par exemple, elles sont ici largement sublimées. Lors des projections techniques, on n’avait pas eu droit à ce confort là, on n’osait pas rêver d’un résultat aussi réussi…
Premier message de Tom Volf le 1er décembre (jour de son anniversaire) 2020 : Je
me permets de prendre contact car j’aimerais échanger sur mon projet
d’un film sur Véronique Sanson, entièrement à base d’archives, à la
manière de mon dernier film “Maria by Callas” (sorti au cinéma en
2017-2018), je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de le voir ?
S’ensuivra une première rencontre, puis une visite à Triel (d’où il repartira avec la bénédiction de Véronique) avant des mois et des mois de recherches quasi archéologiques, de prises de contact tous azimuts, de km de mails et de textos, de réunions en tout genre : le but étant de lister de la façon la plus exhaustive possible les archives audio et vidéo concernant Véronique de par le monde, rien de moins. Autant dire que l’exaltation était souvent au rendez-vous, contrebalancée par quelques pointes de déception lorsqu’on nous répondait que l’archive convoitée était introuvable ou hors de portée de n’importe quel budget…
Durant
ces 4 années, Tom Volf n’a pas pu travailler en continu sur le film,
certains de ses projets (liés à Maria Callas) ayant été bloqués par la pandémie de Covid se rappelaient à
son bon souvenir, mais dès son retour à Paris, le rythme de travail et de rencontres reprenait, avec la même passion. Chouettes souvenirs.
Paris, septembre 2021, selfie avec Fina Torres
(co-auteur du film Véronique Sanson, De l’autre côté du rêve, 1978)
(co-auteur du film Véronique Sanson, De l’autre côté du rêve, 1978)
Yann et moi lui rendons grâce aujourd’hui pour avoir permis de faire un point précis
des archives existantes, d’enrichir par exemple les pages du site officiel avec des
télés jusqu’alors inconnues. Même si elles ne font pas
toutes partie du film (destiné à un public plus large que le cercle des fins connaisseurs), on sait qu’elles existent et les occasions de les montrer
ne manqueront pas.
Sur scène, avant même que le film ne commence, ont également été évoquées par les uns et les autres “les petites difficultés” à mener à bien ce projet. On le sait ou on s’en doute : la fabrication d’un film – même s’il s’agissait ici de montage, pas de tournage – n’est pas un long fleuve tranquille, et Véronique a été porté à bout de bras contre vents contraires et marées injustement hautes. Les bras sont bien sûr ceux de Tom Volf. Archi pointilleux, prêt à remuer ciel et terre pour déterrer l’hypothétique pépite dont il a cru déceler l’existence, ne se contentant jamais d’une réponse trop imprécise masquant peut-être la lumière du faible espoir de retrouver telle ou telle interview, image ou photo – il a redéfini le terme perfectionniste.
Mais nous vivons une époque charnière où on a d’un côté une industrie de la culture laminée par internet s’accrochant désespérément à des tarifs d’un autre âge, et de l’autre un océan de vidéos et de photos en accès illimité et gratuit – open bar impossible à réguler. Le tout générant une légitime incompréhension : on peut donc regarder/écouter gratuitement (= illégalement) des archives rares sur YouTube ou ailleurs mais les utiliser dans un film coûte un bras, voire deux. Avant l’inévitable implosion de ce système, il faudra bien qu’un acteur du marché (un peu plus malin que les autres) se dévoue et propose des tarifs moins gourmands : ne vaut-il pas mieux gagner un peu moins que rien du tout ? Il créerait alors un précédent, couloir dans lequel d’autres oseraient peut-être s’aventurer, sauvant potentiellement un secteur en difficulté. Après tout, l’idée de ce film était avant tout de soutenir ENSEMBLE un projet à même de faire briller le nom de Véronique d’un éclat nouveau, à la faire entrer dans la légende (comme me l’a dit un admirateur à la sortie de la salle) avec bien sûr son lot de retombées financières sonnantes et trébuchantes après diffusion – lot difficile à quantifier en amont mais à ne pas négliger lors des négociations…
Un mot, pour finir, de la sublime photo de l’affiche. Elle est parfaitement inédite, date de 1971-72, a été retrouvée chez Franka Berger (qui n’aime pas le terme documentaire et préfère qualifier Véronique de “film d’amour”) et a vraisemblablement été prise le même jour que celle-ci, déjà parue.
On n’a pas encore énormément de détails concernant l’avenir du film sinon qu’il sera présenté en novembre au Festival Cinémania de Montréal (annonce à écouter ici) et sera diffusé sur France Télévisions à la fin de l’année mais – comment dire ? – ce ne sera jamais comparable à cette projection en salle au Festival d’Angoulême…
Laurent Calut