• Véronique, le film

Véronique (Tom Volf, 2025)
Festival du Film d’Angoulême
29 août 2025


On nous annonçait Angoulême sous la pluie mais ce sont à peine trois gouttes qui nous accueillent à la descente du TGV – bien insuffisant pour dissuader les chasseurs d’autographe à l’affut des stars débarquant de la capitale (Muriel Robin et Romane Bohringer, entre autres, en l’occurrence).
 

Avec Lucas Liagre, Samuel-François Steininger, Léonie Briand, 
Tom Volf et Thomas Arbez © Baptiste Vignol
 
Un peu plus tard, c’est même sous un soleil radieux que s’improvise un photo call devant la salle Franquin. Une grande partie de l’équipe du film a fait le déplacement. Le précieux sésame du film en main, on pénètre dans le cinéma avec la consigne de rester en haut des marches qu’il faudra descendre un peu plus tard sous les applaudissements… 
 

Sur scène, Marie-France Brière (créatrice du festival avec Dominique Besnehard) est la première à prendre la parole, rappelant sa proximité avec Véronique : “Elle a pris quelques jours de repos, très loin, et m’a confié cette merveille que vous allez découvrir en me disant Ça va, c’est en de bonnes mains. […] Elle sait que vous regardez le film ce soir”. Plus tard, quand Tom Volf rappellera qu’on la voit dans le film, elle commentera : “Ce n’est pas pour ça que j’ai choisi le film, j’ai découvert ça avec stupeur, je ne savais pas d’où ça venait…”  (archives Ina de 1979).
 
Avec Marie-France Brière dans les coulisses de l’Olympia, 
octobre 1974 © Christian Rose
 
Agnès Chauveau (nouvelle directrice de l’Ina) rappelle ensuite la mission de la maison : “Faire vibrer ces archives pour les artistes qui ont marqué l’histoire culturelle du XXe siècle. […] Véronique Sanson fait partie des émotions que l’on partage, elle est la preuve que la chanson française c’est aussi du lien social qui nous unit tous”. C’est elle déjà qui avait remis la distinction numérique de l’Ina (une tablette bourrée d’archives) à Véronique à Rochefort en 2023 au côté de Julie Gayet.  

Thomas Arbez (responsable du service Création Conception de l’Ina) lui succède, évoquant le regard que les cinéastes portent sur les archives pour mieux louer ici “un travail particulièrement sensible et talentueux”. Il est clair qu’empiler des vidéos est à la portée du premier pékin débutant sur YouTube. Les assembler subtilement au service d’une narration est une autre histoire…

© JéAdr 
 
L’intérêt de Véronique en comparaison à ce qui existe déjà sur le (formidable) sujet est bien sa narration. Les chansons de Véronique parlent pour elle, l’explication de texte est parfois superflue. Tom Volf a donc choisi de sous-titrer certaines chansons pour mieux souligner leur proximité avec ce qu’elle vivait au moment de leur composition, et surtout de rendre la musique très présente dans le film – ce qui lui a valu le compliment ayant sans doute le plus de valeur à ses oreilles, celui de Véronique herself lorsqu’elle a visionné le film pour la première fois : “Tu as tout compris. L’architecture de ce film est absolument magnifique. Tu a pris les bons morceaux aux bons moments, les enchaînements sont fluides, ça coule de source.” Pas mieux. 
 

3 décembre 2024 © LC
 
Mais l’histoire racontée n’est pas juste son histoire. Elle peut fédérer – même si tout le monde n’a pas disparu du jour au lendemain sans prévenir personne pour suivre l’amour. Qui n’a pas fait l’expérience du remords en amour ? Qui n’a pas regretté d’avoir sabordé une histoire d’amour tout en sachant très bien qu’elle était de toute façon vouée à l’échec ? Qui n’a pas eu envie de revenir auprès d’un amour quitté en étant certain de retomber un jour sur l’envie de partir ? Le courrier que Véronique reçoit regorge de témoignages de femmes et d’hommes qui s’identifient à son parcours et dont les chansons les ont aidé à surmonter les hauts et les bas de la vie, à panser les blessures d’amour… 
 
Retour au festival d’Angoulême, à la grande ferveur du public pendant la projection, à ceux qui chantent distraitement, à ceux qui essuient une larme et surtout aux applaudissements qui crépitent dès le début du générique alors que la salle reprend en chœur Drôle de vie. Quelle émotion ! On a ensuite l’occasion d’échanger quelques mots avec Robert Charlebois (représentant québécois avec Claude Dubois et la productrice Denise Robert) se souvenant de Stills courant après Véronique un couteau à la main ! On repense alors à cette remarque de l’éditrice chez Grasset lors des séances de relecture du livre Les années américaines, regrettant le tournant sombre de l’histoire : “Le début est bien, mais ça devient vite noir…” 
 
Plus tard dans la nuit, à un after où se produit entre autres le DJ Gauffrrette, on croise Élise Lucet (en conversation avec Marie-France Brière et Jean-Pierre Lavoignat) confiant, elle aussi, son amour pour Véronique.

 
Le film a en premier lieu été conçu pour le cinéma et ce vendredi soir à Angoulême, c’est une énorme claque de découvrir le magnifique travail sur les images, toutes numérisées en haute définition pour le film et étalonnées par le magicien Samuel-François Steininger. On a beau connaître par cœur celles de l’Olympia 76 par exemple, elles sont ici largement sublimées. Lors des projections techniques, on n’avait pas eu droit à ce confort là, on n’osait pas rêver d’un résultat aussi réussi…  
 
Rembobinons. 

Paris, avril 2021

Premier message de Tom Volf le 1er décembre (jour de son anniversaire) 2020 : Je me permets de prendre contact car j’aimerais échanger sur mon projet d’un film sur Véronique Sanson, entièrement à base d’archives, à la manière de mon dernier film “Maria by Callas” (sorti au cinéma en 2017-2018), je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de le voir ? 

S’ensuivra une première rencontre, puis une visite à Triel (d’où il repartira avec la bénédiction de Véronique) avant des mois et des mois de recherches quasi archéologiques, de prises de contact tous azimuts, de km de mails et de textos, de réunions en tout genre : le but étant de lister de la façon la plus exhaustive possible les archives audio et vidéo concernant Véronique de par le monde, rien de moins. Autant dire que l’exaltation était souvent au rendez-vous, contrebalancée par quelques pointes de déception lorsqu’on nous répondait que l’archive convoitée était introuvable ou hors de portée de n’importe quel budget…
 
 Triel, mars 2021 © LC
 
Durant ces 4 années, Tom Volf n’a pas pu travailler en continu sur le film, certains de ses projets (liés à Maria Callas) ayant été bloqués par la pandémie de Covid se rappelaient à son bon souvenir, mais dès son retour à Paris, le rythme de travail et de rencontres reprenait, avec la même passion. Chouettes souvenirs. 
 
Paris, juillet 2021, selfie avec Yann Morvan

Paris, septembre 2021, selfie avec Fina Torres 
(co-auteur du film Véronique Sanson, De l’autre côté du rêve, 1978)

Yann et moi lui rendons grâce aujourd’hui pour avoir permis de faire un point précis des archives existantes, d’enrichir par exemple les pages du site officiel avec des télés jusqu’alors inconnues. Même si elles ne font pas toutes partie du film (destiné à un public plus large que le cercle des fins connaisseurs), on sait qu’elles existent et les occasions de les montrer ne manqueront pas. 

Sur scène, avant même que le film ne commence, ont également été évoquées par les uns et les autres “les petites difficultés” à mener à bien ce projet. On le sait ou on s’en doute : la fabrication d’un film – même s’il s’agissait ici de montage, pas de tournage – n’est pas un long fleuve tranquille, et Véronique a été porté à bout de bras contre vents contraires et marées injustement hautes. Les bras sont bien sûr ceux de Tom Volf. Archi pointilleux, prêt à remuer ciel et terre pour déterrer l’hypothétique pépite dont il a cru déceler l’existence, ne se contentant jamais d’une réponse trop imprécise masquant peut-être la lumière du faible espoir de retrouver telle ou telle interview, image ou photo – il a redéfini le terme perfectionniste
 
Mais nous vivons une époque charnière où on a d’un côté une industrie de la culture laminée par internet s’accrochant désespérément à des tarifs d’un autre âge, et de l’autre un océan de vidéos et de photos en accès illimité et gratuit – open bar impossible à réguler. Le tout générant une légitime incompréhension : on peut donc regarder/écouter gratuitement (= illégalement) des archives rares sur YouTube ou ailleurs mais les utiliser dans un film coûte un bras, voire deux. Avant l’inévitable implosion de ce système, il faudra bien qu’un acteur du marché (un peu plus malin que les autres) se dévoue et propose des tarifs moins gourmands : ne vaut-il pas mieux gagner un peu moins que rien du tout ? Il créerait alors un précédent, couloir dans lequel d’autres oseraient peut-être s’aventurer, sauvant potentiellement un secteur en difficulté. Après tout, l’idée de ce film était avant tout de soutenir ENSEMBLE un projet à même de faire briller le nom de Véronique d’un éclat nouveau, à la faire entrer dans la légende (comme me l’a dit un admirateur à la sortie de la salle) avec bien sûr son lot de retombées financières sonnantes et trébuchantes après diffusion – lot difficile à quantifier en amont mais à ne pas négliger lors des négociations… 

Un mot, pour finir, de la sublime photo de l’affiche. Elle est parfaitement inédite, date de 1971-72, a été retrouvée chez Franka Berger (qui n’aime pas le terme documentaire et préfère qualifier Véronique de “film d’amour”) et a vraisemblablement été prise le même jour que celle-ci, déjà parue. 
 
On n’a pas encore énormément de détails concernant l’avenir du film sinon qu’il sera présenté en novembre au Festival Cinémania de Montréal (annonce à écouter ici) et sera diffusé sur France Télévisions à la fin de l’année mais – comment dire ? – ce ne sera jamais comparable à cette projection en salle au Festival d’Angoulême…
 
Laurent Calut 

• Véronique Sanson | Asnières 2025

Les Nuits Étoilées
Asnières-sur-Seine
24 juin 2025


Par définition, on se méfiait des concerts gratuits dans le cadre de la Fête de la Musique. Souvenir d’un calamiteux Malakoff en 2008 dans un stade rempli de gamins qui courraient dans tous les sens au milieu des fumées et odeurs de barbecues de merguez improvisés et, une fois la dernière note jouée, l’arrivée de mecs cagoulés déboulant sur scène pour piquer les instruments ! L’année suivante, c’était un décevant Ivry-sur-Seine avec une Véronique en petite forme. En juin 2023, c’est la pluie qui avait saboté la fête à Vitry – même si elle avait donné lieu à des sketchs sympas (Véro et sa serviette sur la tête). Le cru 2025 allait s’avérer très réussi, à ranger plutôt au côté d’un souvenir bien plus cool que les sus-nommés : Aulnay-sous-Bois 1977 (pour les vétérans). 
 

On arrive vers 16:30. Sur le chemin, une maison avec des arbres qui sortent des fenêtres, aperçue dans une chaleur accablante. Le feu du ciel, rien de moins. Face à l’Hôtel de ville, le Basilou est attablé devant un verre avec sa moitié. On s’invite juste avant qu’il nous quitte pour cause de balances. On le rejoindra. 
 

Véronique vient d’arriver. Sa loge est l’une des tentes blanches au pied de la scène. L’ambiance est bonne. Mehdi teste le son du piano avec La groupie du pianiste – gag classique mais qui fonctionne toujours. Sur le parvis, le soleil tabasse. Malgré tout, un public amateur de bonne musique se tient déjà le long des grilles, guettant l’arrivée de celle qui vient “honorer la ville de sa présence”, comme l’annoncera le maire d’Asnières juste avant le show. De peur que mon appareil photo prenne feu, je me réfugie à l’ombre de la régie plateau. 
 

Pull confortable chouchou de sa garde-robe depuis des lustres, pantalon jaune, lunettes noires et solides chaussures lacées, Véronique rejoint le piano. Le soundcheck peut commencer. Y’a débat à propos de Marie. Dodo propose d’en sucrer un refrain – on le soutient mentalement – mais Véronique tient bon jusqu’à consentir à faire un essai qui n’a pas l’air de lui déplaire… mais qui ne sera pas transformé le soir-même puisqu’elle doublera (par habitude ?) le refrain en question…  
 
 
 
Exceptionnellement nanti d’un passe photo, je suis à ses pieds lorsqu’elle répète On m’attend là-bas, priant le dieu des vents pour qu’il souffle dans ses cheveux (coupés un peu plus courts la semaine précédente). En la regardant, on réalise qu’on pourrait très bien être dans les seventies : il faudra bien écrire la date sur le dossier du Mac…  


Le temps imparti est écoulé, elle n’a pas le temps de répéter les piano-voix (au petit nombre de deux dans la setlist format festival). Retour en loge. On s’éclipse.
 
La belle Violaine est là, casque de moto sous le bras. Attablé avec Yann, Mexicain en visite annuelle en France, on la voit débarquer en grande forme avec une copine de 30 ans, conseillère municipale qui n’est pas pour rien dans l’événement du soir et entre les mains de laquelle elle me laisse. Direction l’intérieur de la mairie pour faire des photos du premier, voire du deuxième étage. On se laisse faire. Le bâtiment est splendide, l’escalier a du cachet avec son tapis rouge classique et le plafond peint est magnifique. Fred Sitbon, sympathique photographe de la mairie, explique que si on est plein au bas des marches à gauche et tout au fond à droite, on a 10 000 personnes sous les yeux. Impressionnant. 
 

L’équipe de la mairie monte sur scène à l’heure dite. Petit discours convenu des uns et des autres avant que le micro n’atterrisse dans les mains de Violaine : “C’est ma petite sœur, elle est dans sa loge morte de trac, elle est hyper contente d’être là… alors rassurez-là”. Bien joué : le public déjà bien chaud balance “Véro, Véro !”. Chouette concert en vue. 
 
 
Les fenêtres de la mairie se garnissent de monde, et puis on a envie de voir l’animal de plus près : on sort. Dans la fosse aux lions, pas facile de jouer des coudes pour se rapprocher de la scène : on repasse côté coulisse pour réintégrer la régie plateau (en se faisant le plus petit possible pour ne pas gêner ceux qui bossent), gagnant en visibilité ce qu’on perd en qualité de son : on est à un mètre de la batterie et des guitares, mais avec la tornade blonde droit devant. La proximité avec Dodo, Basile et JB va permettre d’apprécier leur travail – le piano, la voix et les cuivres étant relégués à l’arrière-plan.  
 
© Claire Vervier

Malgré la chaleur, Véronique est à l’aise dans son élément – celui qui compte le plus à ses yeux et à ses oreilles : la musique. Quand on l’accompagne en promo, on a parfois l’impression de la conduire à l’abattoir. Ici elle respire, se nourrit, reprend des forces. 
 
 
 

Lorsqu’elle quitte le piano, déménager semble être la bonne option. Direction le public, vaste forêt de portables brandis en direction de l’idole. Tapi sur le côté, on avait sous-estimé la puissance des enceintes. Énorme pulsation mais good vibration. Impression que le cœur est sorti de sa poitrine et cogne à l’air libre.  
 
 
Voici venir les tant attendus moments piano-voix. La scène est libre, on s’enhardit et court se planquer derrière la batterie désertée. Le moment est sacré. Elle est à deux mètres, dans un angle plutôt rare sur les photos, mais voilà que le chargeur clignote sur l’écran pile à la fin de Ma révérence. Gasp ! Vite fouiller dans le sac pour chercher celui de rechange et ne pas rater la lumière bleue sur Bahia.
 

La magnifique Salle des mariages nous attend ensuite. Ce qui donne des idées à Violaine qui propose d’épouser Yann sur le champ. Les z’heureux z’époux posent avec leurs témoins devant un maire désigné pour la circonstance. On ne sablera pas le champagne ce soir : il fait très chaud et il reste juste un peu de jus d’orange au buffet, pas même une goutte d’eau…
 

Fanny Kegenne-Herlet montre ses photos du concert et enchaîne avec d’autres dans la superbe Salle des mariages : Véronique passant de mains en mains, présentée au maire et à ses différents conseillers, tous archi-fans. Il faudra surveiller le prochain bulletin municipal… Le temps d’un mot, d’une attention, d’un selfie pour chacun et on la regarde s’éloigner dans la nuit, prête pour de nouvelles aventures… 
 
 
 
Le bleu n’étant finalement pas si seyant, on tente une approche dorée…
 

 
Laurent Calut 

• Véronique Sanson | 2025 promo

“28 minutes”, Arte
28 mai 2025


Enfin, pour une fois, quelque chose d’un peu excitant dans le calendrier promo de Véronique ! Soyons clairs, qu’elle fasse Reichmann ou Drucker, on s’en bat un peu les flancs, mais qu’elle soit reçue dans l’émission que je regarde tous les soirs, là je bloque la semaine.

28 minutes est un espace ludique de débats ouverts et bien structurés entre journalistes respectueux qui ne cherchent pas le buzz à tout crin et qui ont l’air de former une véritable famille ayant du plaisir à travailler ensemble et qu’on a, par ricochet, plaisir à retrouver. En outre, en ces temps diaboliques où être de gauche est devenu une insulte, l’émission constitue un formidable rempart face à la propagande organisée par les médias bollorisés. On soutient.

Mardi après-midi, 16:30, un immeuble moderne dans une rue tranquille du 17e arrondissement. Devant la porte, l’essayiste Isabelle Saporta sur son smartphone et un vigile qui m’indique le chemin (après vérification d’identité). Deux étages plus bas, Véronique est déjà en phase de maquillage. On pourrait glisser ici un paragraphe, que dis-je un chapitre, sur la notion du temps et Véronique : elle n’a aucune, mais vraiment aucune, idée de ce que le temps peut être, vit dans un présent perpétuel (ce qui est sans doute magique) et compte donc sur son entourage pour la ramener à la réalité quand il le faut. Entourage qui a, une fois de plus, bien fait les choses :
elle est à l’heure…

La maitresse des lieux, l’incontournable Élisabeth Quin, vient se présenter, serrer la main de tout un chacun et dire à Véronique combien elle est ravie de la voir. Elle jette un coup d’œil à la table basse, ironise sur ce qui ressemble à un “goûter d’enfants”.

La loge est grande mais sans fenêtre. Pour fumer, il faut aller à l’air libre et le détecteur de fumée n’a pas l’air sympa : si on le cherche, il se déclenchera dans une autre pièce, nous avertit-on. Solution de repli : l’étouffer sous une paire de chaussettes, ce qui sera fait sans délai mais n’empêchera pas un déclenchement tardif, juste avant de quitter les lieux…

Coiffeur, assistante, attachée de presse, tout le monde fume dans cette équipe et on les suit malgré tout dans la cour. Au retour, rencontre inopinée avec Xavier Mauduit. Au risque de passer pour un fan vaguement attardé, je ne résiste pas au plaisir de le féliciter pour ses chroniques. Fidèle à son image sur écran, il raconte trouver son idée à 5 h du matin et avoir hâte comme un gamin d’en révéler le contenu à Élisabeth le soir-même, et trouver bien sûr le jeu de mots énorme qu’il n’oublie jamais de balancer en fin de chronique.

Véronique hésite sur les tenues. Comme souvent, elle en a apporté deux : jeans et veste noire qui brille ou pantalon noir avec veste un poil plus habillée. Et comme souvent, elle préfère une solution médiane : “Je ne mets pas de veste”. Bruit de fond contre l’option choisie, elle finit par céder, enfilant la veste qui brille par endroits sur son tee-shirt et son gilet avec des pin’s étoiles au revers.
 

17:45, on vient l’équiper, elle est fin prête pour rejoindre le plateau avec un arrêt en chemin pour filmer sa sortie de loge. Le plateau est magnifique. Anna N’Diaye et Frédéric Says sont déjà autour de la table. Véronique les salue. On vérifie l’image à l’écran. Il semble que le make up soit un peu fort sur les joues, on estompe – mais globalement elle est bien mieux maquillée que chez Drucker (où elle était
trop pâle, question de lumière apparemment). On se remémore Kanou qui vérifiait tout cela à la loupe. Entre Angélique et Vincence (96B), elle a de dignes héritières aujourd’hui.

Elisabeth Quin taquine Véronique, la traite de badass mais prononce le mot à la française et se fait reprendre direct avec l’accent américain : “Ah, baaaadass!”. Elles se marrent, le courant passe. Chose très rare : de retour en loge, Véronique demandera une feuille de papier et un stylo pour lui écrire, très concentrée, un petit mot. La feuille pliée en deux, elle écrira simplement dessus “Pour Élisabeth the Queen” avant de la remettre à une assistante.
 

Le tournage peut commencer, dans les conditions du direct : il n’y aura pas de montage. Comme souvent, je reste sur le plateau, planqué derrière une des caméras. Magnéto “Profil idéal” après une définition de mots-croisés signée Georges Perec, questions, extraits live pour la promo des festivals et de la tournée, intervention d’Anna N’Diaye à propos d’un exosquelette pour aider à faire travailler ses doigts au piano et de Frédéric Says qui demande à Véronique si elle ne considère pas que la société actuelle nous infantilise… C’est déjà fini. Annonce de la suite de l’émission et pause. Véronique veut dire à Anna N’Diaye qu’elle n'a rien compris à cette histoire d’exosquelette. On est obligé de les interrompre pour faire entrer les participants au débat qui doit suivre, débat sur les loups.
 

Sur le chemin du retour en loge – merci aux dieux du Paf – on tombe sur l’épatante (et très jolie) Marie Bonnisseau. Ça a l'air d’une banalité extrême d’écrire ça mais c’est réellement gratifiant de pouvoir dire aux gens tout le bien qu’on pense d’eux. 
 
Deux jeunes gens (des stagiaires ?) viennent demander des autographes que Véronique signe de bon cœur. On remonte vers la sortie. Une dernière cigarette pour la route. À la lumière du jour, ça flashe sévère entre le manteau de cuir, le chapeau et les lunettes noires. On fait quelques photos à la volée. L’une d’elles devrait pouvoir faire le job sur les réseaux…
 

Plus tard, sur Instagram, elle partage en MP ce visuel – sans doute pas tout à fait innocemment, comme tout ce qu’elle fait…


L'émission est en replay ici.


 
Laurent Calut 

• Schnock Sheila | 2025

“Schnock” n° 54
Grand Dossier Sheila
5 mars 2025
 
Bon on va pas se mentir, écrire pour Schnock, c’est très très cool. On peut y lâcher des infos qu’on ne lira pas ailleurs, glisser des réfs sans avoir à les expliquer, ignorer royalement le premier degré tout en restant pointu et le plus exhaustif possible. Ce préambule pour expliquer (s’il le fallait) que quand l’opportunité d’y écrire se présente, on ne dit pas non – a fortiori si c’est sur un sujet qui ne nous est pas tout à fait inconnu.

Attention, coming out : j’ai été fan de Sheila dans ma tendre enfance. J’en étais à recopier les textes de ses chansons (pas le plus important dans l’histoire, on est d’accord) dans un petit cahier cousu main. On parle d’une époque où je faisais semblant de m’endormir en attendant que ma mère vienne me chercher un peu plus tard 
sans réveiller mes deux sœurs (plus jeunes) pour pouvoir mater les guyluxeries où elle apparaissait – c’est-à-dire une semaine sur deux. Son entrain, sa perpétuelle bonne humeur, son côté hyper sain, ses 45 tours numérotés, tout était parfait pour séduire les gamins de l’époque. Elle était un peu notre Chantal Goya – en plus sportive, en moins gnangnan – mais bizarrement, à l’école, on avait un peu honte de dire qu’on l’aimait bien… 


En 1985, j'avais même accompagné Katia Miramon (ex-assistante de Véronique) au Zénith pour sa première scène parisienne depuis ses débuts si je ne m’abuse. Pas de souvenir marquant de cet épisode. Ensuite, en 2012, j’étais allé la voir à l’Olympia avec le camarade Mathieu Rosaz (chronique à lire ici), puis au Casino de Paris en 2017 avec Éric Chemouny. On s’était retrouvé en coulisses avec Didier Varrod et on avait prévenu Sheila qu’on la reverrait sous peu à l’Olympia de Véronique – ce qui fut fait (photo mythique ici).
 
Mais revenons à Schnock. La proposition portant sur Claude Carrère est tombée fin août 2024. Un peu de temps pour écrire donc, mais avec un impératif auto-imposé : ne pas trop charger la bête sachant que, de son passage sur Terre, le brave homme n’avait pas laissé que de bons souvenirs et que trouver des gens pour en dire du bien allait se révéler compliqué – à commencer par Sheila herself. Parlant de Carrère, on ne pouvait décemment pas faire l’impasse sur “Mémé” Ibach, qu’on retrouve dans un encadré en fin d’article. Côté mise en page, on est toujours gâté (merci Mr Choubi) et ne ratez pas la légende de la photo page 79, signée Alister – who else?
 

Journal de Sheila, juin 1968
 
Le Grand Dossier (une centaine de pages quand même) comporte aussi un long entretien avec Sheila (par Sophie Delassein, du Nouvel Obs), deux interviews de l’ami Baptiste Vignol (formidable Jean-Marie Périer, quintessence du schnock, et surprenante Pamela Forrest). L’illustration page 93 permet de nuancer l’antienne qui voudrait que des fans aient d’eux-mêmes reconnu la voix de Sheila dans Love Me Baby et aient appelé RTL en masse : une pub judicieusement placée dans le Journal de Sheila les y a tout de même fortement aidés…  
 
Il y a aussi un papier sur les coiffures de Sheila à travers les âges avec le point de vue de coiffeurs. Trop court, jeune homme ! On aurait aussi voulu les années 80 et suivantes…
 

Soyons réaliste, on ne s’est jamais vraiment bousculé pour faire un disque hommage à Sheila, pour reprendre et valoriser ses tubes vendus à des centaines de milliers d’exemplaires à leur sortie en 45 tours. Alister a pourtant réussi à aligner un Top 10. Il a même entendu du Véronique Sanson dans Le couple. Un problème d’acouphènes, peut-être ? ;-)
 
Bravo à Laurent Chalumeau pour avoir su mettre le doigt sur le non-sens de la fameuse rumeur concernant Sheila. Si le torchon initial (paru en 1964) soutenait qu’elle risquait de devenir un homme (à cause des hormones qu’elle prenait pour se remettre de sa première tournée avortée), la France entière comprit qu’elle était née homme et avait opéré une transition pour devenir femme. Hallucinant. On a envie d’ajouter que si Sheila n’avait pas cessé d’en parler (dans ses livres, principalement), la rumeur se serait éteinte d’elle-même et elle n’aurait pas eu à demander un texte de chanson sur le sujet il y a quelques années…  
 
Enfin, il y a le dico, Le petit Sheila illustré, pour lequel j’ai commis quelques entrées. Et surtout, il y a aussi une vie après Sheila : un excellent article sur Bruno Cremer, un autre sur Pierre Boulle (dont je ne savais rien) et la rubrique Schnock chez soi qui m’a donné envie de réécouter l’album Mort ou vif de Patrick Juvet. Schnock, ça sert aussi à ça…
 
 
Le sommaire complet est ici. Bonne lecture ! 
 
Chronique dans Moustique Magazine (Belgique) du 5 mars 2025
 
 
PS. Avant ce numéro, j’avais participé au Schnock n° 47 (Grand dossier Véronique Sanson). Chronique en ligne ici
 
Laurent Calut